Quand il était petit, on lui souriait souvent parce qu’il avait le visage de son père et les yeux de sa mère, mais lui et son frère, aussi identiques soient-ils l’un comme l’autre, n’étaient décemment pas aussi brillant qu’eux, pas aussi parfait qu’eux. Papa Song était un homme doué de ses mains. Maman Song, elle, adorait superviser toutes les opérations complexes en compagnie de son mari. Elle aimait le danger. Et elle aimait son mari – cela est très clair dans l’esprit de Hyun Woo. Peut-être que les 545 filles qui sont passés dans son lit tout au long de sa vie à partir de son dix-huitième anniversaire auront eu le temps de martyriser assez son cerveau pour qu’il ne se rende compte que, l’amour qu’il portait pour sa meilleure amie était toujours là, naissant et vivant à petit feu, au creux de son cœur. C’est son accident qui provoqua en lui ce changement irréversible – puisque son cœur ne semblait ne plus vivre que pour un seul visage quand son regard se retrouva à scruter chaque mouvement des gens qui l’entouraient, de peur qu’on le ridiculise un peu plus qu’il ne l’a été lors de cet accident non désiré. Elle n’appartenait qu’à son esprit, qu’à son cœur. Elle n’était pas qu’une simple amie, pas qu’une simple fille à ses yeux. Tout cela le dépassait néanmoins depuis assez longtemps pour qu’il se ridiculise parfaitement auprès d’elle quand un chaste baiser défendu, il dérobait de ses lèvres à leurs retrouvailles.

« Yah, Song Hyun Woo, t’es le pire des crétins. »

Combien de fois la douce voix de Yoo Na Eun n’a pas raisonné dans son esprit comme pour lui rappeler ce qui lui restait d’elle aujourd’hui ? Un frisson traverse son échine et, assis dans le canapé de la demeure des Yoo dans laquelle il est installé depuis plus de trois ans et demi déjà, il caresse la chevelure d’un petit garçon allongé, en boule, la tête sur les genoux de Hyun Woo, les yeux clos – petit garçon endormi. Il est le seul reste qu’il ait d’elle à présent, et, après qu’elle se fut enfuit, Hyun Woo s’est empressé de récupérer son enfant à la famille d’accueil où on l’avait laissé, car, à bien des égards, il avait déjà tenu à s’occuper de ce petit – il avait déjà tant voulu le découvrir, ce petit garçon qui leur ressemblait. Alors que son regard se perd sur l’écran de la télévision, et que ses doigts caressent le cuir chevelu de son « fils » pour l’attendrir, l’endormir doucement, il repense encore à ces derniers moments passés en sa compagnie. Il repense à elle, tout simplement, et son cœur se serre. Souvent, Song Hyun Woo pleure, et il se demande pourquoi l’accident qui lui a causé ce trouble comportemental a eu lieu ? Pourquoi est-ce qu’il a fallu que tout cela finisse de cette façon ? Un soupir s’échappe de ses lèvres et il attrape la petite silhouette entre des bras pour aller coucher son fils. Car oui. Le petit garçon aux cheveux noirs de jais, avec les yeux en amandes dont les prunelles ressemblent tant à ceux de Na Eun, est bel et bien le petit garçon qu’il a récupéré il y a quelques années maintenant, qu’il a voulu connaitre et qu’il a appris à connaitre. Il la vue marcher, courir, chantonner, parler, danser sur ces deux pieds, rire, jouer, crier, pleurer. Et cela lui a suffi pendant toutes ses années, mais peut-être que, malgré ce sentiment de satisfaction qui emplit ses journées, il y a toujours ce manque. Il y a toujours cet envie irrésistible de la retrouver, de la frapper, de lui en vouloir, de la gronder, de lui hurler dessus, mais au diable les représailles, car son premier geste sera surement de l’embrasser. Ces lèvres vermeilles. Ce sourire irrésistible. Il les revoit dans ses rêves les plus fous.

« Appah ? Pourqwa Omma je l’ai jamais vue ? (…) Dis Appah, dis Appah, Omma elle était comme ça ? (…) APPAAAAAAAH, Halabeoji Yoo m’a parlé de Ommaaaa. Il a dit, il a dit ; qu’elle était horriblement capricieuse et impossible comme enfant. Il a dit, il a dit qu’elle était douée en violon. Neeee, j’peux essayer le violoncelle ? Han naaan, le saxophone. Qwa que.. je… »

C’était étrange d’entendre Song Min Ho parler de cette façon. Si autoritaire, si capricieux, si commandeur. On aurait dit Na Eun. Tout chez lui, rappelait à Hyun Woo l’état de colère et d’anxiété qui poussait parfois Na Eun à faire d’énormes bêtises. Ils avaient dépassés la barre de la simple amitié depuis longtemps déjà, mais quand ils se sont retrouvés seuls, dans le bureau de Papa Yoo, le jour de la commémoration de la mort de sa mère et aussi de son anniversaire, Hyun Woo n’a pas été capable de faire mieux que de lui offrir comme cadeau d’anniversaire, un simple baiser, qui engendrait bien des conséquences multiples. Une bouteille ouverte. Des mots cinglants. Des gestes déplacés. Et ils finirent bien au bout de ce qu’ils avaient entrepris dans ce bureau, mais chez Hyun Woo, mais dans sa chambre, mais dans la totale insouciance, et l’énorme peur du lendemain.

« Appah ? »

Il ne dort pas finalement. Quand Hyun Woo la déposé dans son lit et qu’il la bordé, il s’est laissé cinq minutes pour le contempler, endormi, rêveur. Les petits doigts de Min Ho se sont refermés sur l’index de Hyun Woo, l’empêchant de partir de la chambre qu’on lui avait concoctée et aménagée comme-ci il était un petit roi, il y a six semaines. Avant cela, Hyun Woo voulait tout le temps qu’il dorme avec lui, il avait trop peur qu’on lui vole son fils, qu’on l’empêche d’aimer son fils.

« Tu ne dors pas, Min Ho ? »

Un discret petit sourire se dessine sur ses lèvres et il soupire, s’asseyant sur le rebord du lit du petit garçon. Sa main ébouriffe la chevelure dont il lui a hérité.

« Quel est le problème ? »
« Parle moi de maman. »
« Min Ho… je… »
« De maman. De toi. De oncle Hyun Ki. De… tout le monde. »

Une inspiration profonde et il s’installe à côté de son fils doucement.

« C’long à expliquer. »
« J’écoute quand même. »
« J’ai toujours aimé ta mère. Et ton oncle est le pire des frères qu’on ait pu avoir, mais euh… faut dire qu’il est utile dans les cas d’extrême urgence, parce que… J’ai eu un accident il y a plus de quatre ans maintenant. Ta mère, c’était juste ma meilleure amie. Et ton oncle, il était juste le frère que j’ai toujours aimé, mais ça nous a tellement rapprochés si tu savais… Quand on était gamins, on allait toujours jouer au coin de la rue chez Halabeoji Song, t’vois où c’est ? Hyun Ki adorait jouer avec nos voisins aussi. Certes ils avaient peut-être quelques années de plus, mais c’était plutôt drôle de jouer avec eux. Puis, tout le monde disait qu’on était liés comme les doigts de la main. Puis ta mère… je l’ai rencontré au cabinet de Appah. Ele était petite et puis elle avait tellement peur qu’elle tirait sur le bras de la dame qui l’accompagnait pour partir. Mais je l’ai rassuré. Et puis, on est devenu amis et euh…. Erm. Min Ho c’si compliqué que tu vas finir par t’ennuyer si je continue. Pourquoi ne pas attendre demain matin pour la suite ? Avec ça, tu dormiras déjà parfaitement, ne… ? »

Un sourire sur ses lèvres. Les yeux clos de Min Ho l’interpellent et, d’un baiser sur son front, il glisse hors de la pièce, heureux <3

Malhonnêteté ? Jamais. Hyun Woo est un garçon des plus raisonnable soit-il. Étrangement bizarre quand on sait qu'il n'a pas froid aux yeux et drague pratiquement tout ce qu'il bouge. Son extravagance qu'il arbore avec fierté montre un Hyun Woo superficielle qui ne semble aimé que sa propre personne. Oui Hyun Woo s'aime, sans aucun doute. Manipulateur il a englobé plus d'une femme dans son tableau de chasse et c'est sans doute son côté charmeur qui fait le plus d'effet auprès des jeunes femmes naïves et douces qui font de lui un meilleur homme chaque jour – meilleur homme dans le sens où il se sent encore plus aimé au fil des conquêtes qu'il décompte la plupart du temps comme nombreuses – peut-être un peu trop nombreuses d'ailleurs, car ça a tendance à énerver plus d'une ex ou plus d'un proche de Hyun Woo, m'enfin, c'est pas comme-ci il se souciait de l'avis des autres. Il s'en fiche d'ailleurs – de l'avis des autres. Il ne pense qu'à lui, il est arrogant et malsain, mais il reste bien au contraire un garçon intelligent qui a soif de connaissance chaque jour qui passe, ce qui paraît d'ailleurs déroutant quand on sait qu'au lycée il ne pensait qu'à sortir et coucher avec les filles, enfin, tout cela semble être du passé, pourtant, il envisage trop souvent de coller tel ou tel fille pour obtenir ce qu'il désire – ce n'est pas comme-ci elles pouvaient lui résister, lui et son côté séducteur au point d'être considéré comme totalement différent de son frère, Hyun Ki. Oui en effet, Hyun Woo a un frère, un frère jumeau pour être précis, et disons que ces deux-là sont peu complémentaires, au contraire, ils sont des aimants négatifs – pourtant cela fait de leur relation, une des plus fusionnelles qu'on ai jamais vue entre frères. Bien entendu, toute personne aussi douée et aussi talentueux que Hyun Woo, a forcément une faille, une faiblesse. En effet, contre toute attente, il ne faut pas croire que Hyun Woo est un garçon qui se croit sans faiblesse, il le sait lui même, sa susceptibilité le perdra et il le sait. Il prend la mouche pour un rien et il n'autorise que son frère jumeau à le critiquer réellement – étant donné qu'il le considère sur un pied d'égalité avec lui et que sa relation avec lui ne fait qu'accroitre leur amitié fraternelle. Ce qui peut paraître drôle, c'est que le jeune homme a parfois tendance à jouer avec les nerfs de son frère pour obtenir ce qu'il veut. Se battre, se chamailler, se taquiner, tout comme s'entraider, on ne peut pas définir Hyun Ki et Hyun Woo comme des frères jumeaux normaux – généralement opposés, ils se complètent vraiment quand il s'agit de solidarité et d'attention pour aider l'autre. On pourrait presque dire que le jeune homme n'a pas la langue dans sa poche et qu'il serait capable de cracher du venin à quiconque ose blessé son jeune frère – oui il aime son frère sans aucun doute, ce qu'il fait que le complicité n'a d'égale face à une amitié de meilleurs amis de longues dates. Chez les Song, la vivacité et la incrédulité ne sont que les points forts de tous et Hyun Woo le sait aussi bien que n'importe qui, car la forte tête, qui fait de lui un jeune homme gentleman et pleins de bonnes manières, ne s'est montré que trop têtu lors de sa jeunesse. Mais ne parlons pas du Hyun Woo actuel... ou plutôt n'oublions pas le Hyun Woo actuel... qui par inadvertance a perdu toute trace d'arrogance, qui par inadvertance a perdu sa confiance en lui – cette confiance qui le montait sur les scènes les plus hautes, qui lui donnait la grosse tête sans aucun doute.