Un sourire fin se dessine sur ses lèvres et le regard de prédateur qui orne ses prunelles d'un marron foncé particulièrement brillant dans la lumière des réverbères à l'extérieur du restaurant, ses prunelles presque noir, comme l'encre fine des plumes d'écoliers. Il se trouve assis à une table. Silencieux, il regarde le menu face à lui et attend son interlocutrice. Il lui a laissé un message vocal, il y a exactement deux minutes et cinq secondes. Impatient, il sait qu'il la recevra froidement. Elle est en retard, il déteste cela - Il déteste beaucoup de choses d'ailleurs, mais il vaut mieux se dispenser d'énumérer les choses qui l'exaspèrent au plus haut point et celles qui peuvent éventuellement le faire sourire. Quand bien même faut-il trouver la façon de le faire sourire, sincèrement et non de ce sourire narquois, mesquin, qui se dessine sur ses lèvres dès qu'une femme se foule la cheville parce qu'elle a croisé son regard, dès qu'une gamine l'appelle "Oppa~" alors qu'il n'en a plus l'âge. Wang Sun Woo est un gamin complètement assidue de sa propre personne. Plus le temps passe et plus il sent en lui monter la colère, l'énervement, la méchanceté dont il fera preuve avec la demoiselle qui la fait ainsi poireauter dans le restaurant le plus chic de Séoul. Si il en a les moyens, il se paye des menus complètement hors de prix - mais ça c'est surtout grâce à sa douce mère, veuve depuis que Sun Woo a dix ans, qui s'est marié avec sa défunte mère aux revenus mensuels particulièrement imposants. Bien sur, Papa Wang a dépouillé le compte en banque qui devait revenir à son fils à sa majorité, se payant ce qui semblait inutile aux yeux de l'enfant abasourdi et naïf qu'il laissa les gouvernantes élevés à leur sauce. Et puis le visage de la gamine de vingt ans face à lui se manifeste à travers la vitre de la porte du restaurant, qui grince depuis dix bonnes minutes au fil des clients qui arrivent et se placent aux tables libre. Elle est en retard, et sur son visage se lit la gêne qu'elle éprouve, l'envie de se fondre dans la masse d'une foule gigantesque, l'envie de fuir et de ne plus exister. Elle sait à quel point il déteste les retards, à quel point il la déteste, aussi.

« T'es en retard. »
« Je sais, désolée... »
« Tu vas devoir te racheter. »
« Tout ce que tu veux. »

Quand il était gamin, il détestait entendre sa mère pleurer quand on de ses amants la quittaient pour la énième fois. Elle a du en avoir une vingtaine avant de finalement trouver l'homme de sa "vie". Il en rit tout le temps, mais l'entendre pleurer, marmonner des âneries, être si heureuse - il savait que ça le blessait autant qu'elle l'était elle-même. C'était comme le lien maternel insondable qui les reliait, c'était comme cet amour si doux, si attentionné qu'elle avait montrer en son égard quand il ne dormait pas tard le soir avant de déménager de Gwanju pour Séoul, car elle décédait d'un cancer du sein, car elle mourrait, aimante et triste, à peine divorcée de son premier mari, seul et unique père de Sun Woo.

« T'es vraiment un boulet, ma parole. »

Elle s'est effondré sur le sol, cette petite gamine aux yeux globuleux et admiratifs, aux cheveux noirs de jais, longs, jusqu'au bas de son dos. Elle est la fille de sa nouvelle et tendre belle mère. Il se demande encore comment son père a bien pu se remarier avec une femme aussi ignoble et collante qu'elle. Park Su Yeon, qu'elle s'appelle. Et sa fille, c'est Na Ra. Mais il a pris un malin plaisir à la nommer Nana. Elle est tellement frêle, tellement petite fille à ses yeux. Il se demande comment elle peut avoir aujourd'hui dix huit ou dix neuf ans. Il échappe un rire cristallin, noir, froid. Elle le toise. Et il s'en va d'un pas élégant vers la porte de la maison, sans jeter un regard à la petite chose qui sert de tapis aux escaliers en bois de chêne de la maison de ta mère.

« T'sais, moi j'ai j'mais d'mandé à c'qu'elle vive chez moi c'te p'tite gamine. »
« Wesh, elle est comment ? Délicieuse ? »
« J'sais pas. Mais moi elle m'intéresse pas. »

Et pourtant voilà une dizaine de jours que vous vivez chez eux. Madame Park avait une magnifique demeure. Papa Wang a donc décidé d'y vivre pendant les prochaines dizaines d'années à suivre. Aux yeux de Sun Woo, ce n'était qu'une passade, une aventure d'un jour, malgré l'immense mariage qui passait dans la presse pendant des jours. Il fait semblant de la détester. Il lui fait la misère dès qu'il la voit. C'est un jeu qui s'est installé dans son esprit.

« Cap de te faire virer. »

Dans ce bar où elle avait servi pour avoir un peu d'argent de poche, car Maman Park ne lui donnait pas un sous, il l'avait ridiculisé, quémandant ainsi qu'elle se fasse virer dans un pari, dans un défi donné de vive voix, avec 1.5 grammes d'alcool.

« T'es vraiment con, Sun Woo. Faut que tu changes. Faut que tu sois moins dur, moins violent avec les femmes quand tu leur parles. Tu t'imagines comment tu rends dingue, Jin Ah ? Et Min Ah ? Aah. Ne parlons pas de ta "demi soeur". »
« Demi soeur ? Qu'es-ce que Nana a avoir là dedans ? »
« Genre tu sais pas de quoi je parle. T'es naze, Sun Woo, N-A-Z-E. »

Heureusement qu'il a du respect pour sa meilleure amie, sinon il ne se serait pas retenu de lui foutre une gifle, fille ou pas, ou pire encore. Un soupir froid et tendu s'échappe de ses lèvres et Sun Woo tourne les talons, ne répondant pas à cette "hallucination" qu'elle a de toi et elle. Il ne comprends pas particulièrement pourquoi il prend un malin plaisir à la voir, à la rendre folle de rage, lui mettre les nerfs à vifs.

Lui il ne s'aime pas. Lui il s'adore, s'admire. Il aime qu'on le regarde, qu'on apprécie sa stature et sa chevelure en bataille. Sun Woo est excentrique, perfectionniste, imbu de sa propre personne. Il ne fait pas attention aux autres, du moins, ce que l'on croirait, car à bien des égards, il pourrait éventuellement se soucier du sort de sa petite "soeur", Na Ra, ou de sa meilleure amie, ou de ses plus proches amis. La carapace de marbre de Sun Woo semble s'être adoucie, s'être entre-ouverte légèrement, laissant place à des sentiments sur son visage impassible, sans expression, sans sourire narquois et froid. Son regard, il vous transperce malencontreusement. Il n'est pas rare que les petites groupies l'admirent en criant, regard noir ou pas, elles redoublent leurs cries et leurs réclamations auprès de lui. Cela ne fait ni chaud ni froid à Sun Woo, il passe son chemin et les ignore royalement, sauf quand il décide d'attaquer. Wang Sun Woo est un garçon audacieux, beaucoup trop d'ailleurs. Quand il désire quelque chose, il tente par tout les moyens de l'obtenir. Logique et réfléchi, il lui arrive souvent d'arriver à la conclusion qu'il faut agir très vite pour que ne pas laisser filer sa proie. Sun Woo attaque, Sun Woo drague, Sun Woo veut juste des filles dans son lit, une soirée lui suffit et il est heureux. Cette cruauté dont il fait preuve le perdra vite, mais un jour on pourra voir chez Sun Woo une sympathie, une gentillesse, une générosité aussi douce et mélodieuse que celle dont faisait preuve sa douce mère, défunte mère, à qui il ressemble pourtant tant, au fond de lui. Sun Woo cache encore tant de facettes au monde qui l'entoure qu'on ne saurait dire quand il deviendra l'homme qu'il doit devenir.