Une petite fille a dit un jour à son père qu'elle serait une princesse vêtue de soie blanche, soie soyeuse et magnifique, brillant au soleil et dans la lumière minuscule de la lune la nuit. Une petite fille a dit un jour à son père qu'elle deviendrait célèbre et riche et qu'elle gouvernerait le monde face aux grands dandys du coin, face aux charlatans et aux malfrats. Ce jour-là, Hyun Woo avait sans doute le même âge que cette enfant dépourvu de maintien de ses paroles. Franche et active, elle restait fraiche et vivante telle une gouttelette d'eau ruisselant sur une jolie pétale de rose un jolie matin de printemps. Elle était d'une fraicheur magnifique. Elle était drôle et réfléchie. Elle était d'une splendide éclatante clarté dans l'esprit de Hyun Woo. Cela était bien rare qu'une jeune femme, ou plutôt, jeune fille, comme l'était Yoo Na Eun, puisse attirer le tendre regard du garçon – cela n'est que trop rare qu'une jeune fille comme Yoo Na Eun ai pu attirer le tendre et doux regard du fils des Song. C'était peu prévisible – et pourtant, aussi rapidement qu'ils avaient forgés un lien peu conflictuel entre eux, ils avaient partagés des moments heureux – des moments à rire et sourire, à seulement se regarder et se comprendre. Hyun Woo n'est certainement pas bizarre, il est juste parfois perturbé par le regard que l'autre lui porte – il était perturbé plutôt, autrefois, quand il fut enfant surtout. Bien sur que sa grande gueule lui permettait de rétorquer face aux regards de gamines trop jeune dans la cour de récréation de primaire. Bien sur que son arrogance le poussait un peu trop à ouvrir sa bouche et blesser les gens. Mais au fond, Hyun Woo ne se rendait pas compte lui même qu'en rencontrant tel ou tel personne, son caractère se forgeait tout autrement – son comportement différait de la personne en face de lui. Hyun Woo était bel et bien une personne aux multiples visages que l'on ne pouvait pas forcément discerner avec certitude, non, c'était trop peu dire en fait. Parfois il riait de bon coeur avec son frère, d'autre fois, un sourire malsain, froid, et narcissique se logeait sur ses lèvres, tel une statue de marbre n'attendant simplement que le feu de folie de son frère qui riait de bon coeur face à sa propre bêtise s'achève. Mais le problème restait toujours le même, Hyun Woo ne se manifestait aucune vertu à croire qu'il pouvait « vraiment » être heureux autrement que par des gestes doux et attentionnés soit envers son frère ou sa propre meilleure amie, soit envers une propre inconnue. Ce n'était que depuis son accident qu'il se rendait compte de la vraie réalité des choses sur ce fait qu'être heureux pouvait provoquer en lui ou non. Il s'est toujours dit heureux, par n'importe quel moyen que ce soit il arrivait à se dire heureux, à se trouver heureux, à se sentir heureux. Pourtant, il ne s »agit que d'un futile sentiment qui ne demande que plus de réflexion qu'une simple phrase répondant à toutes ces questions aux réponses complexes, attractives et chercheuses de réflexions trop assidus, trop développés. Hyun Woo aime la simplicité des choses. Oh ça oui qu'il aime ça. Il n'a jamais fait la distinction quand il aimait une fille et quand il voulait une fille. Pour lui l'évidence était réellement cela n'avait aucun sens qu'une fille dont il puisse être amoureux soit aussi celle qu'il veuille, quoi que non, mais il s'égare rapidement quand il réfléchit intensément comme ceci. Il faut même avouer qu'il se perd dans ses réflexions les plus sombres et subiles. Il se perd dans tout ce qu'il fait – surtout depuis son foutu accident.

Ne franchissant qu'à peine le seuil du hall d'entrée du conservatoire de myeongdong qu'il entendait la fabuleuse mélodie que produisait Yoo Na Eun, le génie, la fille qui avait un QI élevé et qui n'en fait qu'à sa tête même avec lui. Elle lui était précieuse, mais à bien des égards, il n'avait osé la revoir depuis son accident. Elle avait beau laisser des messages vocaux menaçants sur téléphone, il n'y répondait que par message rapide, simple et court qui n'en disait que trop peu et bien trop long sur son état aussi. Hyun Woo poussa doucement la porte qui menait au grand amphithéâtre vide et apercevait déjà la légère et minuscule silhouette d'une jeune femme en bas des marches, en bas de tout ses sièges vides. Au fond de lui, il espérait qu'elle ne prendrait pas mal le manque de nouvelles, d'appels, de rires et d'entrevus. Car avant l'accident, Hyun Woo avait presque tendance à appeler Na Eun tout les soirs pour lui rappeler que si un garçon l'approchait ne serait-ce qu'à un cheveu de lui, il l'attraperait par la tignasse et le noierait dans le fleuve d'à côté. C'était sa façon à lui de montrer son affection à Na Eun, même si en bonne capricieuse et têtue qu'elle était, elle se renfrognait rapidement et très souvent. Mais c'était ça qui était mignon chez elle. Appuyé contre un dossier, il regardait la scène avec avidité. C'était sans doute la meilleure mélodie qu'il ai pu entendre depuis des semaines. La musique. La mélodie. Le chant. Tout ce qui lui manquait se dessinait dans les notes de musique qu'elle produisait avec son violon. Un soupir et d'un pas lent il s'avançait vers la scène, descendant une après l'autre les marches. Au fond de lui, il n'était plus le garçon adroit, solide et téméraire qu'avant – bien des choses l'avaient changés en peu de temps et malgré ça, il était ronger inconsciemment par le remords de n'être plus lui même et la peur de se retrouver face aux autres et se retrouver seul. Les faiblesses de Hyun Woo avaient injustement ressurgis. Faiblesses qu'il s'était forcé à cacher, à enfouir.

«  Semblerait-il qu'il y ai un bémol dans votre partition. Ce n'est que trop rare de votre part, n'es-ce pas ? »

Il fallait toujours qu'il fasse bonne apparition auprès d'elle.

« Votre père me fait vous prévenir qu’il assistera sûrement à votre récital, la semaine prochaine. Et il voulait savoir si, dans deux jours, pour l’anniversaire…»
« Lequel ? Le mien ou celui de la mort de ma mère ? »
« Erm… »
« Rappelez quand vous vous serez décidé. »

La mélodie naissait sur les cordes, s’élevait dans les airs et emplissait bientôt tout l’amphithéâtre. Et les notes se succédaient – justes, exactes, précises. Mathématiques. Et cependant, pour la petite musicienne, ce n’était pas assez. Ce n’était jamais assez. Aucune satisfaction ne se lisait sur son visage pâle et concentré ; derrière ses lunettes, larges et épaisses, ses yeux demeuraient obstinément clos. Quelques de ses longues boucles noires s’étaient échappées du chignon négligé qu’elle avait rapidement noué sur sa nuque, mais la demoiselle ne s’en préoccupait guère. Seuls comptaient les sons que produisait cet instrument, fermement calé entre sa joue ronde et sa frêle épaule. Depuis combien d’heures répétait-elle ? Quatre, cinq peut-être. Elle avait perdu le compte. Il n’y avait guère plus que ses doigts, rougis sous l’effort, qui la lançaient de temps à autre et lui indiquaient que ses limites se trouveraient bientôt atteintes. Mais la demoiselle n’en avait cure ; elle s’évertuait à ignorer ces avertissements que son corps lui-même lui adressait, et son front clair demeurait plissé sous le coup de la concentration.

« Vous avez exécuté le morceau sans la moindre faute. Mais… Mais il manque encore ce petit quelque chose. »

Si elle n’avait pas encouru une prison en cédant à son envie, la jeune fille lui aurait sans doute égorgé le coup, à ce professeur de pacotille, à ce pédagogue à la petite semaine. Mais une incarcération aurait signifié courir le risque de partager sa cellule avec une éventuelle co-détenue ; et cela, Yoo Na Eun l’antisociale ne pouvait se le permettre. Elle avait donc bravement ravalé sa colère et s’était fendue d’un sage sourire lorsqu’on lui avait conseillé une interprétation qu’un autre violoniste de l’air qu’elle avait à travailler pour le récital de la semaine prochaine. Sa bonne volonté avait même été jusqu’à écouté le disque qu’on lui avait prêté. Grand mal lui en avait pris… Dès les premières portées, lui étaient apparues toutes les failles qui lardaient sa manière de jouer. Elle produisait pourtant les mêmes notes, suivant la partition sans jamais s’en écarter. Mais sa sonate ne vibrait pas autant, ne vivait pas autant. Ce qui était musique chez cet inconnu retombait entre ses mains au simple état de son :

« Et merde. »

Elle l’avait entendu parler. Elle l’avait entendu s’approcher – de si longues années d’amitié lui permettaient de l’identifier à son seul pas. Mais elle était restée impassible, ne lui accordant pas le moindre signe d’attention, trop absorbée qu’elle était par son violon. Mais soudain un claquement retentit, et le silence s’engouffra dans la salle. Une de ses cordes venait de se briser, griffant son index. Un filet de sang y perlait. Na Eun ne se mit cependant pas immédiatement en mouvement. Figée, glacée, elle cligna deux, trois fois des yeux comme sortant d’une épaisse torpeur, puis lentement, elle se sépara de son violon et le replaça dans son étui. Et enfin, elle fit demi-tour.

« Oh. Song Hyun Woo… Tu es sorti de chez toi ? »

Contrairement à ce que son visage inexpressif annonçait, elle était heureuse de le voir ; de le voir sourire, de le voir se tenir debout. Il lui semblait que tant de temps s’était écoulé depuis la dernière fois qu’elle l’avait vue. Et pourtant, ne se croisaient-ils pas quotidiennement pas dans les couloirs ? Ne déjeunaient-ils pas ensemble plus de trois fois par semaine ? Sans doute. Mais Hyun Woo n’était jamais réellement là… depuis l’accident, c’était à peine s’il était l’ombre de lui-même. Alors constater qu’il avait pris l’initiative de venir, qu’il avait simplement pris une décision sans qu’on ait eu à le tirer de sa chambre où il était généralement terré, cela la rassurait un tantinet.

« Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Les termites ont attaqué votre appartement ? Vos canalisations ont éclaté ? Pire… tu t’es aperçu que Hyun Ki était invivable et tu l’as fui ? »

Oui, elle était heureuse de le voir. Mais ces semaines passées à s’inquiéter lui restaient en travers de la gorge ; lorsque son meilleur ami était encore convalescent, Na Eun avait pris presque tous les jours le bus vers Gwanju afin d’être quelques heures à son chevet. Cela lui avait coûté des heures de sommeil, mais peu importait… il était question de Woonie. De sa moitié, de son double. Pour l’aider, elle avait même chercher des mots réconfortants à prononcer ; avec son empathie d’huître, il lui avait fallu aller emprunter trois livres à l’eau de rose pour constituer un recueil de citations qui dégoulinaient de tant de sentimentalisme que la demoiselle avait pensé mourir en les lisant. Mais tous ces efforts s’étaient révélés vains.

« Ou non. Tu t’es peut-être juste souvenue que tu avais une meilleur amie… »

Oui, elle était heureuse. Mais contrariée, aussi.

« Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Les termites ont attaqué votre appartement ? Vos canalisations ont éclaté ? Pire… tu t’es aperçu que Hyun Ki était invivable et tu l’as fui ? »

Il savait pertinemment qu'elle lui en voulait. C'était compréhensible après tout. Depuis des semaines, Hyun Woo se comportait comme un zombie traversait son unique appartement qu'il partageait avec son frère jumeau. Jumeau qui se dévoilait comme étant fatiguée, dévasté de toujours devoir s'occuper de lui ainsi. Jumeau qui provoquait ainsi un développement considérable dans le comportement du garçon. Un léger sourire se dessinant sur son visage pâle – car oui, dans tout les cas, même si il avait la force de se rendre ici ce jour-là, il n'était pas non plus dans le meilleur de sa forme pour accueillir sa meilleure amie à bras ouverts. Il aurai aimé être là plus tôt et il s'avérait que le jeune homme s'en voulait beaucoup de ne pas avoir été là pour elle à chaque instants que elle, elle fut présente à son chevet lors de sa convalescence. Un soupir déchira le visage de marbre de Hyun Woo et il ne savait si il devait s'avancer ou encore reculer – l'un ou l'autre aurait été la froisser. Hyun Woo connaissait assez bien Na Eun pour le savoir.

« Ou non. Tu t’es peut-être juste souvenue que tu avais une meilleur amie… »

Il espérait au fond qu'elle plaisantait. Mais de toute évidence, avec Na Eun, cela ne pouvait être le cas. Il échappait un léger soupir. Autant dire qu'elle avait réduit toute prise de paroles inaudible de la part de Hyun Woo. Il ne savait pas réellement quoi dire... s'excuser ? Ce n'était de un pas son genre, de deux pas une solution – pas avec Na Eun, juste pas avec elle. C'était toujours ainsi – trouver les mots avant de parler – tourner sept fois dans sa langue dans sa bouche avant de parler – cela en revenait à la même chose quand il s'agissait de s'adresser à Yoo Na Eun. Agir ainsi, cela faisait comme-ci Hyun Woo, son propre meilleur ami, avait peur d'elle, s'en pouvait être révoltant, n'es-ce pas ? C'était juste une façon pour lui, de savoir qu'elle ne l'abandonnerait pas – peut-être qu'il se trompait, mais de toute manière ils agissaient ainsi l'un envers l'autre depuis le tout début, autant continuer dans cette voie.

« Désolé... »

S'en était réellement pathétique. Il avait qu'à dire «  Je m'appelle Song Hyun Woo, je suis un crétin fini, j'ai oublié de contacter ma meilleure amie parce que j'allais mal, pardonnez moi. » s'en revenait à la même chose, sans doute. Mais avec Na Eun, ça sortait du sarcasme et de l'idiotie – il savait juste qu'il ne fallait pas s'y prendre de cette manière avec elle. Une inspiration profonde et il s'avançait lentement pour monter sur les devant de la scène, quitte à se prendre une gifle par sa meilleure amie, autant le faire avec un public absent plutôt que présent – surtout si il s'agit d'une grosse et énorme gifle venue du coeur. Enfin, il s'y attendait sans trop s'y attendre pour autant – jamais on ne sait ce que prévoit la jeune femme, elle est indéchiffrable, juste impossible à lire et c'était ça qu'il aimait chez Yoo Na Eun. A seulement quelques mètres d'elle, il ne put réellement savoir quel sentiment, quel pulsion provoqua en lui une action aussi stupide que celle-ci mais le garçon, apercevant l'index blessé de Na Eun, ne put s'empêcher de se placer à ses côtés et d'attraper sa main avec douceur et légèreté. Se mordant l'intérieur de la joue, il se maudissait presque d'être trop imprécis dans ses gestes, surtout qu'ils ne se retrouvaient que depuis quelques instants maintenant. Hyun Woo pressa doucement les doigts de la jeune femme qu'il avait placé au fond de sa paume de main gauche pour calmer la légère douleur et le léger picotement que les cordes avaient ou allaient – cela dépendait surtout que de Na Eun – provoqués.

« Puis-je savoir depuis combien de temps tu joues pour te retrouver avec des doigts dans un tel état ? »

Il la fixa un instant. Na Eun n'avait pas changer. Il avait eu peur, pendant un léger instant, qu'elle eut changé de couleur de yeux, de couleur de cheveux, de coiffure ou même de style – il avait eu peur qu'elle ne soit plus sa Na Eun – celle qui par inadvertance réussissait toujours à le faire rire et à le sortir de sa torpeur. Il grimaça doucement. Il en oubliait son excuse imparable pour tout se sang d'encre qu'elle eut du se faire pendant tout ce temps. Il s'en voulait – mais ils étaient là aujourd'hui et ils seraient là demain. Cette torpeur dans laquelle Hyun Woo avait été plonger pendant un moment, était bel et bien terminé – du moins l'espérait-il. Il inspira profondément un bouffée d'air et sa main droit vint déplacé maladroitement quelques mèches de cheveux noirs retombant sur ses joues plus rose que d'habitude.

Pardon. Vraiment. J'aurai du... t'appeler, t'envoyer un sms ou.. simplement me réveiller quand tu venais me voir à l'hopital de Gwanju... nee ?

Il se gratta le front doucement, perdu dans ses pensées et échappait un autre soupir. Avec le temps qui s'était installé entre l'accident et l'actuel face à face qui se présentait comme « tendu » avec Na Eun, Hyun Woo n'avait cessé de créer le plus de scénarios possible qui puisse définir la réaction tant estimer de Na Eun. Ce n'était pas qu'il eu peur de sa meilleure amie. Il avait juste plus peur de la perdre qu'autre chose. C'était sans doute une bonne raison de ne penser qu'à elle jour et nuit – sans doute. Mais peut-être que jour et nuit, et toutes les heures et minutes durant, s'en devenait obsessionnel n'es-ce pas ? Hyun Woo ne savait pas vraiment lui même à qui il pensait, pourquoi il pensait, à quoi il pensait – véritablement.

« Pour ma défense, j'ai eu une semaine pathétique et insupportable. Hyun Ki a pété les plombs et moi aussi. Alors j'estime que j'ai le droit de voir ma meilleure amie à présent. Pire, je crois que je ne te lâche plus et que je te ramène à la maison pour... ouais, je te ramène à la maison. »

C'était peut-être trop agir face à Na Eun, mais il savait qu'elle ne pouvait résister à l'envie de fouiller les placards de Hyun Woo à la recherche de revues pornographies et autres idioties que Hyun Woo ne cherchait aucunement à voir et à cacher. Tandis qu'elle ne semblait ne pas vouloir bouger de là où ils se tenaient tout les deux, il grimaçait doucement. Sa main vint se poser doucement sur l'épaule de Na Eun avant de remonter jusqu'à sa joue. Le pouce de Hyun Woo se pressait doucement sur la joue rosâtre de Na Eun tandis qu'elle semblait toujours lui faire la moue. Il leva les yeux au ciel.

«  Spèce de nouille, tu veux pas non plus que je me prosterne devant toi pour que tu me pardonne et veuille bien me parler ? Yaaay, tu boudes pas hein ? J'en ai eu assez de Hyun Ki et de cette fille bizarre à Gwanju. »

Na Eun était rancunière et Hyun Woo était impardonnable. Voilà qui allait être encore plus désolant.

Tu le détestes, n’est-ce pas ? Parfois, il te serait si facile de l’étrangler tant il sait te mettre hors de toi. Tu en déjà martyrisé d’autres pour bien moins. Alors pourquoi pas lui ? Un crochet du croit, et ce sourire en coin disparaîtrait de ses lèvres. Et tout contusionné de bleus, son visage serait tout de même nettement moins charmant. Avec ces paroles caressantes, il voudrait sans doute te raisonner, mais il suffirait de l’étouffer avec un oreiller. Et il se tairait, et il te laisserait. Ah. Mais tu ne peux pas, n’est-ce pas ? Tu ne veux pas, n’est-ce pas ? Car ce sourire, ce visage, ces paroles, tu les aimes autant que tu l’aimes, lui.

Na Eun ne répond pas immédiatement ; elle ne le fait jamais. Il est dans ses habitudes de toujours s’accorder un temps de réflexion pour méditer, analyser, décortiquer les paroles qu’on lui adresse. Tout s’impose à elle comme un problème mathématique qu’il faut rationnellement résoudre ; c’est pourquoi elle manque tant de spontanéité, c’est pourquoi rien ne semble la toucher. Doucement, enfin, la voilà qui hoche la tête. Puis sans un mot, elle détache sa main blessée de celle de Hyun Woo qui s’est rapproché. Avec soin et minutie, elle désentrelace leurs doigts – les contacts, ce n’a jamais été son fort. Même avec lui, surtout avec lui peut-être. La demoiselle secoue la tête pour chasser cette pensée et reste un instant à observer sa quenotte ensanglantée. Ecorchée, malmenée… un peu comme elle, un peu comme lui. C’est quand même curieux la vie, non ? Un jour, vous êtes des mômes insouciants. Vous faîtes l’école buissonnière pour aller au cinéma, ou vous vous attardez à la sortie des cours pour ne pas avoir à faire vos devoirs sur le champ. Vous parlez, vous discutez. De tout, de rien. Vos bavardages sont sans conséquence, ni importance. Seul compte le moment présent. Mais un jour, tout s’effondre – vous devenez grands. Le confort d’antan s’est envolé, et l’on se trouve comme entre deux précipices – d’un côté, il y celui des erreurs passées ; de l’autre, celui des doutes sur l’avenir. Des conversations de l’enfance, il ne subsiste que des silences gênés qui s’étirent tant qu’ils en donnent le vertige.

« Elle était comment cette fille ? »

Le ton est monocorde, nonchalant. En posant cette question, elle a contourné Hyun Woo aussi lestement qu’elle a voulu éviter des explications plus en profondeur et des excuses larmoyantes. Les échanges à cœur ouvert, elle ne fait pas ; elle ne connaît pas. D’un saut agile, Na Eun quitte la scène et rejoint la première rangée des sièges qui sont dévolus à l’assemblée. La semaine prochaine, pour son récital, c’est sans doute là que son père prendra place. Enfin, si, il vient. Il a promis. Mais auparavant, il a aussi menti. La jeune fille hausse les épaules en même temps qu’elle se hisse sur l’un de ses larges fauteuils. Son regard se pose enfin sur son meilleur ami. De ses grands yeux ronds et noisettes, elle le fixe, le détaille, cherche à le percer à jour. Distraitement, elle tire sur les manches de son pull trop large et se demande si « la fille bizarre de Gwanju » lui ressemble. Sûrement pas. Celle-là porte sans doute des robes bien découpées, bien découpées – le genre d’accoutrement que sa mère la forçait à arborer lorsqu’elle était encore une enfant et qu’elle a déchiré dès le lendemain de l’enterrement C’est ce genre de filles qui fascinent Woonie. Ces filles qui prennent soin d’elle, ces filles qui font attention à leur apparence. Ces filles qui ressemblent à des filles.

« On peut aussi parler de Hyun Ki le terrible, si tu insistes. Mais la dernière fois, j’ai proposé de le déporter vers la Sibérie, et tu as boudé pendant une semaine. Puis tu n’approuves pas que je sois la présidente de son anti-fanclub. Attends… tu ne savais peut-être pas que j’en étais la présidente. Erm. Maintenant, tu sais. Confidence pour confience, et tout le tralala. Bref. Je disais : si tu veux, on peut parler de ton charmant frère – et encore, qui prouve que ça l’est ? Il n’y après tout qu’une vague ressemblance… mais je m’égare. On peut parler de lui, mais ça m’a l’air d’être un sujet trop délicat. Alors optons pour le plus sûr… ‘La fille bizarre de Gwanju.’ »

Entre la plaisanterie et le sarcasme, entre la gentillesse et la méchanceté. C’est là Na Eun dans toute sa splendeur. Chez elle, tout tangue, tout oscille. Sans même s’en apercevoir, on peut passer du blanc au noir, de la lumière à l’ombre – du tout au rien. Les livres de géométrie que sa mère lui faisait avaler par douzaine lui montraient un monde tout en droites et angles de droits. Les années passant lui ont prouvé qu’il n’y a jamais rien d’aussi tranché, d’aussi définitif. Les lignes sont bien plus ténues, les contours s’estompent parfois. Il faut faire avec le gris et le flou. De temps à autre, cela l’effraie ; rien ne lui paraît certain, ni assuré. Il lui semble vivre dans un château de cartes sur le point de céder. Elle perçoit toute l’évanescence de son existence qu’un souffle suffirait à faire s’évanouir dans les airs.

« Ou tout ce que tu veux. Je suis depuis des heures sur ce morceau insupportable. Je n’arrive à rien. Donc tu es venu, donc tu dois me distraire. Parle, et change moi les idées. »

C’est peut-être parce qu’en ce monde tout est si fragile qu’elle a tant eu peur de le perdre. Que peut la force d’un lien contre la perpétuelle instabilité du monde ? Na Eun l’ignore, et c’est cela qui la terrifie plus encore. Elle ramène contre elle ses genoux et y appose son menton. Une ébauche de sourire lui vient : à dire vrai, ce n’est pas réellement une sourire, mais plutôt une torsion mécanique des lèvres qui n’indique pas de très grandes joies. Mais qu’y peut-elle ? C’est ainsi que les choses ont toujours été.

« Elle était comment cette fille ? »

Elle était brune. Elle était borné et indifférente à son charme. Elle était juste une idiote sans doute, mais Hyun Woo avait tendance à trop apprécier les idiotes et il fallait sans doute se douter qu'il ne s'était pas arrêter là – dans sa contemplation comme dans son envie d'en apprendre plus sur elle. Avait-il seulement pensé que à cause d'elle, il se retrouverait dans un état indéniablement différent de celui qu'il arborait fièrement autrefois ? Avait-il seulement pensé qu'en approchant ainsi cette fille de trop près, il se retrouverait cloitrer dans sa chambre pendant des mois durant, essayant malgré lui de se sortir de cette impasse qui le réduisait à l'état de loque – mais il était sans doute plus facile d'y entrer que d'en sortir. Il détaillait chaque mouvement de sa meilleure amie, quand elle décida de se déplacer à travers la pièce et de s'installer dans un des grands fauteuils qu'il définissait comme somptueux et beaucoup trop chic, du premier rang. Il soupira. Na Eun dans toute sa splendeur. C'était ça qui lui avait manquer. Cette façon de se montrer sarcastique auprès des autres mélangé à ce goût pour une légère plaisanterie – il n'y avait que elle pour faire cela. Hyun Woo n'aurait su l'admettre, mais d'une façon ou d'une autre, Yoo Na Eun lui avait extrêmement manqué.

« On peut aussi parler de Hyun Ki le terrible, si tu insistes. Mais la dernière fois, j’ai proposé de le déporter vers la Sibérie, et tu as boudé pendant une semaine. Puis tu n’approuves pas que je sois la présidente de son anti-fanclub. Attends… tu ne savais peut-être pas que j’en étais la présidente. Erm. Maintenant, tu sais. Confidence pour confience, et tout le tralala. Bref. Je disais : si tu veux, on peut parler de ton charmant frère – et encore, qui prouve que ça l’est ? Il n’y après tout qu’une vague ressemblance… mais je m’égare. On peut parler de lui, mais ça m’a l’air d’être un sujet trop délicat. Alors optons pour le plus sûr… ‘La fille bizarre de Gwanju.’ »

Il aurait peut-être du rire face au cynisme de Na Eun, mais de toute évidence, la situation précédente qui le poussa à péter les plombs avec Hyun Ki, n'était guère une chose sur laquelle il voulait rire. C'était juste la façon dont Na Eun présentait les choses – cette façon lui rappelait tant bien que de mal que les choses n'étaient pas toutes noirs et sombres, que tout n'était pas froid et sans bonheur. Il soupira tandis que son regard ne semblait pas s'attarder sur autre chose qu'elle. Étonnamment, Hyun Woo se demandait si elle allait bien. Étonnamment, il se préoccupait plus de son bien être que de ses activités extra scolaires et sa réussite dans la musique. Il se fichait éperdument du fait qu'elle puisse présenter un récital dans quelques jours. Il se fichait encore bien plus que son père y assiste ou pas. Hyun Woo ne désirait simplement qu'être informer de la santé morale de sa meilleure amie à l'heure actuelle, mais à en juger l'état de ses doigts rougis par l'effort de travail, elle n'était que trop persévérante et en colère contre elle même et cette fichue partition qu'elle ne semblait pas réellement réussir du premier coup – ce qui venant de Na Eun n'était que trop étrange, mais elle s'infligeait tant de mal être à elle même, elle aurait pu se faire mal pendant des heures jusqu'à réussir si il n'était pas arriver – du moins il supposait.

« Ou tout ce que tu veux. Je suis depuis des heures sur ce morceau insupportable. Je n’arrive à rien. Donc tu es venu, donc tu dois me distraire. Parle, et change moi les idées. »

Tandis qu'elle ramenait ses genoux tout contre elle et que son menton s'apposait sur ceux-ci, il vint s'assoir sur le rebord de la scène face à elle. Il la contemplait, elle et son sourire qu'il n'aurait su dire si il venait du coeur ou bien si il était forcé d'être là à ce moment-là. Poussant un soupir léger, Hyun Woo s'allongea de tout son long laissant ses jambes se balancer dans le petit vide qui s'installait entre la scène et le premier rang où elle se trouvait. Fermant les yeux, il essayait malgré lui d'oublier tout ce temps à souffrir continuellement. En effet. Il avait souffert. Souffert de n'être qu'une loque pendant de longues semaines. Souffert des disputes entre Hyun Ki et lui pendant ses dernières semaines. Souffert du manque de Na Eun dans sa vie – juste de ce manque inconditionnel qui l'avait pris de court jusque là. Il eu cru que ce ne fut que simplement normal – qu'elle n'était juste que sa meilleure amie et qu'il était ainsi normal qu'elle lui manque tant. Mais chaque jour qui passait se révélait être un calvaire parsemé d'obstacles infranchissables – jusqu'à aujourd'hui.

« Je ne me rappelle même pas comment elle était. »

Pour son bien à elle, il lui mentait. Il disait ne pas se rappeler alors que depuis des nuits entières il rêvait, non, cauchemardait sur cette fille et sur cet accident qu'il aurait préféré éviter à tout point de vue. Mentir à Na Eun, c'était seulement impossible et dans quelques minutes, elle le rabrouerait surement pour lui mentir le jour de leurs retrouvailles tant attendus. Grimaçant, il passait sa main sur son visage avant de se redresser et de plonger son regard dans celui de Na Eun pendant une seconde, deux secondes, trois, quatre peut-être plus encore. Ce regard lui avait aussi terriblement manqué.

« Bon.. elle était juste... c'était juste une fille quoi. Na Eun, on s'en fiche de cette fille, non? Enfin... je veux dire, quel est son importance dans l'histoire ? Awui.. tu veux juste que je te parle de moi et de mes somptueuses aventures à Gwanju mais... mais tu sais pertinemment qu'elles n'ont pas été... surtout avec l'accident. »

Il échappait un léger sourire et se décidait à descendre de la scène pour la rejoindre. Glissant sur le sol doucement, il vint s'installer dans le fauteuil voisin de Na Eun, une légère moue visible sur son visage. Na Eun se préoccupait sans doute trop que les filles lui tournent autour ou que au contraire, lui, tourne autour de filles autres que.. Il se mordit l'intérieur de la joue sans relâche. Hyun Woo se trouvait idiot, réellement idiot. Voilà un moment qu'il ne l'avait pas vu, et il gâchait tout en parlant de tout et de rien – d'idioties, en somme.

« Juste une chose... avant que tu ne décides de me crier dessus ou de me taper. Il est clair que tu m'as vraiment manqué.»

Il échappait un léger sourire tandis qu'il se tournait vers elle et la fixait avec attention. Na Eun. La jolie et unique Na Eun. Se levant face à elle, il l'attrapait par les mains pour qu'elle se lève et tira sur ses avant-bras surement douloureux suite à tant d'efforts de travail de sa part. Il resserrait ses mains sur celles de Na Eun, ne voulait lâcher sa prise. Il resserait ses mains sur celles de Na Eun, de peur qu'elle s'échappe inlassablement – parce qu'elle détestait ça, les contacts physiques – parce qu'elle détestait ça, leur contact physique.

« Et je ne rigoles pas. Et arrête de faire cette moue veux-tu... Tu es moins jolie quand tu fais ça... »

Peut-être que par erreur il parlait trop. Peut-être que par erreur il allait se prendre un coup pour avoir oser dire la vérité. Mais généralement, Hyun Woo ne disait pas des choses aussi censés que cela. Généralement, Hyun Woo se taisait sur ce qu'il pensait d'elle. Au fond, il admirait beaucoup Na Eun. Il l'admirait... Il l'aimait...

Les autres ne le savent pas, mais c’est lui qui t’a donné ton premier baiser. Vous avez onze, douze ans ; vous traînez devant la télé, et à l’écran, une comédie romantique s’achève sur un baiser passionné. Derrière ton air perplexe, la curiosité monte malgré tout. Finalement, tu n’y tiens plus – les mots tombent. Embrasse-moi. Son expression abasourdie vaut tout, mais tu te forces à garder un visage sérieux. Tu veux savoir... comment c’est, comment ça fait. Mais il persiste à refuser. Alors tu te lèves, arguant qu’il ne te reste plus qu’à demander à quelqu’un d’autre. Ji Hoo sunbae acceptera sûrement. Il te retient. Bien entendu. C’est sûrement le baiser le plus embarrassant de l’univers. Après cela, tu l’évites pendant deux semaines ; et même lorsque vous décidez d’oublier, tes yeux n’osent plus croiser les siens. Il faut toujours que tu maintiennes une distance de sécurité. Sinon, il y a… ces papillons qui virevoltent dans tout ton ventre.

Na Eun reste immobile et silencieuse, le regard fixé sur ses mains qui serrent ses paumes contusionnées. Les siennes ont l’air ridiculement petites dans celles, larges et fortes, de Hyun Woo. Elle ne se souvenait pas qu’il avait de si longs doigts, que lui-même était si grands. On ne remarque jamais avec assez de précision les changements qui s’opèrent chez ceux qui vous sont le plus proches. Ils sont si souvent là que vous finissez par considérer leur présence comme acquis. C’est à peine si vous faites attention. Puis un jour, ils disparaissent. Puis un jour, ils vous quittent. Et il ne reste plus que ce grand vide, béant et impossible à combler. Alors que ses pensées vagabondent vers ces horizons, la jeune fille sent son ami raffermir son emprise. Elle gigote inconfortablement ; sourdement, lentement, le sang lui bat aux tempes. Ce contact la laisse douloureusement consciente de leur proximité ; l’impression est des plus désagréables.

« Tu me fais mal. »

Elle aimerait pouvoir ne parler que des écorchures qui parsèment ses doigts et que Hyun Woo presse insensiblement. Mais il ne s’agit là que d’irritation et de picotements ; cela fait mal, mais pas autant que les semaines qui viennent de s’écouler. D’une manière ou d’une autre, ce grand imbécile lui est devenu indispensable. Quand Na Eun y pense, elle se sent pathétique ; elle en est rendue au point où elle a besoin de lui. De le voir, de l’entendre. Pendant que lui passait des journées cloîtré dans sa chambre, elle était seule. Terriblement seule. A l’école, tous se refusent de s’asseoir à côté d’elle. Il n’y a personne pour prendre ses repas avec elle ; cela ne la dérange pas, cela ne l’a jamais dérangée. Mais le soir, elle arrive dans cette chambre de bonne où elle loge depuis que Papa Yoo l’a virée de la demeure familiale. Elle regarde le papier peint décrépi et jauni, puis son portable qui s’obstine à ne pas sonner. Et la sensation de vide revient, l’entoure et ronge tout.

« Tu vas encore me faire mal. Mais c’est pas grave. »

Ces paroles lui sont venues dans un murmure absent, imperceptible presque. Dans un geste vif, elle retire ses mains et assène à Hyun Woo un léger coup au sommet du crâne. Elle a repris son visage renfrogné de petite fille boudeuse, mais le trouble voile encore ses iris noisette. Alors pour reprendre contenance, elle ferme le poing et vise cette fois l’épaule du jeune homme avant de se relaisser tomber en arrière avec un soupir.

« Parle pas comme ça. On se croirait dans un film à l’eau de rose. Il ne manque plus qu’une musique dramatique, et on aura l’air fins. »

Distraitement, elle se recroqueville dans son fauteuil et pose à nouveau sa tête contre ses genoux, fuyant son regard à lui. Elle voudrait ajouter quelque chose pour dissiper le silence gênant qui s’installe, mais rien ne lui vient à l’esprit. Lui demander comment il va serait dérisoire. Elle n’a pas pu l’aider, elle ne pourra pas l’aider – et les ouvrages de psychanalyse qu’elle a empruntés à la bibliothèque pour comprendre son état d’esprit après l’accident ne l’ont pas avancée. Un soupir, et le cours de ses pensées dévie encore. Elle repense à cette fille que Hyun Woo n’évoque qu’avec peine. Sans la connaître, elle la déteste ; si jamais, elle la retrouve, elle fera de sa vie en enfer. Ca lui apprendra à mettre son meilleur ami dans cet état. Puis… Na Eun relève la tête, les sourcils froncés, secouant la tête pour chasse ce qui couve en elle, ce qui ressemble un peu trop à de la jalousie.

« Tu devrais me présenter d’autres gens. Comme ça quand tu m’abandonneras… parce que tu vas m’abandonner, toi la future vedette des Shooting Stars… j’aurais quelqu’un. Bon. Non, toutes les filles que tu connais ont des QI d’huîtres, et tes amis sont juste insupportables. Tu te souviens de celui qui à cette soirée, il y a deux ans, a voulu m’embrasser. Uh. Il était saoul comme un pot. Mais je suppose que ça m’éviterait de me retrouver toute seule. Uh. »

« Je te fais mal... nee.. »

Savait-elle seulement qu'elle aussi elle blessait son coeur meurtri par la tension et la peur ? Savait-elle seulement à quel point il s'en voulait de ne pas avoir été là, lui – seulement lui – auprès d'elle pendant toutes ses longues semaines qui étaient passés à une lenteur affolante ? Sans doute ne se rendait-elle pas compte de l'attraction qu'elle exerçait sur Hyun Woo – ses ses actions les plus idiotes et sur ses pensées les plus profondes – sur ses sentiments, simplement. Tandis qu'elle se dégageait de son étreinte si froide, si glaciale, il ne broncha pas. Il connaissait sans doute particulièrement bien Na Eun pour savoir qu'il ne fallait sans doute pas insister, quitte à vouloir se faire écrabouiller l'épaule d'un coup de poing relativement fort. En effet, Na Eun avait de la poigne. En effet, Na Eun était parfois très hard dans ses gestes de révolte. Na Eun était – est une révolté. Un soupir écrasa le silence qui s'installait après la tirade de la jeune femme. Pourquoi l'abandonnerait-il ? Oubliait-elle seulement que grâce à elle, son coeur ne semblait que trop virevolter entre la lumière et la sombre noirceur qui l'avait envouter jusque là, jusqu'à ce qu'il ose sortir et la retrouver ? Elle ne pouvait pas l'oublier puisque elle ne le savait pas. Na Eun ne savait pas à quel point Hyun Woo avait pensé à elle pendant ses dernières semaines – il avait même osé demander à Hyun Ki si elle était souriante à l'école quand elle se déplaçait dans les couloirs – il s'était même presque demandé si il ne devait pas aller ramper devant la demeure de son père. Alors qu'elle se recroquevillait une seconde fois dans son fauteuil, il restait debout face à elle, une moue légère qui définissait parfaitement son état d'esprit face au comportement inapproprié de sa meilleure amie pour ses retrouvailles pas si parfaites qu'il l'aurait cru.

« Je risque sans doute de te faire mal longtemps... »

Il savait au fond que ce n'était pas l'unique fois qu'il la blessait ou lui faisait du mal – il n'était qu'un piètre idiot qui ne voyait pas qu'au fond ses sentiments se mélangeaient dans sa tête sans qu'il ne se rendre compte lui même de la provenance de ses sentiments inconfortables dans son tout son être. Mais il fallut sans doute qu'il réussisse d'abord à s'avouer que Yoo Na Eun n'était que trop importante dans sa vie pour avancer du mieux qu'il pu dans le futur qu'il n'osait tracé de ses propres réflexions, ambitions et désirs.

Tu n'aurais pas du choisir. Tu n'aurais même pas du dire oui à ce garçon que tu ne considères que trop peu comme un ami mais plus comme un moins que rien qui n'a d'autres choses à faire que de lancer des paris qui ne devrait en aucun cas te concerner. Mais tu es un idiot, un piètre et stupide idiot. Tu es presque prêt à briser une amitié pour un pari idiot. Pour te montrer comme un garçon qui n'a pas froid aux yeux. Qu'es-ce qu'un garçon n'ayant pas froid aux yeux, qui est prêt à tout, même à embrasser sa propre meilleure amie qui n'aime pas – non point du tout, les contacts physiques de se genre ? C'est sans doute toi. Toi et ta stupide envie de faire tes preuves. Ton idiotie te perdra, tu le sais, mais tu l'as fait. Alors que tu te trouvais en sa compagnie dans la cafétéria du lycée, tu t'es avancé vers elle d'un pas vif et trop sur de toi. Vraiment tu es le pire garçon qu'elle ai pu connaitre- comment fait-elle pour rester à tes côtés après ça ? Tu l'as retenue par le poignet devant le lycée tout entier, bien que par inadvertance il y eu peu d'élèves dans le coin ce jour-là – chance ou malchance ? Et puis ta main a glissé sur sa hanche pour l'attirer tout contre toi, tandis que tes lèvres se glissaient doucement sur les siennes sans qu'elle ne puisse réagir au quart de tour comme elle avait l'habitude de le faire. Tu sais très bien que tu vas te prendre une gifle après ça, mais la force de tes lèvres sur les siennes redoublent d'insistantes et de passion. Qu'es-ce que ce sentiment qui te fait ainsi prolonger un tel baiser non prévu – non voulu ? Qu'es-ce que ce pétillement dans tes yeux quand ils croisent ainsi les siens, furieux ? Tes lèvres sont celées aux siennes, tout comme ce secret qui grandit en toi à petite touche – à petit feu. Tout ce que tu sais – c'est sans doute que Na Eun te frappera jusqu'à la mort pour avoir agir de tel sorte, mais au fond de toi, quelque chose à changer, irrévocablement.

Des souvenirs se sont juste des évènements du passé, mais Hyun Woo n'a jamais été du genre à oublier le passé – à se voiler la face, face à de tels situations rocambolesques comme ces deux baisers qui n'auraient avoir eu lieu. Il grimace doucement en la fixant doucement. Elle ne le regarde pas – elle ne le regarde plus. Il le sait, depuis longtemps, mais il ne sait comment parler à coeur ouvert avec Na Eun – ainsi est leur relation depuis des années et il ne s'en est pas pleins... jusque là, sans doute, jusqu'à ce qu'elle soit si importante à ses yeux.

« Tu pourrais m'expliquer pourquoi tu joues les victimes aujourd'hui, Eunnie ? Je ne t'ai pas abandonné.. et je ne t'abandonnerais surement pas avant des années, alors pourquoi tentes-tu de déployer ta solitude au point de vouloir déjà me virer de ta vie et de me remplacer par un « ami » auquel je pourrais te présenter... ? Ne sois dont pas stupide, tu sais très bien que.. »

« que tu es tout pour moi... » Mais il ne finit pas sa phrase, évidemment. Elle ne savait pas. Et lui l'avait ignorer jusque là. Elle était juste sa meilleure amie – point final, retour à la ligne. Mais pas aujourd'hui, pas à ses yeux. Quelque chose avait irrémédiablement changer dans le comportement de Hyun Woo, tout comme dans celui de Na eun. Mais il n'aurait su dire ce dont il s'agissait. Il aimerait tellement savoir.

« Que... que s'est-il passé... ? Je veux dire... pendant ses dernières semaines... Tout se passe dans le meilleur des mondes et les oiseaux chantent n'es-ce pas ? Je connais tes répliques idiotes par coeur, Na Eun, alors ne me la joue pas à l'envers, d'accord ? *silence- Que se passe t-il vraiment...? »

Et dans son « vraiment » il voulait savoir pourquoi elle se comportait ainsi avec lui – pourquoi tant de distance qu'elle ne voulait que trop accentuer avec les secondes qui s'écoulaient. Il risquait gros en s'asseyant à nouveau sur le siège de gauche et à glisser sa main lentement vers elle. Il risquait gros, une gifle sans doute ou peut-être un nouveau coup de poing qui ne lui ferait que trop peu mal, quand ses doigts frôlaient la douce et frêle joue de Na Eun. Hyun Woo était un grand sentimental réservé – mais sans doute ses gestes envers Na Eun, qu'il ne considérait pas comme étranges, n'étaient pas si anodins que cela – tous semblaient se succéder à une vitesse indéniable et la chute vertigineuse allait sans doute l'assaillir de toute cette sensation étrange qui le parcourait depuis qu'il se trouvait là, à ses côtés.

« Tu vas sans doute me dire que tu me détestes et que tu ne veux plus me voir mais... Yoo Na Eun, toi et ton sale caractère, vous m'avez étrangement manqué. »

Vulnérable – voilà ce que tu deviens quand il te parle, quand il t’approche. Tu montres tes dents et ta forte tête au reste du monde ; mais lui t’a déjà vue à ton point le plus bas. Tu ne l’en as même pas empêché ; il te semblait si facile de poser ton front sur l’une de ses larges épaules, de t’effondrer au creux de ses bras protecteurs. Au funérailles, plusieurs heures s’étaient écoulées, et pas une larme ne t’était venue. Mais il est arrivé, inquiet, te cherchant du regard. Et les sanglots t’ont emportée. Auprès de lui, c’est comme si il était permis de s’avouer fragile, de reconnaître ses faiblesses ; c’est comme si tu pouvais compter sur quelqu’un d’autre que toi-même. La perspective est aussi rassurante qu’effrayante – car espérer, c’est risquer d’être déçue.

Il s’obstine à garder sa main dans la sienne, à la reprendre lorsqu’elle la retire. Alors ses yeux se ferment, cherchant à ignorer la gêne qui s’amplifie de minute en minute. En silence, la jeune fille entame même le compte régulier de ses inspirations et expirations. Quand il lui effleure la joue, elle ne peut réprimer un sursaut. Pourquoi se montre-t-il si tendre, si tactile aujourd’hui ? Veut-il compenser ces semaines d’absence par excès d’affection ? Elle l’ignore, elle ne perçoit que son embarras grandissant. Son visage demeure impassible, mais une légère roseur colore désormais ses pommettes. Immobile, raide, Na Eun se force enfin à répondre :

« Je t’ai manqué. Je sais. C’est la troisième fois que tu le dis. »

Son ton passe pour inexpressif ; mais au fond d’elle, diverses émotions contradictoires s’affrontent. Sa rancœur et le souvenir des jours qu’elle vient de vivre subsistent en son sein, à l’état latent. Elle lui en veut, elle doit lui en vouloir – ne pas persister, ce serait faire de lui une exception. Petite Na Eun a pour règle de ne jamais rien pardonner à quiconque. Pourquoi se montrer plus indulgente à son égard ? Parce qu’il vaut mieux que les autres, parce qu’il est spécial ? Sans doute, peut-être. Elle aimerait le croire, elle aimerait pouvoir lui faire confiance. Cela allégerait les inquiétudes qui pèsent sur son cœur et l’enserrent cruellement. Ainsi, le soir, seule dans sa chambre, froide et sans chauffage, il lui serait donné de se rassurer, en se disant qu’au moins, quelqu’un l’attend quelque part. Elle ne souffrirait pas tant lorsqu’ils sont ensemble, elle ne craindrait pas continuellement de le voir s’éloigner.

« Que veux-tu qu’il se soit passé ? Mes journées se résument à me lever le matin, à me traîner jusque là pour travailler mon violon, à rentrer lire des manuels de trigonométrie. C’est toi qui agis différemment – tu disparais, tu réapparais. C’est pas grave. C’est ce que tout le monde fait. Ne m’en veux juste pas si je rechigne à t’attendre perpétuellement. »

En se livrant, elle a rouvert les yeux, et son regard s’est à nouveau posé sur leurs mains jointes sur sa hanche. Hyun Woo enveloppe sa petite paume écorchée, la protège presque. Ses doigts se sont initialement figés sous cette étreinte, mais peu à peu, voilà qu’ils se sont détendus, relâchés – ils ont renoncé à lutter. C’est là une de ses plus grandes peurs qui se matérialise : à trop se reposer sur son meilleur ami, on ne se méfie plus, on ne pense plus à se défendre contre le reste du monde. On devient dépendante, incapable de se débrouiller sans personne. Dans un dernier sursaut, Na Eun veut soudain retirer sa main ; mais la pression que Hyun Woo exerce sur celle-ci est bien trop forte. Un soupir exaspéré lui échappe.

« Woonie. Là dehors, il y a des fille qui font la queue pour que tu les touches. Alors si tu veux jouer, va donc en trouver une. Cela ne sera pas difficile. Mais n’agis pas avec moi comme si j’étais l’une d’entre elles. »

Mais cracher son fiel ne lui suffit pas. Ne pouvant se dégager de son emprise, Na Eun décide se montrer plus offensive, plus provocante. Un geste soudain soulève son cœur, et quelques secondes, elle a quitté le fauteuil où elle était lovée et se trouve désormais sur les genoux du jeune hommes, ses mains autour de sa nuque, leurs visages si proches que leurs souffles se mêlent. Ce n’est plus seulement de la gêne qu’elle éprouve, mais de la honte. Elle déteste cela, elle a toujours détesté cela. Mais sa fierté lui fait relever son regard fuyant et y allume une lueur de défi.

« Là, ça te va ? C’est assez de contact pour la journée ? »

Et le pire, c’est que pour se maintenir en équilibre, elle est désormais obligée de s’appuyer largement sur son torse. Cette fois, son visage s’empourpre ; par chance, ses longues boucles ébène la dissimulent assez. Elle veut néanmoins reprendre contenance ; elle se redresse et poursuit la conversation comme si de rien n’était.

« Puisque je t’ai manqué…. T’es libre dans deux jours ? »

Un léger sourire imperceptible sur le visage grimaçant de Hyun Woo, sa respiration qui se voulait évidemment saccadé suite à ce trop pleins d'émotions provoquant d'incontinuels battements de coeurs trop fort, trop incontrôlables, brisant la paroi de sa poitrine. Il n'est surement que trop rare chez le jeune homme, qu'il puisse ressentir autant d'émotions dans un simple geste comme celui que Na Eun avait entrepris de faire. Comptait-elle sur un recul inévitable de sa part quand elle réduisait considérablement la distance entre son corps et le sien, entre leurs souffles, entre leurs lèvres ? Il échappait un soupir à peine audible – quoi qu'il s'agissait de Na Eun à ses côtés et mine de rien, cette perle rare qu'était la jeune femme aurait aussi bien entendu le son de la voix de Hyun Woo à des kilomètres qu'un demi souffle coupé par un enchainement d'inspiration trop exiguë. Son regard posé sur le visage trop près de la jeune femme, il ne pouvait décemment pas rester dans une telle situation – mais l'occasion, elle, se prolongeait au fils des secondes qui passaient.

« Tu es vraiment impossible, Na Eun. Vraiment. Tu ne... »

Sa phrase inachevé restait en suspens tandis que son regard croisait les prunelles noisettes de la jeune femme – prunelles dans lesquels, il fallut presque croire qu'il s'y plongeait littéralement pendant ses quelques secondes ci. On aurait pu croire en effet que le jeune homme n'était plus lui même quand soudainement il resserrait sa prise sur les hanches de sa meilleure amie et glissait doucement sa main le long de son dos. Sans doute le visage de Hyun Woo semblait à une trop faible proximité de celui de Na Eun, mais on pouvait aussi bien remarquer qu'au fil du temps qui passait entre eux, le visage de Hyun Woo se rapprochait dangereusement de celui de Na Eun avant de glisser le long de sa joue pour lui glisser quelques mots à l'oreille.

« Qui te dis que je n'agis tout simplement pas normalement avec toi, Na Eun... »

Jamais encore Hyun Woo n'avait agis de la sorte avec Na Eun, du moins, pas aussi intensivement, pas depuis s'être ridiculisé en public lors d'une de leurs années de lycée où il fallut reconnaître qu'il avait pris goût à se baiser qui n'était qu'un simple pari sans vraiment d'importance extrême. Mais ce baiser n'avait-il finalement pas une importance dans le coeur de Hyun Woo, aujourd'hui ? Qui disais à Na Eun qu'au fond tout ce que disait Hyun Woo n'était pas qu'une idiotie juste pour attirer un peu plus Na Eun dans ses filets ? Sans doute, la jeune femme ne savait pas que depuis son accident, Hyun Woo ne comptait plus qu'à vivre que pour elle – du moins, il en avait la certitude depuis quelques semaines où il s'était fait un sang d'encre pour elle. Un léger sourire se dessinant sur les lèvres fines de Hyun Woo, il fallait reconnaître que dans ses prunelles noirs glaciales, on pourrait retrouver cette pointe de chaleur charmeuse qu'il avait tendance à user en présence des seules femmes qui l'intéressaient vraiment beaucoup – beaucoup trop. Il n'usait cependant de ce charme que trop rarement sur Na Eun, après tout, elle n'était que sa meilleure amie – jusque là.

« Je pourrais t'embrasser, là tout de suite, et tu me frapperais. Je pourrais aussi te redire une quatrième fois que tu m'as manqué et tu m'enverrais ainsi paitre. Je pourrais... »

Il soupirait doucement. La main dans le dos de la jeune femme glissant à nouveau sur l'une de ses hanches avant de retomber comme un bras de marionnette dont le fil aurait été coupé, le long de son bras. Il inspirait profondément des bouffées d'air lui rappelant ainsi qu'il vivait bien – qu'il était là, et qu'elle se trouvait réellement sur ses genoux à cette trop faible proximité si alléchante. Si il avait été encore possible que Hyun Woo soit ce dragueur invétérée de ses dames cherchant à tout prix à avir ce qu'il désire, manipulant tout ce qui bouge autour de lui – sans doute n'aurait-il pas hésiter à toucher une troisième fois les lèvres de sa meilleure amie et y cueillir le péché de leur amitié impossible. Impossible oui, car à présent, il lui était réellement impossible de voir Na Eun comme femme autre que celle qui lui « appartient ». Dans son coeur, Na Eun est devenue quelqu'un d'extrêmement importante. Plus encore avec ses semaines séparés d'elle. Une révélation. Une simple et unique révélation qui change l'unicité d'une pensée. Na Eun. Son visage presque enfoui dans le cou de la jeune femme, il inspire profondément l'odeur parfaite de son parfum mielleux qu'il semble avoir presque oublié depuis tout ce temps.

« Je pourrais aussi bien te répondre que dans deux jours, je serais près de toi et que je ne quitte plus. Oui. C'est d'une stupidité extrême, sans doute, tu as raison, chère Eunnie. Mais... je n'aimerais sans doute pas que la distance que tu as ainsi rompu, soit à nouveau rétablie.. vois-tu... »

Il n'avait que trop envie de gouter une nouvelle fois à ses lèvres quand il lui adressait la parole, son souffle réchauffant ses joues. Il n'avait que trop envie de gouter une nouvelle fois à ses lèvres quand ses yeux croisaient les siens et qu'il s'y plongeait inlassablement comme un adolescent amoureux.

Quand il s’aperçoit de son succès auprès de la gente féminine, vous n’avez pas encore dix ans. Votre classe accueille une nouvelle élève, et tous les garçons cherchent à attirer son attention ; mais son joli sourire, elle ne l’adresse qu’à Woonie. Qu’à ton Woonie. Et lui, comme l’abruti fini qu’il est, se rengorge, plein de fierté. Ce jour-là, il ne te raccompagne pas jusqu’à chez toi – il est trop occupé à conter fleurette. Ce jour-là, tu le frapperais volontiers. D’ailleurs, tu le frappes dès le lendemain matin. Il s’excuse, tu lui pardonnes – tout devrait oublié. Alors pourquoi ? Pourquoi ton cœur se serre-t-il encore ?

Ses mains dans son dos, son souffle sur sa peau. Prise à son propre piège. Elle se débat faiblement, mais une sorte de tétanie emprisonne ses membres, entrave ses gestes. Ses bras se crispent autour du cou de Hyun Woo, ses jambes se dérobent sous elle et ne la portent plus. La demoiselle ne se maintient droite que parce qu’elle trouve encore appui sur les épaules de son ami. Il murmure quelques mots à son oreille, sa joue frôle la sienne, et sa respiration se fait difficile, et chaque bouffée d’air qu’elle inhale est chargée du parfum de son ami. Un mélange de tilleul et d’après-rasage. Une odeur masculine qui lui rappelle qu’ils ont grandi, changé. Intoxiquée, elle ferme les yeux pour ne pas avoir à rencontrer ses iris noirs.

« T’es pas drôle. »

La faiblesse du filet de voix qui lui échappe la révolte encore davantage. Il la rend si fragile, si vulnérable. Et le pire, c’est qu’il sait. Il lui faut nécessairement connaître toutes ses failles, toutes ses cordes sensibles pour la mettre dans un tel état, pour se jouer ainsi d’elle. A la manière du marionnettiste qui sait perpétuellement sur quelle ficelle tirer, il a toujours le mot pour la faire réagir. Chaque geste qu’il esquisse la provoque, la met au défi. Ses paupières se lèvent soudain, et Na Eun se retrouve nez à nez, les yeux dans les yeux avec lui. Leurs lèvres se frôlent presque, comme une invitation à commettre l’interdit – à commettre ce qu’elle s’est interdit. Une seconde s’écoule, elle hésite. Une deuxième passe, elle l’embrasse. Sa bouche heurte la sienne avec brusquerie, avec violence. C’est la colère qui l’anime ; Na Eun enrage. Elle enrage de voir ses sens si bouleversés, elle enrage de perdre le contrôle. Ses mains glissent sur les épaules du jeune, rapproche son buste du sien ; ses ongles s’enfoncent dans sa peau.

« Voilà. Ca te suffit ? Tu t’es assez prouvé à toi-même ce que tu cherchais ? Qu’est-ce que c’est cette fois ? Un autre pari ? Ou alors, c’est qu’après avoir passé tant de temps à l’écart du monde, tu doutais de faire encore de l’effet ? Ah oui. Et tu voulais t’entraîner avant d’aller trouver de vraies filles. »

La baiser prend fin aussi brutalement qu’il a commencé. Le contact a sans doute surpris, Hyun Woo qui a relâché son étreinte, permettant à la jeune fille de s’en dégager. En quelques pas, elle a regagné l’estrade. Dans une série de mouvements désordonnés, elle empoigne son violon, le replace dans son étui et rassemble le reste de ses affaires.

« Maintenant que tu es rassuré, tu peux aller t’amuser. J’ai d’autres choses à faire. Je vais rentrer. »

Son cœur bat à tout rompre, et elle éprouve des difficultés à calmer sa respiration haletante. Sur ses lèvres subsiste le goût de celle de Hyun Woo ; mais ce baiser doit être oublié. Il ne signifiait rien. Entre eux, cela n’a jamais eu la moindre incidence. Ils ont toujours fait comme si de rien n’était. Même si à chaque fois, elle en souffre. Même si à chaque fois, elle voudrait s’enfuir. Même si à chaque fois, elle s’en montre incapable.

« Mais si dans deux jours, tes poupées gonflables te laissent un peu de temps… viens à la maison. J’aurai… besoin de toi. »

Elle paraissait si frêle et si douce que tu t'en voulait presque de la blesser à plusieurs reprises consécutives. Fallait-il que tu t'en veuille ? Fallait-il que tu ne vives que pour elle ? Sans doute. Sans doute pas. Un soupir déchire l'atmosphère. Ton soupir. Vous marchez silencieusement jusqu'à sa demeure à elle, tu la regardes d'un air incrédule, elle boude. Elle ne fait que ça – dès que tu l'oublies – dès que tu t'approches d'une autre. Un léger sourire se dessine sur ton sourire et tu oses venir lui déposer un baiser sur sa joue rose par le froid glacial de ce jour d'hiver. Vous êtes emmitouflés dans des manteaux bien chaud, mais pendant un instant tu aperçois ta meilleure amie qui tremble, un léger frisson qui l'eu parcouru et qui eu le temps d'alerter ton oeil qui voit tout. Tu oses sans doute le pire. Tu oses et tu crains les représailles. Toute façon, tu n'as que trop l'habitude avec Na Eun. Tes bras entourent les épaules de la jeune femme dans un geste tendre et affectif. Tes bras entourent ses épaules dans le seul but de la réchauffer. Un léger sourire se dessinant sur tes lèvres. Ton regard ne quitte pas le sien, cherchant une réaction, sans doute. Quel type de réaction auront nous aujourd'hui ? Représailles contre représailles. Il ne s'agira sans doute que d'une claque ou un coup de poing dans le bras, aussi bien méritez que les coups de pieds ou les coups, tout court.

« Tu n'es qu'une idiote. »

Sans doute était-ce vrai... Na Eun était une idiote et Hyun Woo jouait avec son coeur comme un ballon qu'on peut dégonfler en le crevant avec une épingle bien aiguisé. C'était presque la même chose avec le coeur de Na Eun, même si l'intention n'était pas celle-ci – au contraire. Un soupir et il se réduisait à s'enfoncer dans son fauteuil en la regardant ranger son violon. Bien entendu, il n'oubliait pas ce baiser qu'elle lui avait donné avec véracité. Bien entendu, il ne pouvait pas l'oublier, ce baiser, pour lequel il nourrissait une envie inconditionnelle de recommencer – de se jeter sur Na Eun et lui prouver qu'elle n'était juste pas comme les autres à ses yeux. Sans doute cela aurait paru être violent et inconditionnellement fou, mais ne le devenait-il déjà pas au moment où il décidait de briser le lien qui les liait ? Hyun Woo et Na Eun n'étaient plus seulement des meilleurs amis à ce moment précis – trois baisers, des rapprochements trop ambiguë. Sans doute n'étaient-ils plus autant meilleurs amis que cela – sans doute quelque chose d'autre les liait au plus profond de leur être.

« M'amuser, nee? Aish... Na Eun... »

Il se levait à son tour et s'avançait auprès d'elle. Un léger sourire se dessinait sur ses lèvres malgré l'ampleur des dégâts de ses retrouvailles gâchés. Il n'avait que trop apprécié ce baiser arraché à ses lèvres aussi rapidement. Il n'avait que trop ressenti les battements de son coeur quand la jeune femme plantait ses ongles dans sa peau sans se soucier du fait qu'elle puisse sans doute le blesser. De toute manière il s'en fichait, mais la surprise qui l'avait envahi rapidement n'était rien à côté de la fougue qui avait ampli le garçon rapidement avant qu'elle ne cesse de l'embrasser, avant qu'elle ne décélés ses lèvres des siennes à contre coeur. Debout face à elle, tandis qu'elle rassemble ses affaires à la hâte, il l'a regarde faire, son coeur ne cessant de battre trop fort dans sa poitrine, lui arrachant des légers spasmes de nervosité quelconque. Il la regarde. Il la fixe. Il voudrait tant la retenir, mais il ne peut sans doute rien faire contre les élans de fuite de sa meilleure amie. meilleure amie, cela ne sonnait plus de la même façon, cela ne sonnait plus correctement. C'était changé – c'était différent. Na Eun... Ce prénom avait changé de significations dans le coeur de Hyun Woo et tandis que ses doigts glissaient une dernière fois autour du poignet de la jeune femme pour l'arrêter dans son élan de fuite, il soupirait et déposait un léger baiser sur sa joue, près de ses lèvres – trop près du coin de ses lèvres en faite, puis qu'il semblait même qu'il eu toucher la commissure des lèvres de la jeune femme et qu'un frisson l'eut ensuite parcouru. Mais peu importe, il relâchait sa prise et reculait.

« Je viendrais... Dans deux jours... Si tu n'es pas en colère contre moi.. Si tu n'est plus.. »

Aucun sourire visible sur son visage. Il restait de marbre face à ses paroles. Il viendrait, sans aucun doute, mais cela lui déchirait à nouveau le coeur que de la voir partir aussi vite qu'il ne l'avait retrouver. Il l'a regardait une dernière fois tandis qu'en fuyant, elle courrait presque jusqu'à la sortie. Mais cependant, en glissant ses doigts sur le poignet de la jeune femme, il eu pu discerner la fougue de son coeur – de son pouls. Il eu pu discerner ce changement chez Na Eun – aussi. Il eu pu croire qu'au fond, tout n'était peut-être pas... perdu ?

i'm back,
and you strike me.
I'm back,
and you love me.
I stay here,
and you leave me.
But the beating of your heart... ♥