Boom boom boom gotta get that ~Boom boom boom gotta get that~. Alors que les pulsations des basses emplissaient peu à peu une des petites salles de danse de l'école d'Art Kirin, une silhouette se muait abruptement en son milieu. Quelques secondes auparavant, elle se tenait immobile sur le sol, repliée sur elle-même tel un oiseau blessé, contrastant étrangement avec l'univers de la pièce. Mais en un instant, elle se releva brutalement, collant ses deux bras horizontalement contre sa poitrine, défiant le miroir qui se tenait devant elle. Lentement, elle bougea la moindre partie de son corps, fermant les yeux, appréciant le volume de la chanson toujours plus fort, toujours plus entraînant. C'était stupide mais il lui semblait qu'elle l'appelait. Et puis, lorsque le son atteignit son apogée, tous ses membres se mirent en mouvements. De sa position passive, elle entama une chorégraphie spontanée, nullement inventée. Les pas qu'elle avait mainte et mainte fois répétés dans d'autre lieux, elle les assemblait pour créer quelque chose d'autre, quelque chose d'agressif et de sauvage. Elle bougeait à s'en fendre les muscles, alternant figure complexe et pas sensuels, faisant virevolter ses cheveux lâchés tout autour d'elle, formant un rideau qu'elle aurait préféré évité.

Voilà ce qu'elle attendait de la vie, ce qu'elle avait toujours espéré d'elle. Gamine déjà, elle ne désirait qu'une chose. Enfermée dans la chambre de son petit orphelinat de fortune, elle répétait avec la même hargne les pas lorgnés aux battles du coin en pensant que plus tard, ce serait sur une scène qu'elle les reproduirait en tant qu'artiste à part entière. Elle gagnerait un salaire, vivrait de sa passion et pourrait enfin se sortir de cet endroit miteux emplis de mauvaix souvenirs. Et elle avait réussi, enfin était en bonne voie pour y parvenir.

Depuis qu'elle était rentrée à Kirin l'année dernière, toute la vie de Yun Ki Suk tournait en orbite autour de la danse. C'était plus une passion, une envie, c'était devenue une obsession. Il fallait toujours qu'elle s'entraîne, ses écouteurs dans les oreilles criant les derniers tubes comme les plus vieux, toujours à l'abri des regards, l'associabilité de la jeune fille aidant généralement beaucoup dans cette tâche. Personne ne la remarquait ce qui lui permettait de faire sa petite histoire tranquillement, sans se soucier des autres.

La dernière note de la chanson résonna dans l'habitacle avant qu'une deuxième ne défile, plus récente celle ci. Ki Suk enchaîna, s'adaptant au changement de rythme plus saccadée, ignorant les gouttes de transpiration venant se perdre dans ses yeux. Quelle heure était-il ? Il était tard, la nuit ne tarderait pas à se poser sur Séoul et tous les pensionnaires devaient sans doute se trouver pas loin de leur chambre à cette heure-là. Au risque de se prendre un enguelot monumental par n'importe quel professeur ou agent d'entretien, la danseuse préférait se défouler avant d'aller s'affaler sur son lit. Etant aussi bavarde qu'une souche d'arbre, elle préférait ne pas croiser les grands yeux de ses camarades de chambre et entamer une conversation futile.

La deuxième chanson se termina puis la troisième. Elle avait de la chance : personne ne semblait se soucier du bruit. Lancée, elle ne parvenait pas à s'arrêter, et ne le voulait pas de toute façons. Elle aurait pu rester dans cette salle toute la nuit, à se trémousser sur tout son répertoire. Elle aurait pu, si on ne l'avait pas dérangée.

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