Melisende est coréenne. C'est avéré. A vrai dire, elle a été adoptée à l'âge de quelques mois par un couple coréen, alors qu'elle avait été abandonnée en France. Autant vous dire que la France, elle ne l'a jamais considérée comme sa patrie; arrivée à seulement quelques mois en Corée, elle y a vécut et y a grandi, et il est évident que pour elle, ses racines sont et seront toujours à Séoul, avec ses parents adoptifs.
Melisende n'a pas eu une enfance difficile. Élève modèle – toujours première de sa classe, il s'avéra qu'un travail minimum lui permettait d'accéder aux meilleures résultats – et enfant sage, même lors de son adolescence, elle était du genre à s'habiller avec ce qui lui passait sous la main et à avoir une tignasse qu'elle qualifiait souvent de 'crinière indomptable'. Possédant des parents strictes mais aimant qui souhaitaient le meilleur pour elle, exit les lisseurs, tenues extravagantes et autres gadgets qui, au fond, étaient inutiles. Complexée par son physique – pourtant agréable – elle n'attira guère les garçons jusqu'à l'université, trop gênée pour oser marcher droit et avoir une allure convenable. Déjà étrangement à part, bien qu'elle n'ai rien de particulier, elle ne gouta guère aux joies de la vie sociales des filles de son âge. On la considérait comme associable – elle considérait les autres comme injustes.
Puis, vint le théâtre. La libération d'un corps trop étouffé par les conventions. Comme si cet exercice avait libéré la grace en elle qui était autrefois contenue par une corde dont on ne pouvait se défaire autrement. Elle voulut en faire immédiatement sa vocation – elle qui était si indécise sur l'avenir et hésitait entre plusieurs métier aussi distants les uns que les autres. Actrice, professeur d'art dramatique: voilà ce qu'elle serait. Et tout devint immédiatement évident.
Son néant social: peu importait, puisque la scène la faisait vivre plus fort chaque jour. Son néant amoureux ? Idem. Elle obtint un diplôme de professeur sans difficulté, et entra aussitôt dit, aussitôt fait à Kirin. Pas beaucoup plus vieille que ses élèves, parfois moins talentueuse mais parfaitement pédagogue, elle sait apprendre, elle sait montrer. Son corps est son outil, de la manière la plus respectable qui soit.

A première vue, le mot qui vous viendra à l'esprit est: « bizarre ». Bizarre, parce qu'il est étrange que cette superbe jeune femme soit aussi renfermé et aussi peu charmante. Pourtant, tout dans sa démarche vous dira: 'je suis sexy, et je le sais'. Mais une fois que vous commencez à discuter avec elle, vous vous rendez compte qu'elle ne parle que d'une chose: boulot. Elle se cache derrière ça, elle se camoufle derrière son job et en réalité, même les personnes les plus proches d'elles vous diront qu'ils ne connaissent rien de sa personnalité, de ses hobbies, de sa famille.
Non pas qu'elle soit associable – elle sait être agréable en société et se faire des relations – mais elle sait qu'elle est différente. Vous allez me dire que tout le monde est différent – mais elle, elle 'lest fondamentalement. Elle aurait dû éveiller la curiosité étant jeune à cause de son visage occidental, et pourtant, elle fut à peine remarquée. Elle n'a jamais connu ces fêtes scolaires où des amies se réunissent pour faire la bringue – elle n'avait pas d'amis. Elle était ce genre de personne qui rigole de manière exubérante et est pourtant profondément posée et calme. L'humour était son atout, le mur qui protégeait ses contreforts.

Lunatique, il lui arrive de connaître des périodes de doutes intenses, et de blues chroniques. Elle change de style comme de chemise – suivant ses humeurs, vous la verrez habillée le plus strictement possible, ou décontractée dans un jogging ample qui permet de danser à son aise – à l'image de ses ressentiments. Elle passe ses journées de tristesse enfermée dans sa chambre – un livre devant les yeux, une musique larmoyante sur les oreilles. Elle écrit, sans cesse – et est pourtant incapable de composer les paroles d'une chanson. Férue de lecture, de poésie, elle est curieuse et a toujours rêvé de partager ses goûts littéraires avec quelqu'un, de découvrir de nouvelles choses – elle ne se lasse jamais.

Elle déteste l'échec. Et elle déteste qu'on le mette en évidence. La narguer en lui disant que vous avez eu meilleur qu'elle la fera enrager – silencieusement, car elle est du genre à se faire un discours mental et à être incapable de le réciter une fois sur place, bien qu'une fois énervée, elle puisse devenir une véritable furie. Et, pourtant tolérante, les gens qui ont un avis arrêté sur tout l'insupporte.

Melisende n'est pas timide – réservée serait plus exact, méfiante serait avéré. Cependant, elle est du genre à rougir lorsqu'un homme l'abordes (elle apprécie peu ces élans d'affections spontanés de la part de gens inconnus, et se sent totalement désemparée), et à bafouiller lorsqu'elle se trouve face à quelqu'un qui a plus de charisme qu'elle, tandis qu'elle peut être pleine de répondant face aux autres. Méfiante, elle ne l'est finalement pas vraiment, mais dans cette société ou tout le monde s'offre au premier venu, elle passe pour une extraterrestre. Si chacun connaît son aspect de professeur sérieuse, compétente, et joviale sur les bords, nul ne sait qu'au fond, elle peut-être fleur bleue, calme, renfermée, triste, et particulièrement déprimée des fois, cette déprime chronique qui la prend soudainement.

Non, Mélisende ne cache pas une blessure profonde. Non, Melisende n'est pas associable. Elle a juste une idée bien arrêté sur les liens d'amitié et elle estime normal que nul ne sache ce qu'elle est vraiment, car nul n'a manifesté jusque là un intérêt suffisant pour elle. Personne n'a vraiment cherché à la connaître en réalité. Et elle n'est pas réticente à l'amitié – loin de là.