« Il n’est pas venu. Et moi… Je ne viendrai plus. »

Elle se glissait à l'extérieur de la maison tandis qu'il la suivait, sa main glissé dans la sienne, ses doigts entrelacés dans les siens. Hyun Woo la regardait avec anxiété et stupeur. La situation paraissait illogique en tout point. Son coeur ne cessait de battre fortement à l'intérieur de sa poitrine, s'écrasant sur les parois de sa cage thoracique, provoquant des pannes de respiration fréquentes quand son regard croisait le sien. La pluie tombait à flot et ils n'eurent pas récupérer le parapluie rester dans l'entrée de la maison de Papa Yoo. Le sol froid, mouillé, sous les pieds nus de Na Eun, interpelait rapidement Hyun Woo, qui enlevait inconsciemment ses propres chaussures et s'abaissaient pour glisser ses pieds frêles et fragiles dans ses chaussures bien trop grandes pour elle. Il relevait son regard vers elle et grimaçait légèrement.

« Je marcherais en chaussettes. A moins que tu préfères que je te portes ? »

Il déglutissait difficilement, le goût de ses lèvres encore sur les siennes. Il se mordait la lèvre inférieur. Et maintenant ? Hyun Woo cherchait bien entendu une alternative pour les sortir de ce mauvais pas – pas seulement de cet excès de sensualité entre eux, de cette fougue irréversible qui naissait encore au creux du coeur et de l'esprit du jeune homme, mais aussi de cette pluie battante qui les trempaient jusqu'aux os, réduisant considérablement la distance entre eux. Hyun Woo avait glissé ses bras autour des épaules de la jeune femme, de peur qu'elle prenne froid. Ses bras se resserraient peu à peu tandis qu'ils marchaient vers une destination inconnue. (...)

Le cliquetis de la clé raisonne dans le hall d'entrée de l'appartement que Hyun Woo partage avec son frère. Il espère que celui-ci n'est pas là et qu'il s'est réfugié dans les bras de Mi Sun dans un autre endroit que leur appartement. Il franchit le seuil de l'appartement et referme la porte derrière Na Eun, trempé. Son regard se pose sur elle – ses yeux croisent ses prunelles chocolat, déstabilisant un peu plus son air serein et reposé qu'il eut tenté de reprendre pendant le trajet suite à leurs ébats dans le bureau de Papa Yoo. Instinctivement, il pose ses mains sur les épaules de la jeune femme et frictionne légèrement ceux-ci, comme pour la réchauffer, sans succès sans doute. Hyun Woo agit bêtement parfois, mais il ne s'en rend juste pas compte.

« Erm.. tu veux une serviette ? Je.. je vais t'en chercher une... ehm.. rentre et fait comme chez toi. »

Il fuit dans la salle de bain et s'empare d'une serviette assez rapidement. Il s'enfonce par la suite dans sa chambre pour y chercher un t-shirt assez grand qui ne dévoilerait pas le corps de la jeune femme à ses yeux. Seulement, à son retour dans le salon, il l'aperçoit et ne peut s'empêcher de rester figé à la contempler. Sa robe à moitié défaite qui dévoilait ses épaules et plus encore. Ses cheveux trempés retombant sur ses frêles épaules. Ses pieds chétifs, nus sur le parquet. Il avance doucement. A ses côtés, il l'a regarde, lui tend la serviette et le t-shirt. Ce n'est sans doute pas grand chose, mais il ne peut sans doute rien faire d'autres mise à part sécher leurs vêtements et attendre sur le canapé.

« Tu... erm.. j'ai pensé que tu voudrais enlever ta robe trempé, alors... ehm.. ce n'est pas un t-shirt assez large mais euh... »

Pourquoi perdait-il tout ses moyens en la présence de Na Eun. Son taux d'alcoolémie n'avait rien à voir avec celui de Na Eun. Un frisson le parcourait tandis qu'il essayait de ne pas se remémorer les évènements passés dans ce bureau – évènements inachevés. « Avec moi, tu fais jamais les choses entièrement. Tu ne montres jamais qu’un seul de tes visages. Tu m’ignores pendant des mois, tu es au sommet de ton succès et tu as peine le temps pour moi. Et quand tu me reviens, tu n’es plus que l’ombre de toi-même, qu’une coquille vide. Tu t’interromps sans cesse, tu n’achèves plus rien. Même là… tu t’approches, mais tu ne m’embrasses pas. Tu plaisantes, mais tu ne joues pas le jeu. » Il déglutit. Sa main glisse le long de son cou et vient caresser sa joue pour y essuyer quelques gouttes d'eau dégoulinant de ses cheveux. Un soupir s'échappe de ses lèvres, avant qu'un léger sourire s'y dessine. Son autre main se pose, inconsciemment, sur la hanche de la jeune femme, la rapprochant un peu plus de lui. Il vient glisser son visage dans son cou, son souffle chaud réchauffe sa peau froide, glaciale.

«  C'est parce que tu es quelqu'un de beaucoup plus spécial à mes yeux que je n'agis pas de la même face qu'avec toi... my love... »

Il prononce ses mots en un simple murmure à peine inaudible et vient attarder ses lèvres dans son cou et sa mâchoire, accentuant la ferveur, l'intensité de chaque baiser. Ses yeux se plongent dans les siens quelques secondes et à son tour il l'embrasse, l'attirant un peu plus contre lui, ses bras passant autour de son bassin et la glissant un peu plus contre lui. La distance d'autrefois n'était plus visible du tout. La proximité de leurs visages, de leurs lèvres, provoquaient des battements de coeurs de plus en plus accélérés dans la cage thoracique de Hyun Woo. Et il ne s'attarde pas là dessus, ses lèvres capturent à nouveau celles de Na Eun, avec beaucoup plus d'entrain et de fougue qu'il n'eut cru lui même. Son souffle glisse sur sa peau, provoquant d'innombrables frissons. Ses lèvres glissent, effleurent ses lèvres, sa joue, son lobe d'oreille qu'il est presque prêt à mordiller avec un malin plaisir, l'arrête de sa mâchoire, son cou, la naissance de sa poitrine. Puis il s'arrête, il la repose sur le sol, il sourit doucement. Ce sourire. Il n'est pas le même que d'habitude. Il n'est plus le même que ceux qu'il lui adressaient jusque là. Il avance, presque comme un prédateur approchant sa proie, vers Na Eun et elle se retrouve accolé au mur derrière elle.

« Si tu vaux mieux que ça... Montre moi. »

Il plaque ses lèvres avec passion sur les siennes, tandis que ses mains glissent déjà le long de sa robe trempé pour y déboutonner encore une partie de celle-ci dévoilant un peu plus le corps gelé par la froideur de la pluie à l'extérieur de l'appartement. Ses mains se dérobent sous la petite stature de Na Eun, glissant, frôlant, déambulant sur chaque parcelle de son corps découverte ou non. Les lèvres de Hyun Woo parcourent chaque courbe de son visage, les effleurant aussi bien que ses mains glissaient dans son dos pour la piéger un peu plus dans cet excès de chaleur incandescente qui naissait petit à petit entre eux. Ses doigts fins vinrent dégager quelques mèches de cheveux trempés du front de la jeune femme. La respiration haletante de Hyun Woo ne semble vraiment se calmer. Une de ses mains glisse le long de sa cuisse et remonte jusqu'à son bas ventre pour se reposer sur sa hanche. Un sourire, toujours visible sur les lèvres occupés à la « torturer » nait et renait. Hyun Woo a eu beau avoir changer, pendant un seul instant, en une seule phrase, Na Eun eut réussi à provoquer la ferveur et la passion qui naissaient en lui avec les autres – pour que cela agisse aussi bien avec celle qu'il aime ce soir-là. La question se pose encore. L'aime t-il ou joue t-il ? La question reste sans réponse. Ses lèvres s'attaquent à la naissance de sa poitrine tandis qu'il l'a maintient entre ses mains contre ce mur. Tout cela était inapproprié, elle est comme sa petite soeur, sa meilleure amie, mais il n'y peut rien. Elle provoque – il contrecarre et agit.

Les autres vous regardent. L’averse les ont fait se presser vers les bus, mais quand ils montent à bord, ils vous voient et se figent un instant sous le coup de la surprise. C’est que vous donnez un beau spectacle. Tout de noir vêtus, trempés jusqu’à la moelle. Et toi qui, de surcroît, portes ses chaussures démesurées. Cependant, la pluie qui tombe sans discontinuer a raison des réserves des passagers. Ils affluent, et le bus se trouve bientôt bondé. Acculée contre la vitre, emprisonnée entre ses bras. Tu peux à peine bouger, à peine respirer. Et pourtant, là, tu te sens en sécurité.

Il l’embrasse. Na Eun sait qu’elle devrait réagir davantage, mais sous ces caresses dont il la couvre, il lui paraît tout bonnement impossible de former la moindre pensée cohérente. Elle essaie néanmoins – mais ses seules analyses s’attachent uniquement à remarquer la douceur de ses lèvres, la chaleur de son souffle. La demoiselle a toujours vilipendé l’extrême stupidité des conquêtes qu’accumulait son meilleur ami ; celles-ci prononcent rarement plus de deux mots intelligents, ne savent jamais en écrire plus d’un. Et encore. Na Eun a toujours soupçonné une tare congénitale, mais finalement, c’est peut-être bien Hyun Woo, le coupable dans cette histoire. Si le simple frôlement de ses doigts sur sa peau glacée parvient à la plonger dans un tel état d’hébétude, il y a nécessairement anguille sous roche. Mais les ardeurs du jeune homme redoubler, et petite Yoo peut difficilement creuser la question. Elle n’est même pas capable de maîtriser son propre corps. A son insu, ses bras s’enroulent autour de son cou. Un soupir naît au fond de sa gorge – impossible de le réprimer. Pathétique, elle est si pathétique. Elle se hisse même sur la pointe des pieds afin que leurs bouches ne soient jamais trop longtemps séparées. L’effleurement le plus infime déclenche en elle des vagues de réaction incontrôlées. Ses mains entrent en contact avec le bas de son ventre, et des frissons l’agitent des pieds à la tête. Quand sa robe s’est-elle à ce point ouverte ? Elle ignore, et cela s’avère vite sans importance. Le tissu gorgé d’eau glisse bientôt de ses épaules et s’en va rejoindre le sol. En proie au froid, elle a comme réflexe d’enlacer encore plus étroitement Hyun Woo. Lorsque les lèvres de celui-ci quittent les siennes et entreprennent d’explorer plus librement sa gorge, elle ne le retient pas. Bien au contraire – ses doigts à elle s’emmêlent dans ses mèches trempées, mises ainsi à sa portée.

« Ce n’est pas moi qui suis restée enfermée des mois dans une chambre, sans rien pouvoir faire. Ce n’est pas moi qui ai à prouver que je suis encore quelque chose. »

D’où lui vient la force d’articuler deux phrases complètes ? Cela demeurera sans doute toujours un mystère. Mais à son abandon se mêle à nouveau sa volonté de provoquer, de défier. Au prix d’efforts incommensurables, elle a repoussé le jeune homme ; dans la pénombre, elle distingue désormais son visage, ce sourire de séducteur qui ourle ses traits – à sourire qu’il réserve aux autres. Est-ce donc ainsi que tout va se passer ? Quelques secondes auparavant, il a clamé qu’elle occupait une place particulière. Na Eun peut aisément deviner laquelle – elle est (était ?) la seule fille que Song Hyun Woo n’a jamais touchée ; la seule fille que Song Hyun Woo n’a sans doute jamais désirée. Son orgueil s’en est déjà trouvé blessé, mais elle avait coutume de se consoler, en se répétant qu’au moins, elle n’était pas un simple nom sur une liste, qu’une énième conquête aisément décrochée, aisément oubliée. Mais ce soir-là, les grammes d’alcool qui lui coulent dans le sang et ses sens enivrés lui soufflent que son rang d’exception, elle peut bien le sacrifier. Ses mains défont déjà avec application les boutons de la chemise du jeune homme ; la pluie a rendu le tissu blanc transparent, et l’on voit son torse si dessiner. Ce n’est pas très sain, n’est-ce pas ? De fixer avec une telle insistance ses abdominaux… Peu importe. Ses doigts heurtent la boucle de sa ceinture.

« Même pas cap. »

Un rire sans joie agite ses frêles épaules, alors qu’elle lâche ses mots avec un sourire cynique. Son excès d’audace l’a peu à peu faite sortir de sa torpeur ; malgré son état d’ébriété avancé, la jeune fille sait qu’elle va loin, peut-être trop. Hyun Woo est son meilleur ami, son frère presque. Voilà ce que ce qui lui reste de raison lui murmure. Mais une autre voix s’élève en elle, révoltée : pourquoi ne pourrait-elle pas ? Pourquoi lui serait-ce interdit à elle, et pas autres ? Toute son enfance, petite Yoo l’a passée enserré dans le carcan des conventions et d’obligations ; il fallait toujours faire bonne figure, se plier aux règles. C’est à trop courber l’échine que tout son corps s’est raidi comme refusant une sujétion de plus. A la mort de mère, la demoiselle a décidé qu’elle n’aurait plus dieu, ni maître. Qu’elle ne connaîtrait plus de limites, qu’elle les repousserait même. Et c’est précisément parce que tout cela paraît si hors d’atteinte, si déplacé qu’elle fonce tête baissée – quitte à jouer avec le feu, quitte à s’y brûler les ailes.

« Même pas cap. Tu vas te défiler, n’est-ce pas ? Encore reculer ? Dans tous les cas, compte pas sur moi pour te trouver une excuse. »

Elle se détache du mur contre lequel il l’a piégée et se dérobe à son étreinte. Lentement, elle se dirige qu’à la porte de sa chambre. S’arrêtant sur le pas de celle-ci, elle tourne vers lui un dernier regard – ses larges iris scintillent plus que de coutume, disent plus que mille mots. Et sa silhouette s’engouffre, puis disparaît dans la chambre. Pendant quelques secondes, rien. Puis un bout de tissu atterrit sur le seuil – son soutien-gorge.

Il restait planté comme un idiot face à un jouet attisant sa curiosité dans le salon vide, dans la pénombre froide de cette journée pluvieuse. Il déglutissait difficilement, fixant le sous-vêtement rejeté avec finesse par Na Eun en entrant dans sa chambre d'un pas élégant. Jamais encore il n'avait ressenti autant de frustration envers quelqu'un – et ce, quand Na Eun décida de quitter cette étreinte brulante que provoquait sa peau contre celle de Hyun Woo, il se résignait à la contempler de haut en bas, ne résistant pas à la beauté de son corps, il voulait juste y reposer ses mains glaciales sur son corps de braise. Avancant presque à pas de loup vers la chambre qui lui provoquait des frissons à la simple vue de la porte refermé, il repensait à ce trop pleins de paroles, ce trop pleins d'émotions. Pourquoi n'avait-il jamais voulu la toucher elle ? Pourquoi maintenant et pas hier ou il y a quatre ans ? Il ne savait pas la réponse lui même. Il savait juste qu'aujourd'hui le désir était beaucoup plus grand qu'auparavant – il savait juste qu'il ne désirait plus qu'elle à présent et personne d'autre. Se faufilant dans la chambre froide et noir, il ne discernait même pas l'ombre de Na Eun caché près de lui, il la heurtait juste, la rattrapant de justesse avant qu'elle ne s'effondre sur le sol de tout son long. L'odeur de ses cheveux parvinrent jusqu'aux narines de Hyun Woo et il ne put décemment pas retenir ses lèvres qui vinrent heurter de plus belle celles de Na Eun.

« Ne redis pas que je ne suis pas cap... Tu n'as pas le droit... Tu... Tu me connais plus que tout Na Eun...  »

Ses lèvres glissèrent dans son cou tandis que les bras de Hyun Woo glissaient dans son dos, la ramenant contre lui. Reculant jusqu'à heurter le lit sur lequel Na Eun bascula indéniablement, il put ainsi reprendre sa contemplation de son corps en tout sécurité. Ses mains glissèrent le long de ses courbes jusqu'à ses hanches qu'il ramena contre lui. Il se collait d'avantage à Na Eun alors que celle-ci lui ôtait sa chemise avec rapidité et légèreté. Les doigts de Hyun Woo parcouraient le corps tout entier de Na Eun, provoquant des frissons dans son échine autant qu'à elle qu'à lui. Ses lèvres n'osaient se détacher de celle de la jeune femme, de peur qu'elle se dérobe une nouvelle fois sous ses mains, sous cette passion, cette chaleur étouffante que leur corps provoquaient.

« Tu n'as aucun droit... Tu n'as pas le droit de douter de moi... Je ne doute pas de toi... »

Ses lèvres heurtaient avec plus de violence et de fougue celles de Na Eun. Les doigts gelés de la jeune femme glissaient sur la boucle de son pantalon tandis qu'il s'attardaient à glisser ses lèvres dans son coup et à la naissance de sa poitrine. Hyun Woo brulait – la passion le rendait fou. Il ne comprenait décemment pas pourquoi il agissait avec autant d'avidité et de passion, plus qu'avec les autres encore ? Jamais encore il n'avait ressenti cette force dans ses baisers, jamais il n'avait autant voulu être « doux » avec Na Eun. Alors qu'elle lui ôtait définitivement son pantalon, les jambes de Na Eun vinrent glissés autour du bassin de Hyun Woo. Leurs souffles se mêlaient à la perfection. Leurs lèvres ne se décéléraient plus du tout. L'alcool qui coulaient encore dans les veines des deux jeunes gens n'avaient plus d'importance, plus rien n'avait plus d'importance que leurs actes, leurs gestes, leur passion mutuelle.

« Aime moi... Na Eun... »

Ce fut la dernière phrase que Hyun Woo eut pu prononcé. Na Eun le dispensait de paroles en plaquant à nouveau ses lèvres sur les siennes avec fougue. Leurs mains se rejoignaient, se croisaient. Leurs corps brûlaient l'un contre l'autre. Hyun Woo ne pouvait décemment pas oublier cette chaleur enivrante qui émanait de leur corps. Hyun Woo ne pouvait décemment plus s'arrêter. Hyun Woo était tout simplement contrôlé par ses pulsions. Hyun Woo était juste cap.

Ce fut au bout de quelques heures qu'ils se réveillaient. Na Eun ouvrait de grand yeux face à un Hyun Woo endormit qui enlaçait encore sa taille de ses doigts brulant sous la couette qui recouvraient leurs deux corps nus, exténués par leurs caresses et baisers fiévreux. Il l'a contempla un moment avant qu'elle ne le fixe avec rage et stupeur. Ne déplaçant pas d'un seul centimètres sa main de sa hanche, il accentua même son étreinte pour la coller un peu plus à lui, enfouissant désormais son visage dans le cou de la jeune femme avant de poser son front contre le sien. Ses yeux plongés dans les siens malgré l'obscurité aveuglante ne lui permettant pas d'apercevoir les prunelles chocolat de la jeune femme. Puis, un bruit raisonne. Un tapement. Hyun Ki.

« Hyun Woo. Je te serais gré de ramener les affaires de ta « copine » dans ta chambre la prochaine fois. Et... pourquoi cette robe appartient-elle à Na Eun ? Vous étiez pas censé aller à la ... »

Il se tut. Hyun Woo regarde l'heure. Quatre heures du matin. A peine eut-il le temps de détourner son regard que la jeune femme se lève d'un pas décidé à le fuir, mais il la devance et se poste devant la porte, son caleçon à peine remit. Il entoure le poignet de Na Eun de ses doigts congelés. Il glisse sa main contre sa hanche et la ramène contre lui, avant d'appuyer sur l'interrupteur derrière eux et de glisser une serviette nonchalamment resté sur le sol à Na Eun pour qu'elle se couvre.

« Reste.... S'il te plait... Ne... ne me fuis pas. »

Sa main glisse le long de sa joue. Son souffle glisse contre sa peau. Il ne peut décemment pas la laisser partir comme ça. Hyun Woo l'empêche de partir, il la fait reculer contre le mur de droite et la piège. Ses mains posés sur ses hanches ne bougent plus. Son regard parle à la place de sa bouche. Il se perd dans ses prunelles.

« Si tu pars... je risque de mal le prendre. En plus.. je crois que... erm... Na Eun... tu es... »

« Na Eun tu es splendide. » - « Na Eun tu es la femme de ma vie. » - « Na Eun... Je t'aime. » il aurait aimé les prononcer. Mais elle le frapperait. Il aurait aimé les prononcer ces mots. Mais elle ne le croirait pas. Elle dirait qu'il a dit la même chose à toutes celles avec qui il a couché avant. Mais la vérité était qu'il les rejetait directement, qu'il les laissais partir – mais pas elle.

« Tu n'es... décemment pas... absolument pas.. comme les autres, à mes yeux, tu sais ? »

Tu n’as jamais ressenti cela. Tu ne le ressentiras sans doute plus jamais. Mais à cet instant, qu’importe. Vos corps restent enlacés. Vos soupirs se confondent. Vos bassins se meuvent à l’unisson. Et comme il te l’a demandé, et comme tu ne peux t’en empêcher… tu l’aimes. Oui. Corps et âme perdus, tu l’aimes.

Il ne lui faut guère plus d’une seconde pour savoir où elle est, pour comprendre ce qu’elle a fait. Na Eun n’ouvre pas immédiatement les yeux, mais devine déjà quels sont ces bras qui l’emprisonnent. Et l’espace d’un instant, elle ne veut pas s’en libérer – y rester éternellement nichée dépasserait même tous ses espoirs les plus fous. Cette chaleur qui l’enveloppe lui apporte bien plus de réconfort que l’atmosphère glacée de la chambre qu’elle occupe depuis bientôt trois années. Il lui suffirait de se rendormir pour profiter encore un peu de cette étreinte qui lui réchauffe le corps et le cœur. Mais la pluie qui dehors martèle encore le bitume la maintient éveillée, et ses paupières ne peuvent demeurer closes plus longtemps. Woonie dort encore. Elle le sait – c’est maintenant qu’elle doit partir, c’est maintenant qu’elle doit finir. S’attarder plus longtemps signifierait à s’exposer à d’interminables explications ; les choses s’avèrent déjà bien assez compliquées en l’état. Pas la peine d’y ajouter la confusion de pourparlers. Mais à voir ainsi son meilleur ami aussi paisiblement assoupi, elle a un moment de faiblesse, elle hésite. Et voilà qu’il est trop tard. Hyun Woo s’éveille. Elle s’attend à ce qu’il la rejette violemment, à ce qu’il se trouve submergé par la panique. Ce qu’ils ont fait, c’est mal, vraiment très mal. Mais la prenant au dépourvu, il ne la lâche pas, il raffermit même sa prise. Puis tout se passe très vite. Une voix, le retour à la réalité. Ses jambes s’actionnent à son insu, sa tentative d’évasion s’amorce instinctivement. Mais il la retient. Pourquoi ?

« C’est bon. Je sais. Tu me considères différemment. Les autres, ce sont toutes d’éventuelles petites copines. Moi, je suis ta meilleure amie. Juste ta meilleure amie. Ta petite sœur. Ta… Je suis… »

Comme elle n’y est pas parvenue elle-même, c’est son regard qui fuit. Il biaise – vers le sol, sur la gauche, sur la droite. Partout où le visage de Hyun Woo n’est pas. Mais le souffle du jeune homme sur sa peau lui rappelle qu’il est bien là, la plaquant contre ce mur. Alors tous ses efforts tendent à trouver un autre objet sur lequel se concentrer. Le seul expédient qui lui vient à l’idée est la recherche de ses habits. Ses yeux scrutent avec une application forcenée, guettant le moindre bout de ne tissu. Mais elle ne trouve rien d’autre qu’une partie de ses sous-vêtements. Sa robe en particulier demeure inconnue au bataillon. Sa robe.

« Aish. Elle est là, dehors. Yah ! Vous les Song, vous êtes vraiment des gens bizarres. Bon, déjà, tes parents sont des dentistes – donc même si il s’agit de gens très bien, quelque chose cloche chez eux. Quant à ton frère… qu’est-ce qu’il fait debout à cette heure-là ? Bande de malades. Ecoute. Je sais pas ce que je suis pour toi, mais ce que je suis certainement, c’est nue, avec à peine une serviette pour me couvrir. Alors débrouille-toi. Récupère-moi cette robe. »

Pour la bonne mesure, la jeune femme ponctue sa phrase en repoussant Hyun Woo de ses deux bras. Elle rattrape de justesse ladite serviette qui a toutefois glissé dévoilant la naissance de sa poitrine. Cette déconvenue a pour seul effet de l’exaspérer davantage. Tapant presque du pied, elle se dégage définitivement de l’emprise de son ami et rejoint le lit sur lequel gît la chemise de Woonie. Encore humide, trop large pour elle – mais ce devrait convenir pour quelques minutes, car la demoiselle ne compte pas demeurer davantage en ces lieux. Elle reboutonne négligemment la chemise dont les pans couvrent le haut de ses jambes. Quand elle se retourne pour faire face à Hyun Woo, elle se force à garder un visage neutre, inexpressif, en drainant toute émotion.

« Je veux rentrer. »

Ce n’est qu’un murmure – un murmure déraisonnable qui plus est. L’aube n’est même pas encore arrivée, l’averse a redoublé d’intensité. Sa robe, restée en boule pendant toutes ces heures, n’est sans doute pas sèche. Mais tous les arguments du monde ne sauraient l’arrêter. Elle doit s’en aller.

« C’est pas la peine. Tu ne veux pas me voir partir comme ça, tu vas vouloir t’excuser. Parce que l’on a fait une erreur. Parce que l’on a fait quelque chose que de simples amis ne font pas. Et tu regrettes, et tu crois qu’il faut qu’on s’explique. Mais regarde. Tout va bien – on peut passer à autre chose. C’est déjà oublié. »

Na Eun l’a toujours su. Depuis qu’elle le connaît, elle nourrit ce pressentiment. Un jour, Song Hyun Woo lui fera du mal sans en avoir l’intention, sans même s’en apercevoir. Ce jour est arrivé, elle en est persuadée. Alors tant bien que mal, elle cherche à se protéger, à dire les mots qui blessent avant d’avoir elle-même à les entendre. Mais le plus triste dans l’histoire, c’est que sa peine reste la même.

Elle se dérobe sous ses mains, tel un tissu léger et simple qui glisserait instantanément sur votre peau lisse et aussi soyeuse que ce tissu même. Elle se dérobe et elle ignore de quoi est capable Hyun Woo. Elle nie. Elle parle. Elle demande à partir – maintenant. Hyun Woo, tel un pantin, s'exécute en sortant de la chambre pour récupérer la robe des mains de Hyun Ki assis à la table de la cuisine, prêt à de fraiches explications matinales. Mais Hyun Woo n'a que faire. Il marche, il attrape, et il revient dans la chambre d'un pas lent et légèrement peu spontané. Au fond, il ne désire que son bonheur – si elle veut partir, qu'elle parte, mais alors elle briserait un peu plus le coeur endurci par les mois à rester enfermer de Hyun Woo. Au fond, il ne désire que la retenir – mais si il essayait, il se prendrait une gifle, il se ferait insulter, il la blesserait alors un peu plus qu'elle ne devait l'être. Un soupir traverse les douces lèvres de Hyun Woo quand il referme la porte derrière lui. Son regard se pose directement sur la silhouette de Na Eun, fraichement habillé de sa chemise trop grande et trop large. Un léger sourire passe sur ses lèvres – sourire taquin – sourire content – sourire simple. Il n'ose quitter sa contemplation ; il pense que ce sera la dernière. Doucement, il s'approche et tend la robe encore humide à Na Eun, pour qu'elle voit elle-même qu'elle ne peut décemment pas porter ce bout de tissu – elle tomberait malade directement avec la pluie qui tombe encore à ce moment précis du matin. Hyun Woo pose ses doigts sur son poignet alors qu'elle s'est saisie de la robe. Il se mord la lèvre et il la regarde – encore.

« Tu ne veux pas simplement m'écouter ? Tu ne veux pas simplement t'écouter aussi ? Tu te voiles constamment la face à mon égard, Na Eun. « Je ne suis que ton meilleur ami, que ton grand frère. » c'est ce que tu désires entendre ; mais tu ne l'entendra pas. Je... »

Il déglutit difficilement. Alors qu'es-ce qu'il est ? Qu'est-il pour elle ? Qu'est-elle pour lui ? Na Eun a prit beaucoup d'ampleur dans le coeur de Hyun Woo depuis ses dernières semaines, beaucoup plus que l'on pourrait l'imaginer. Elle a prit par à sa survie – elle est l'objet de son remaniement intérieur chez Hyun Woo – elle n'en a pas conscience, cela est bien logique, étant donné que Hyun Woo s'est renfermé, étant donné qu'il n'a osé lui dire de peur de se faire frapper, gifler, engueuler – abandonner. C'est pour cela qu'il n'ose parler. C'est pour ne pas qu'elle l'abandonne si soudainement – qu'elle lui en veuille – qu'elle l'évite. Car il sait que c'est ce qu'il se passera par la suite si il ne parle pas, si il ne se confie pas. Son coeur bat dans sa poitrine. Son coeur s'entrechoque sur la paroi de sa cage thoracique et il mène la main de Na Eun sur sa poitrine, là où son coeur ne cesse de battre.

« Crois-tu que c'est normal que mon coeur ne cesse de battre même en TA présence ? Crois-tu seulement que je dis des idioties quand je te dis différente des autres ? Tu es différente. Et tu ne peux pas le changer. Je t'ai toujours protégé comme une petite soeur, toujours aimé comme ma meilleure amie – tu l'es encore, je ne dis pas le contraire mais... erm... tu as pris beaucoup plus de place dans mon coeur depuis des mois... Depuis que... J'ai essayé de te le dire, mainte et mainte fois, mais tu es têtue et bornée et je m'attendais à ce que nos retrouvailles heureuses soient un énorme échec de toute façon. Mais... Depuis... l'accident. Je ne cesse de penser qu'à toi. Ton confort. Ta santé. Ton amitié. Ton... amour. Je... Tu vas me frapper, me crier dessus, hurler que tu veux rentrer, fais-le, je n'en ai strictement rien à faire – tu dois juste savoir que... »

Il se tut. Ses doigts toujours entourés autour du poignet de Na Eun se resserrent, Hyun Woo se rapproche dangereusement du corps de Na Eun qu'il sent contre son torse. Qu'elle le frappe, il s'en fiche totalement. Qu'elle l'insulte, encore plus. Hyun Woo la fait basculer sur le lit et se retrouve au dessus d'elle, une nouvelle fois tenté à commettre ce qu'elle dit comme étant une « erreur » fondamentale et à oublier « immédiatement ». Sauf qu'il n'est pas de cet avis. Il glisse ses lèvres près de son visage. Il effleure ses lèvres, sa joue, son cou. Il sait qu'elle frémit sous lui. Il sait qu'elle ressent la même chose qu'elle. Alors pourquoi ?

« Si tu me fais cet effet-là, ce n'est pas pour rien. Et tu le sais. »

Il n'a jamais demander à coucher avec Na Eun auparavant – il a toujours eu beaucoup trop d'estime pour la jeune femme, beaucoup trop de respect. Il s'est mainte et mainte fois retenu de l'embrasser – il s'est mainte et mainte fois donner des limites pour ne pas la toucher, pour la respecter, l'admirer pour sa force de caractère – mais tout c'est écroulé en une soirée, une fichue soirée et tout tombe à l'eau, laissant naviguer les limites donnés dans le fond de son inconscience, laissant ainsi venir les vrais sentiments dont il est pourvu.

« C'est parce que... je.. Je t'aime. »

Ses lèvres n'effleurent plus. Elles embrassent. Elles embrassent chaque parcelle du corps de la jeune femme. Les mains de Hyun Woo ont glissés sous la chemise humide de la Na Eun et redessinent lentement les courbes de son corps. « C'est parce qu'il l'aime. » Sans aucun doute. Au moins, il l'eut dit aujourd'hui – elle ne l'oubliera certainement pas – elle le frappera dans quelques secondes, le repoussera, fuira définitivement et l'évitera de plus belle. Mais l'étreinte étouffante de Hyun Woo sur Na Eun cesse rapidement. Ses lèvres fiévreuses quittent à nouveau sa peau de braise et ses lèvres en feu. Il se redresse et s'assoit sur le rebord du lit, le regard dans le vague. Il n'aurait sans doute pas du avouer – pas du parler tout simplement. Il se lève et glisse le long du mur. Si elle souhaite l'éviter, qu'elle le face maintenant plutôt que de le faire souffrir un peu plus encore.

« Oublie ce que j'ai dis. Fuis. Pars. Fait ce que tu veux. Je n'essayerais même pas de te retenir un peu plus. Je t'ai dis. Je t'ai parlé. Je t'ai... avoué... sans précédent, la cause de ce remaniement entre nous. Je suis désolé de t'avoir blesser – mais. Sans doute ne te rends-tu pas compte qu'en agissant ainsi, en voulant fuir, tu agis de la façon dont les autres réagissent ? J'aurais voulu ne pas me réveiller. J'aurais juste voulu rester là, allongé, contre toi, et dormir autant que je le pouvais, sans avoir peur que tu agisses comme elles. Sais-tu combien de fois je suis resté ainsi, béat, à regarder celle qui... erm... avec qui j'ai couché par inadvertance ou non ? Il n'y a eu que toi, Na Eun. Rends toi juste compte. Je pensais... je pensais que tu ne fuirais pas.. C'est toute ce qu'elles ont fait au réveil, ou sinon, je les envoyais paitre et elles partaient mécontente. C'est ce que tu veux ? Que je t'envoie paitre et que tu partes... heureuse ? Je ne veux pas – pas avec toi. Je n'ai juste pas le droit. Tu es... Tu es Eunnie. MA Eunnie. Tu m'appartiens. Et... »

« Tu m'appartiens »... Ces mots glissent dans l'atmosphère sinistre de la chambre froide. Quelques autres avant la chaleur qui s'y émanait, montrait particulièrement l'audace et la ferveur de leurs baisers, de leurs corps – leur amour était ainsi lié et indésousable. Hyun Woo lui avait demander de l'aimer – elle s'était ainsi exécuter. Mais il fallait croire que des simples mots ne valent pas quand ils sont prononcés par Hyun Woo à Na Eun.

« Je t'ai demandé de m'aimer cette nuit... Et tu as juste... répondu d'un baiser... »

Epuisés, vous vous êtes finalement séparés ; la fatigue est telle qu’il s’est finalement endormi. Le sommeil ne va pas tarder à te gagner toi aussi, mais tes yeux s’obstinent à demeurer ouverts, à contempler son visage assoupi. Ses sourcils se froncent imperceptiblement ; ce doit être un mauvais rêve qui l’agite. A voir son expression torturée, tu ne peux pas te retenir – ta main se pose avec tendresse sur son front, et quelques mots t’échappent dans un souffle. Trois mots. Je t’aime.

Le souffle court, les yeux ronds, Na Eun reste allongée sur ce lit où on l’a poussée une seconde fois. Clouée sur place, elle n’esquisse pas le moindre mouvement. Les paroles du jeune homme déferlent sur elle par vagues successives et incontrôlables. Des flots de mots et d’émotions s’abattent sur son corps encore à découvert. La voilà bientôt, toute entière, submergée – toute entière, noyée. Elle voudrait se débattre et remonter à la surface ; mais elle se trouve entraînée au fond d’un océan de doutes et de sentiment depuis bien trop longtemps réprimés. Ces profondeurs recèlent des manques d’affection plus béants que des abîmes et des passions plus violentes que les pires tourbillons ; il s’agit de désirs inavoués, d’espoirs étouffés. Ressac glacé et insidieux, la voix de Hyun Woo glisse sur sa peau, s’infiltre dans sa chair. Maintenant, chaque phrase qu’il énonce imprègne tout son être de manière irréversible. Ses aveux, elle ne les oubliera. Elle ne le pourra pas. Et alors que cette certitude la plonge dans un désarroi sans fin, deux réflexes contradictoires l’écartèlent. D’un côté de la roue, ses instincts de survie de fillette trop écorchée par la vie lui intiment de se boucher les oreilles et ne se rendre sourde à des promesses sans doute illusoires. De l’autre, il y a simplement son cœur qui bat fort, qui bat pour lui. Et son envie d’y croire.

« Je ne t’appartiens pas. »

Elle s’est finalement redressée. Incapable de prendre la moindre décision sensée, elle a juste drainé son cerveau mal irrigué de toute pensée trop floue. La complexité de ce qu’elle ressent l’effrayant, elle se concentre sur des tâches élémentaires et des gestes simples. Ses doigts défont avec application les boutons de sa chemise. Un, puis deux, puis trois… Le plan est clair. Elle doit se changer, se rhabiller et décamper. Tout cela, c’est trop. Pas la peine de s’enliser et patauger. Mieux vaut sortir la tête de l’eau et garder le cap. Mais les tremblements qui agitent ses mains trahissent l’instabilité de cette résolution. Peu à peu, la tempête se lève, et la colère l’emporte. D’un bond, Na Eun se lève et marche jusqu’à se retrouver face à son meilleur ami. Sa fureur la fait s’agenouiller afin de se retrouver à même hauteur ; sous le coup de la rage, elle l’empoigne même par les épaules, ne se souciant pas de ce que ses gestes brusques peuvent laisser entrevoir.

« Je n’appartiens à personne, et certainement pas à toi. » Tes gémissements de la nuit dernière suggéraient autre chose, poupée. « Ce sont les marionnettes que l’on secoue selon ses caprices et envies. Moi, j’ai assez donné. On m’a suffisamment ce que je devais faire ou ne pas faire, comment je devais être. Si je suis partie de chez moi, c’est pour être à moi-même et qu’à moi-même. Alors quoi ? Parce que je suis ta Eunnie, je suis censée me plier au moindre de tes changements d’humeur. Cela fait quinze ans que l’on se connaît, et toi, soudainement, tu veux tout changer. Qu’est-ce qu’il y a ? Les autres ne te satisfont plus ?Oou est-ce juste pour explorer de ‘nouveaux horizons’ ? Désolée, mais il me faudra plus qu’un claquement de doigt pour revenir sur tout ce qui était jusque là. »

Elle ment. Oh, bien sûr, sa colère n’est pas feinte. Mais il y a erreur sur le destinataire ; c’est contre elle-même, et non contre lui qu’elle s’énerve. Elle s’en veut d’être si faible, de ne pas valoir mieux que toutes ces filles qui se sont prises au piège. Qui sont tombées amoureuses. Ce soudain état de dépendance, cet irrépressible besoin de lui, de sa présence, de sa tendresse la révoltent ; à coups de mots durs et cassants, le jeune fille veut regagner sa liberté. Mais son corps la trahit. Le désordre de sa chevelure bouclée rappelle l’intensité des étreintes qui se succèdent ; les baisers dont il l’a choyée rougissent et gonflent encore ses lèvres vermeilles. Et même en cet instant, son buste se rapproche instinctivement du sien, comme aimanté, comme prisonnier. Sa main passe sur son visage et relève son menton ; le contact la fait à nouveau frémir. Tout chez elle crient ces mots qu’elle se refuse à prononcer. Les trois mots, sept lettres. Je…

« Embrasse-moi tant que tu veux. Touche-moi tant que tu veux. Je ne suis et ne serai pas à toi. Ne compte même pas me posséder. Essaie seulement pour voir, et je… »

« Et tu ? Fini tes phrases Na Eun. »

Le ton froid de Hyun Woo s'avère non rechercher, mais sans doute le trop pleins de sauts d'humeurs et changements en tout genre dans son organisme vitaux et dans son esprit provoquent en lui une frustration et un dégout indéniable. Il ne comprends certainement pas pourquoi elle agit de cette manière – elle qui auparavant a toujours été si proche de lui, si ouverte malgré sa tendance à fermer sa bouche et simplement le contempler chanter. Il échappe un soupir et détourne son regard de son corps,qu'il n'ose plus contempler, de peur de se blesser un peu plus la rétine ou simplement le coeur. Hyun Woo s'accorde simplement d'entourer la taille de Na Eun de ses bras – comme une dernière fois. Il s'accorde ce privilège alors que la poitrine de Na Eun semble presque accolé à son buste, provoquant d'innombrables battements de coeur incontrôlées dans sa cage thoracique. Il se maudit presque qu'elle puisse les ressentir. Il se maudit presque d'avoir parler. Maintenant.

« Pense ce que tu veux. Pourtant, je pensais qu'après tant de mois à être séparer, tu aurais pu toi aussi ressentir ce manque indéfinissable dans ton coeur. Mais j'oubliais... Yoo Na Eun n'a pas de coeur, sans doute. Elle n'a tellement pas de coeur qu'elle n'est pas capable de dire « Je t'aime » ou d'être agréable envers quelqu'un. Enfin de compte, tu fais tout pour t'éloigner de moi, pour me blesser, pour nous blesser – et tu fuis, comme une lâche qui ne sait rien faire d'autres. »

Les mots tranchants de Hyun Woo sortent les uns après les autres. Il ne contrôle décemment pas ce qu'il dit. La colère. La haine. La passion qu'il éprouve pour elle. Cet « amour » qui semble naitre au fond de lui depuis bien des années et des mois de cela. Il ne tente pas de le montrer, il ne tente plus – à quoi bon, si elle refuse d'y croire, si elle refuse seulement de l'écouter, si elle tente tout le temps de contredire ses mots les plus sincères. Ses doigts se referment sur la hanche de la jeune femme. La pression qu'il exerce est bien plus forte que les autres. La pression qu'il exerce lui fera mal mais il n'en a que faire. Hyun Woo penche sa tête vers les lèvres de Na Eun et les détourne jusqu'à son oreille. Un murmure. Un souffle.

« Ne tente pas le diable, Na Eun. Tu sais ce dont je suis capable. Alors ne dis pas « embrasse moi si tu veux, touche moi si tu veux » ne dis même pas le mot essayer. »

Hyun Woo change peu à peu, mais c'est sa faute à elle. Elle a chercher à le changer. Elle a chercher à dissuader ses sens que l'amour entre eux était juste une irrévocable erreur de passage. Pourtant, dans le coeur de Hyun Woo, il n'y a point d'erreur – il n'y a point de problématique – tout est écrit sur papier, tout se superpose et se mélange, mais tout es là, et tout ce qui est existe. Il relâche avec force son étreinte et la fait reculer doucement pour glisser sur sa gauche et lui tendre une nouvelle fois la robe. Qu'elle le fuit, cela n'a plus d'importance si on compte le nombre de jours qu'il eut passé dans son lit d'hopital à toucher au téléphone et à le reposer. Un jour il lui a téléphoner, mais sa voix a abandonné son corps et laissa place à un vide total.

Tu grimaces. Sa voix parvint à réveiller tes sens sans vraiment savoir pourquoi. Juste un mot. « Woonie. » qu'elle prononce doucement, comme dans un chuchotis mais qui éveille tant bien que de mal ton ressenti et la douleur de ton coeur. Tu aimerais être près d'elle à cette heure-ci, mais tu n'arrives pas – tu ne peux décemment pas te montrer dans ce genre de situation face à elle. Tu sais qu'elle vient. Tu sais qu'elle te rend visite. Tu entends son souffle à chaque fois qu'elle est là. Tu sens ses doigts se recroquevillés sur ta main que tu dis inerte parce que tu fais semblant de dormir tellement tu as peur de la voir, que tu as peur de son regard. Tu as peur qu'elle te juge. Tu as peur qu'elle te frappe pour avoir été idiot. Mais que peux-tu donc faire à part attendre ? Tu as oser toujours ce téléphone et composer son numéro de téléphone que tu connais par coeur. Tu l'as fait six fois en une journée. Elle allait croire à un harcèlement sans doute, mais quand sa voix prononçait les seuls mots qui emballaient ton coeur avec avidité et ferveur, tu comprends qu'elle est celle.

Il se refuse de repenser à tout cela. Il se refuse de se retorturer l'esprit. Mais il est trop tard. Hyun Woo lui tourne le dos. Hyun Woo se mord la lèvre. Et des larmes minuscules naissent aux coins de ses yeux. Larmes qu'il voulu cacher. Larmes qu'il efface d'un revers de main.

« Sais-tu seulement pourquoi je ne t'ai pas contacter pendant ces longs mois ? Sais-tu pourquoi je ne me suis jamais éveillé quand tu venais me voir à l'hopital pile quand je m'étais assoupis ? Non je ne dormais pas. J'avais peur. Peur que tu juges mon état, peur que tu te montres abjecte envers moi, peur que tu m'oublies et me délaisse. Mais comme je suis le seul à qui tu t'adresses, comme je ne suis que simplement ton meilleur ami, je me devais de me montrer à la hauteur, je me devais de me montrer en meilleur état sous tes yeux. Je ne voulais pas... je... je t'ai appelé... mais je n'arrivais pas à parler... je... »

Il grimace doucement. Il déglutit et s'assoit sur le rebord du lit en inspirant profondément une bouffée d'air. Elle le rend fou. Elle ne se rend pas compte, mais elle le rend dingue. Il réfléchit juste trop en sa présence, il tente tant bien que de mal de lui montrer la vérité – sans résultat quelconque. Ca le tue. Ca l'énerve. Il étouffe dans cette enveloppe charnelle qui le couvre de tout mensonge ce matin-là.

« Tu ne te rends pas compte. Tu es... Aish et puis casse toi si ça te chante. Ne me crois pas. Ne dis plus rien. Ne tente même pas de comprendre un de mes traitres mots, je n'en vaux pas la peine, n'es-ce pas ? Je n'en vaudrais jamais la peine dans ton coeur. »

La faire culpabiliser n'était pas son but. Mais ses mots révélaient bien le contraire à ce moment-là.

Le chauffeur de bus te salue comme une vieille connaissance. Vous n’avez jamais échangé un mot, mais il a retenu ton visage. Chaque matin, depuis une semaine, tu es sa première passagère. Cela l’intrigue d’ailleurs – où une jeune fille comme toi se rend-t-elle alors que l’aube n’est même pas encore levée ? Il t’a posée la question. Tu n’as pas répondu ; la fatigue te coupe la parole. Tous les jours, tu prends le premier bus en partance de Gwanju pour atteindre Séoul avant le début des cours. Puis dans la soirée, tu reviens et passes la nuit à son chevet. Sans trouver le sommeil, car qui sait ? Il pourrait se réveiller. Mais il ne le fait. Et cela te tue un peu plus à chaque fois.

Maintenant que la colère l’a inondée, elle ne la quitte plus. Elle anime son visage et donne du volume à sa voix. Sous son influence même, son poing se ferme et vient percuter l’épaule de Hyun Woo. Une fois, deux fois, trois fois… Les coups pleuvent, mais perdent bien vite en force. Bientôt, sa main retombe, inerte, drainée de toute énergie. Quant à son regard, il erre, se détournant du celui de son ami, échouant sur le lit défait qui rappelle la nuit dernière. Ses yeux se ferment finalement, et d’un geste sec, elle retire la chemise qu’elle a encore sur les épaules. Le froid matinal s’abat sur sa peau découverte, mais elle n’en a cure. Le tissu trempé de la robe qu’elle enfile à nouveau lui soutire quelques frissons, mais elle ne s’en soucie pas davantage. Tout ce qui importe en cet instant, c’est fuir, fuir cette chambre et ces mots qui l’écorchent. Elle s’est levée, mais dans sa trop grande précipitation, elle l’heurte, ne s’étant pas aperçu qu’il se trouvait entre elle et la porte. Et sa dernière barrière s’effondre. Une larme naît au coin de son œil, puis une autre et encore une. Elles roulent sur ses joues, baignent son visage. Elle doit même réprimer un sanglot.

« Tu n’as pas le droit, tu comprends ? Tu n’as pas le droit d’essayer de me faire croire que ce serait mieux pour moi, mieux pour toi. Mieux pour nous. On se connaît depuis plus de quinze ans. On est amis – les meilleurs amis parce qu’il n’y a que comme cela que l’on peut fonctionner. Tu crois que je n’y ai jamais pensé ? Tu crois que je ne me suis jamais imaginée ce que cela serait si… si on agissait autrement ? Tu crois que je n’ai jamais voulu ? »

Sa tirade a commencé en murmure ; elle s’achève en cire. Dehors, la pluie tombe encore flots ; mais il ne lui semble que cela n’est rien, comparé à l’abondance de ces pleurs. D’un geste désespéré, Na Eun veut les sécher ; mais il en vient toujours d’autres. Encore et encore. Mais cela ne change guère de d’habitude, n’est-ce pas ? Tout ce que Woonie a su faire naître en elle, elle n’a jamais pu s’en débarrassé. Le son de sa voix, l’image de son sourire, la douceur de sa paume, le parfum de son cou… le goût de ces baisers. Depuis le début, il hante son cœur et ses pensées sans qu’elle puisse l’en déloger. Maman Yoo, de son vivant, a pourtant essayé de l’y aider : elle lui interdisait de fréquenter ce garçon qui aurait pu la distraire du cours de ses études. Petite Na Eun ne lui avait jamais désobéi jusque là. Elle n’aurait sans doute pas du le faire.

« Toutes ces filles. Je les ai détestées, je les ai critiquées. Mais elles étaient plus jolies que moi, plus drôles que moi, plus gentilles que moi. Plus bêtes aussi, mais cela n’y change rien. Le fait est que pas une seule n’a réussi à te retenir, et moi, j’y arriverais ? Moi ? Laisse-moi rire. Mes propres parents se sont toujours pas mal fichus de mon existence ; les autres font comme si j’étais transparente. Alors… comment ? comment est-ce que je pourrais garder ton attention ? »

Elle fait un pas pour s’en aller, mais un nouveau détail l’interrompt. Ses pieds sont encore nus, et ses chaussures sont demeurées chez son père. La jeune fille ne peut étouffer l’exclamation enragée qui lui échappe. La journée a à peine commencé, mais Na Eun sait déjà qu’il s’agit sans doute de l’une des pires de sa vie.

« Tu voulais me revenir en meilleur état, nee ? Alors… Alors pourquoi tu ne l’as pas fait ? Je sais que tu ne vas pas à la moitié des cours, et j’ai entendu les autres de ton groupe dire que tu n’étais pas retourné aux studios d’enregistrement depuis des semaines. Le Woonie que je connais n’aurait jamais fait ça ; le Woonie que je connais courait après ses rêves et n’aurait jamais rien laissé l’en détourné. Pourquoi tu ne veux pas redevenir ce Woonie ? Pourquoi tu ne veux pas que tout soit comme avant ? »

Elle parle si vite qu’elle en perd son souffle. Sa respiration redevient haletante ; si elle ne quitte pas cette pièce maintenant, elle étouffera. Au diable ses pieds nus. Elle fond sur la sortie. La porte claque derrière elle, et l’averse pas encore.