Encore une histoire, oui encore une. Mais celle ne sera pas comme les autres je vous le promets. Ne pensez tous-de-même pas que je vais vous raconter un conte de fées avec une princesse qui tombe amoureuse d’un beau prince blond gambadant sur son cheval blanc. Non. Je vais vous raconter mon histoire, celle que vous ne voulez probablement pas entendre. Pourquoi? Est-elle sanglante et remplie de larmes? Pas vraiment, elle est seulement inintéressante. Mais bon, je n’ai pas vraiment le choix, je dois le faire un jour ou l’autre pour que quelqu’un me comprenne.
U S E D _ T O _ B E _ A L O N E
Qui aurait cru que j’allais devenir ce que je suis? Même moi je ne l’aurais pas deviné. Durant mon enfance tout allait bien. Mon père m’aimait et me chérissait. J’obtenais tout ce que je voulais en un claquement de doigts. Ils ne pouvaient rien me refuser. Un nouveau jouet, de nouveaux vêtements, nourriture. Tout était à portée de main. Être l’enfant du chef de la mafia était assez bien parfois. Mais la plupart du temps c’était dur. Je ne pouvais dire à personne le métier de mon père, il n’était presque jamais à la maison. Et comme ma mère est décédée au moment de l’accouchement, j’étais souvent seul. J’étais jeune et innocent alors je ne réalisais pas réellement l’ampleur des risques que courraient mon père, voire peut-être moi aussi. Aller en prison? Non, le métier de mon père n’était pas dangereux. Il faisait des échanges entre la Corée et d’autres pays. Qu’y avait-il de méchant là-dedans? Du moins c’est ce qu’il m’avait raconté. Et le pire dans tout ça c’est que je l’ai cru pendant très longtemps. Trop longtemps.
Malgré tout, je me faisais assez difficilement des amis. Personne ne savait au sujet de mon papa, mais pourtant, on aurait dit que tous essayaient de m’éviter. Pourquoi? Je ne sais pas. Je faisais pourtant de mon mieux pour paraître sympathique, mais il faut croire que ce n’était pas assez. Ils marchaient à côté, faisaient un détour, me bousculaient. Qu’est-ce que vous voulez, tout le monde n’est pas apprécié, on ne peut rien y changer. Seul un jour, seul toujours comme ils disent. Mais il faut dire qu’à cette époque mon coréen n’était pas très avancé. Ayant vécu à Los Angeles, aux États-Unis pendant les quatre premières années de ma vie. La première langue que j’ai apprise était donc l’anglais et je dois vous avouer qu’apprendre une deuxième langue à quatre ans ce n’est pas ce qu’il y a de plus facile. J’ai continué comme ça, dépourvu de vrais amis, pendant plusieurs années. Bon d’accord, pas tellement que ça. Mais ces deux ou trois ans m’ont parues tellement longues qu’il m’est presque impossible de dire seulement deux ou trois ans.
Mais un jour il y a eu ce gars. Âgé de quelques années de plus que moi, il était le premier qui a avoir osé m’adresser la parole. Je ne sais toujours pas ce qu’il l’a poussé à faire ce geste. Un pari perdu ? Certainement. Personne ne me parle jamais à cause qu’il l’a voulu.
— Yah ! Tu ne te sens pas seul ?
Étrangement il n’avait pas l’air de regarder dans tous les sens pour voir s’il y avait des gens qui le regardait. Il avait plutôt l’air sincère. C’était le premier et probablement le dernier avais-je pensé. Au cours des jours et des semaines, nous avons appris à nous connaître. Liam Sora était son nom. Tout comme moi, lui aussi n’était pas né en Corée du Sud. Avec le temps, nous avons appris à nous connaître de mieux en mieux pour finalement devenir de bons amis.
I _ D O N ‘ T _ W A N T _ T O _ D O _ I T
Et puis, ce jour arriva. Celui où j’étais assez âgé pour aider mon père dans son travail. Mais je ne voulais pas, vraiment pas. Je veux dire… pourquoi est-ce que je devrais vendre de la drogue moi aussi? C’est le choix de mon père, mais ce n’est pas le mien. Il m’avait dit que ce jour allait arriver et moi je lui disais tout le temps que je ne voulais pas le faire. Mais à chaque fois il me répondait qu’au moment venu j’allais changer d’idée et que j’allais accepter. Mais il s’est royalement trompé. En entendant mon entêtement, il essayait par tous les moyens de me faire changer d’idée.
— Tu vas te faire un tas d’argent, tu vas être connu par toute la compagnie et si quelqu’un essaie de te faire du mal tu n’auras qu’à appeler pour que ce malfaiteur soit défiguré.
— Appa, je suis déjà connu de toute la compagnie et seulement par le fait que je suis ton fils. Mais je te l’ai déjà dit, je ne veux pas et c’est tout. Je ne veux pas prendre le risque de me faire arrêter à 13 ans.
Mais pourtant il n’avait pas l’air de comprendre. Il continuait d’essayer, jour après jour, de faire changer ma pensée. Et finalement, après un mois d’efforts quotidiens, il s’est résolu à arrêter. Le seul problème est que quand on ne fait pas ce que mon père demande, on ne s’en tire jamais sans conséquences, même si on est son fils.
— Dans ce cas, si tu ne veux vraiment pas, je vais être obligé d’être plus strict avec toi. Maintenant, l’argent que tu voudras avoir, tu devras travailler pour. Si tu ne veux pas faire partie de l’affaire que je pensais qui allait être familiale, tu n’en auras pas les bénéfices non plus.
— Quoi ?! Appa tu sais que je ne suis pas bon pour travailler. Il n’y aurait pas quelque chose d’autre que livreur que je pourrais faire ? Quelque chose de moins dangereux. Je t’en supplie, pas l’argent.
Oui j’aime l’argent et alors? Être un addict de la consommation est dans ma nature. Je n’étais, et ne suis toujours pas, prêt à laisser partir le fric de mon père si facilement de son exploiteur habituel : moi. Mais d’un autre côté, je ne pouvais pas abandonner si facilement. Si je cédais, appa allait croire que je suis très facile à manipuler lorsqu’il y a de l’argent en jeu. Même si c’est le cas, je ne pouvais pas le laisser le deviner.
— J’aurais peut-être une idée. Mais il faut que tu sois très performant même si tu ne seras pas directement relié aux livraisons.
— Et qu’est-ce que c’est ?
— Que dirais tu de faire du recrutement ?
— Du recrutement ?
— Oui, trouver des jeunes de ton âge, ou même plus vieux, qui pourraient faire les livraisons. Mais pour ça il y a quelques choses qu’il faudrait que tu changes en toi. Premièrement, ton attitude. Je t’expliquerai tout en détail si tu acceptes.
L’idée n’était pas mal. J’avais toujours le droit de piocher à mon propre désir dans le compte de banque de mon père, je ne courrais pas vraiment de danger – sauf peut-être celui d’involontairement dénoncer mon père à un fils de policer, mais les chances sont très minimes – et puis, peut-être que j’allais me faire d’autres amis. Alors je me suis dit « pourquoi pas ? ». Oui aussi simple que ça. Il faut me comprendre, je ferais tout ce qui n’est pas, selon moi, trop dangereux, pour garder cet accès au fric de mon père.
— C’est d’accord, mais tu vas devoir m’expliquer en détails et je ne peux pas te promettre que je serai le meilleur recruteur que tu n’as jamais eu, mais au moins je ferai de mon mieux.
L’an suivant, Liam Sora m’a quitté. C’était le temps pour lui d’aller dans une université. Mais moi j’étais encore trop jeune, je devais rester à l’école qu’il venait de quitter. Le plus triste est que en changeant de niveau d’enseignement, il a aussi coupé tout contact avec moi. J’étais donc quasi-seul. J’avais réussi à me faire quelques amis à l’aide de mon « emploi », mais personne ne pouvais remplacer Sora-hyung.
O P E N _ T H E _ S H E I L D
Quelques mois après, mon père s’était décidé à engager une femme de ménage. Et non, nous n’avions plus le temps de faire le ménage. Appa était tout le temps parti pour vérifier que les transactions s’effectuent comme il le fallait et moi j’étais toujours parti chez un « ami » pour essayer de me rapprocher de lui.
Un jour où j’étais resté à la maison, la femme de ménage était venue accompagnée de sa fille, Mee Billie. Elle était mignonne mais je ne pouvais pas penser à ça. Non pas parce qu’elle était plus âgée que moi ou quelque chose du genre. Mais seulement parce que si je me mettais à éprouver des sentiments à son égard, peut-être que mon père allait l’empêcher de revenir. Même si c’était la première fois que je la voyais, j’avais l’impression qu’elle venait tous les jours avec sa mère. Elle avait l’air de connaître la maison comme le fond de sa poche. J’étais étendu sur mon lit lorsque la porte de ma chambre s’ouvrit.
— Oh, je suis désolé. Je ne pensais pas que tu étais là. dit-elle avant de refermer la porte.
Je devais garder mon air de dur à cuire pour ne pas qu’elle se fasse de fausses idées à propos de moi. Je me suis levé puis j’ai ouvert la porte pour lui dire qu’elle pouvait venir faire le ménage, j’étais sur le point de partir. Elle acquiesça et revînt dans ma direction. Je suis sorti de ma chambre afin de lui laisser l’espace dont elle avait besoin pour ensuite retourner en « mission de recrutement ».
Quelques temps après, le même évènement se reproduisit, sauf que cette fois elle ne referma pas la porte. Et ce n’était pas pour paraître impolie qu’elle le fit. Elle se dirigea vers mon lit où j’étais couché en petite boule sur le point de fondre en larmes.
— Qu’… Qu’est-ce que tu as ?
Je me suis relevé la tête pour ensuite voir l’expression d’inquiétude sur son visage. Elle s’inquiétait vraiment pour moi? Depuis quand quelqu’un s’inquiète pour moi? La seule personne qui aurait pu avoir ce comportement est probablement Sora, mais il est parti donc je n’ai jamais eu l’occasion de savoir ce que l’on ressentait quand quelqu’un s’inquiétait pour nous. J’ai alors découvert pourquoi je le trouvais si spéciale comparée à toutes les autres personnes que je croisais dans la rue : elle m’inspirait confiance.
Puis, je lui ai raconté ma situation. La pression qu’exerçait mon père sur moi, mon travail plus que étrange et comment j’en suis arrivé où j’en suis. Je n’aurais jamais dit tout ce que je lui ai dit à quelqu’un d’autre. Et pourtant ce n’était que la deuxième fois que je lui parlais. Elle m’a écouté attentivement pendant les trente minutes qui m’ont été nécessaires pour tout lui raconter.
— Je comprends. Hum… si jamais tu as besoin de parler à quelqu’un n’hésites pas, je suis là.
I ‘ V E _ B E C A M E _ T H I S
Maintenant, je suis moi aussi à l’université, tout comme Sora. Et étrangement il est dans la même que moi : Kirin Arts High School. Oui une école d’arts. Elle vient tout juste de rouvrir après avoir été fermée pendant quatre années. Je me suis donc dit que je pourrais tenter ma chance. Et puis, ceux qui pouvaient payer les frais de scolarité – ce qui donne que ceux qui ont beaucoup d’argent –, n’avaient même pas besoin de passer l’audition pour y être accepté. À la base je ne savais même pas si j’allais aimer ça, mais après quelques semaines je m’y sens bien. En plus je n’ai plus à faire de recrutement pour mon père, mais je m’amuse quand même à garder mon caractère de dur à cuire parce qu’il met du piquant dans mes journées. Et encore mieux, comme j’ai repris contact avec Sora – qui est maintenant une idole, oui oui
– je peux faire avec lui tout ce que je n’ai pas pu faire pendant le temps que nous avons été séparés. Mais je dois avouer que parfois je vais un peu trop loin avec mon attitude qu’il me ramène sur terre pour ne pas que je fasse quelque chose que je pourrais regretter. Il est un peu comme mon ange gardien quoi. En plus il me donne des cours privés et tout. Je ne veux pas le perdre, jamais. Par contre l’an prochain il va quitter Kirin puisqu’il est en quatrième année, je vais donc me retrouver seul, encore.
Ah mais non, maintenant que j’y pense il me restera toujours Billie. Oui, maintenant elle est femme de ménage pour la Sunshine Agency c’est donc elle qui s’occupe d’une partie du ménage de l’école. Je vais donc pouvoir la voir de temps en temps. Sinon je m’organiserai, mais je suis certain que je serai heureux. Du moins, plus que quand j’étais sous la pression de mon père qui aujourd’hui me laisse faire ce que je veux à condition que je ne parle pas de lui à la police.