Ces lumières éclatent dans le ciel en un bruit sourd, aux yeux de tous. Bleu, vert, rouge, or. Les gens admirent et applaudissent l'homme ayant organisé cette réception. Malgré cela, tous restent captiver par ces feux frôlant les étoiles, tous sauf une. Huit ans. Sept ans. Qui sait, personne n'y fait attention. Encore moins depuis qu'elle s'est réfugiée en courant dans sa chambre, se cachant sous ses couvertures. Les bruits puissants eux, continuent, explosant tour à tour. Elle pleure, cette sensation de savoir que quelque chose va arriver sans pouvoir pour autant dire quand. Cette peur que des morceaux enflammés tombent sur sa ''maison'', y mettant le feu, la terrifie d'autant plus. Son corps tremble légèrement, elle n'arrive pas à réfléchir, mis-à-part peut-être au fait qu'elle le lui avait demandé, de ne pas faire de feux. Elle n'aime pas ça, elle en a peur.
Ses yeux sont fermés, crispés et elle compte. Elle commence à compter, alors quand elle les rouvrirait, tout sera terminé. Sa mère, de son vivant, lui disait toujours de fermer les yeux et compter jusqu'à dix après un cauchemar. Alors, tout monstres disparaîtraient et elle n'aurait plus peur.

quatre.
cinq.
six.
sept.
huit.
neuf.
dix.

Elle ouvre les yeux, assise face à sa glace. Vêtue d'une robe blanche à volants et ornée de perles couleur nacre, elle termine d'ajuster son collier. Ses cheveux blonds et bouclés, attachés en une queue de cheval sur le côté gauche de sa tête, contrastent avec sa frange impeccablement lisse. Il n'y a pas à dire, l'enfant turbulent qu'elle était il y a dix ans est aujourd'hui devenue une jeune femme magnifique.

«-Mademoiselle Jo, les premiers invités vont arriver. Votre père vous demande.
-J'arrive.»

Elle se lève, la nouvelle gouvernante quittant sa chambre. A-t-elle parlé froidement ? Peut-être bien. Elle ne veut pas que cette énième femme vienne prendre de la place dans sa vie, étant donné qu'elle repartira bientôt. Alors, autant être mauvais, au moins il n'y aura pas de mal.

Se levant, elle se regarde rapidement et tournoie sur elle-même. Parfaite. Il ne pourra pas dire qu'elle n'est pas présentable et lui fait honte, comme cela. Elle commence donc à rejoindre cet homme devant les portes de cette demeure qu'elle osait qualifié de maison, enfant. Il se tient toujours avec cette même posture, dure, froide, réussissant une unique chose : mettre mal à l'aise. Le son de ses pas légers résonnent, faisant crier les graviers au sol et elle se pose à ses côtés, les mains accrochées l'une à l'autre dans son dos.
« - Le directeur de la Kirin Art High School sera présent ce soir lui aussi. Profites-en pour faire bonne impression, tu intègres son école dans moins d'un mois.
- Quoi ?
- Tu serais incapable de tenir une société comme la mienne. Ton cousin s'occupera de ma succession. Toi, fais quelque chose que l'on peut facilement acheter au cas où tu n'aurais pas les capacités nécessaires. Puis, cela montrera une certaine ouverture d'esprit à la société et ouvrira certains marchés, que d'avoir une fille travaillant dans ce milieu.
- Tu choisis comme ça de mon avenir, de mes études ? Si je ne veux pas de cette école, qu'est-ce que tu fais ?
- Tu danses depuis que tu es enfant. Tu aimes ça, non? Ne fais pas comme si je t'utilisais contre ta volonté.
- Oui, j'aime ça. Mais c'est personnel ! Je n'ai jamais dansé devant qui que ce soit ! Et je refuse de devoir le faire. De plus, tu le dis toi-même, je n'ai pas de talent.
- C'est vrai, mais pour faire deux-trois pas et chanter en play-back, tu devrais quand même en être capable, non? Tout est déjà décidé de toute façon, trouve une option rapidement.
- Tu ne fais ça que pour ton propre intérêt, ne fais pas comme si tu le faisais pour moi.
- Je n'ai jamais affirmé le contraire. Maintenant, tiens-toi droite et ne me fais pas honte. Ils arrivent. Par-dessus tout, ne parles pas. Il est hors de question que je perde certaines possibilités de contrat à cause de ta petite personne immature.»


Les gens se tenaient tous debout, champagne en mains, parlant de tout avec tout le monde. Un nombre incalculable de gens se côtoyaient ici, mais tout était si faux. Elle se sentait si mal. Aisément, elle percevait leurs pensées, argent, argent, argent. Elle n'en pouvait plus, de ces banquets chaque semaine, mais elle fit comme à son habitude. Manger avec minutie les amuses bouches servis par de nombreux serveurs, boire de façon délicate et sourire de façon calme et posée. À croire qu'elle avait été entraînée à ça toute sa vie. Elle avait été, entraînée à cela toute sa vie.

Le temps passait, la nuit elle, tombait. Bien tôt, tous étaient partis s'asseoir derrière ces tables où chaque millimètre de décorations étaient calculés. Ce monde était si calculé, si carré.

Elle profita de l'agitation pour se rendre dans sa chambre, personne ne remarquerait son départ, comme d'habitude. Elle enleva ses chaussures, sa robe et enfila un vulgaire short en coton ainsi qu'un vieux t-shirt bien trop grand et elle se mit à danser. Elle n'avait pas besoin de musique, juste de bouger. Elle devait se vider l'esprit au risque qu'il n'explose. La Kirin Art High School ? Elle n'en voulait pas. La danse était la seule chose qu'elle avait pu conserver, la seule chose qu'on ne lui avait jamais enlevé, pour l'unique raison qu'elle ne l'avait jamais dévoilé. À coup sûrs, on lui arracherait cela aussi, si elle en parlait.

Ainsi, pendant plusieurs minutes, elle dansa, dans sa chambre démesurément grande pour une fille de son gabarie. Elle pensa aussi au fait d'entrer dans cette école, de ce qu'elle pourrait y faire.
Réalisant qu'elle n'aurait pas le temps de se changer si elle faisait plus long, elle s'arrêta de danser, comme revigorée.
En moins d'une heure, elle se doucha à nouveau, se sécha et se prépara pour la seconde fois, rapidement. Elle n'aurait pas manger ayant raté le repas, qu'importe, elle n'avait pas faim.

S'asseyant à une table de personnes dont elle ne connaissait rien, elle fit comme si de rien était et mangea sa part de dessert. Elle était là depuis le début ? À croire qu'ils ne l'avaient pas remarqué. Tant pis. Ils retournèrent à leurs discussions fortes intéressantes.
La nuit bien plus qu'avancée, minuit et demi sonna. Un tire semblable à une fusée, un bruit profond.
À table, elle ferma les yeux et se mit à compter.
un.
deux.
trois.
quatre.
cinq.
six.
sept.
huit.
neuf.
dix.

Elle réprima tant bien que mal un sursaut. Les feux d'artifices commençaient.

Le fond de teint avait gommé les sillons de larmes ayant creusé ses joues, l'anti cernes avait dissimulé ces dernières suite aux nombreuses nuits durant lesquelles ses yeux ne s'étaient pas fermés. Le blush avait redonné vie à ce visage pâle sans couleurs, l'eye-liner ainsi que le mascara avaient agrandi ses yeux bouffis par ce qui s'en était écoulé des heures durant. Le rouge à lèvres avait coloré cette barrière donnant vue sur ses dents incroyablement parfaites.
Le maquillage avait maquillé sa douleur. L'attitude avait masqué sa fragilité. Les paroles avaient fait disparaître ses réelles pensées. Sa superficialité avait dissimulé chacune part de son être, et les gens ne les avaient jamais recherchés. Personne n'avait jamais voulu voir au travers, comprendre le pourquoi du comment ainsi que la personne qu'elle pouvait bien être au-delà de cette façade de perfection assumée. Mais n'était-ce pas le but, après tout ? Pour éloigner les gens de soi-même, rien ne vaut être l'insupportable incarné, n'est-ce pas ? Rien ne vaut faire semblant d'être réellement quelqu'un d'abjecte, n'est-ce pas ? À partir de là, les gens tombent dans le panneau immédiatement, tu deviens la personne à éviter et personne ne peut changer cela. Si personne ne t'aime, tu n'aimes personne. Si tu n'aimes personne, tu n'as personne à perdre.

Myung Hee. Fille rayonnante ? Les gens rient tous à l'entente de la signification du prénom de cette fille complètement mauvaise. Elle n'est qu'une infâme enfant ayant été trop gâter par ses parents. Elle passe son temps à rabaisser les gens qu'elle considère comme étant inférieur, soit principalement les ''Ants''. Après tout, elle est une Grasshopper, ils ne sont pas de la même classe sociale et ne mériteraient normalement pas qu'elle leur adresse la parole. Pourtant, elle le fait, ne devraient-ils pas en être déjà heureux ? Toujours plus, toujours plus... Ce sont peut-être eux, finalement, les enfants trop gâtés. C'est ce qu'elle doit penser.
Aussi, elle est trop parfaite. Trop grande, trop bien formée où il faut. Trop blonde, un visage trop dénué de défauts. Trop riche, trop belle. Elle l'a toujours su, et en a toujours joué, ou plutôt profité.
Les filles un peu trop enfantines et naïves rêvent de lui ressembler, la gente masculine eux, la veulent dans leurs lits. Y va-t-elle ? Bien sûr !

Les gens ne l'aiment pas, mais elle s'en fiche. Elle a de l'argent. De l'argent... pour elle, c'est tout ce qui importe. Elle a de l'argent sans faire d'efforts, depuis toujours et ne connaît rien de la vie. Elle ne sait rien de la difficulté du ''dehors''. Elle vit dans son petit monde doré et ne s'occupe pas du reste.
Impulsive, elle s'énerve pour rien et contre tout le monde. Un rien vous attire ses foudres. Elle ne supporte pas qu'on lui dise non également. Elle est fausse, une vraie poupée barbie. Elle aime tellement ça, l'apparence. Les gens peuvent bien l'insulter, elle s'en fiche, ça ne lui fait pas mal. Elle n'a jamais mal et n'est jamais triste, après tout, du moment qu'elle à de l'argent et des lits dans lesquels finirent le soir. Voici ce qui se dit.
Voici ce que les gens pensent d'elle.

Complètement fausse, du début à la fin. La seule caractéristique qu'elle approuve dans les bouches. La seule et unique chose sur laquelle elle est d'accord. Elle l'admet, elle est fausse. De chacun de ses mouvements à chacune de ses paroles.
De sa façon de s'habiller à celle de manger. Elle n'est pas elle et joue un rôle en permanence. Finalement, peut-être qu'elle aurait dû choisir option théâtre, elle y aurait eu sa place à merveille. Pourtant, pourtant elle a pris danse. Pourquoi ? Elle sait chanter, elle chante juste. Elle sait rapper et le fait sans mal. Pourtant, elle a choisi la danse.
Elle y a réfléchi longuement. Elle ne savait pas si elle pouvait se le permettre, mais elle l'a fait. Elle a pris option danse et pour la première fois de sa vie, elle montrera aux gens un morceau de son âme, pour la simple et bonne raison qu'il s'agit de la seule et unique chose sur laquelle elle ne ment pas. On ne peut pas mentir, lorsque l'on ouvre les portes de la personne que l'on est. Les gens y entre, automatiquement. Inconsciente ou complètement lucide, elle a décidé que durant quelques heures chaque semaine, elle prendrait une pause concernant sa propre personne. Elle a décidé qu'elle se lèverait devant tout le monde et serait simplement la jeune fille un peu timide qu'elle est, la fille un peu trop sensible, l'idiote trop fragile, celle qui rit pour peu et sourit pour rien, celle qui n'aime pas voir les gens malheureux, celle qui a peur des chiens et se retrouve tétanisée lors d'un feu d'artifice, celle qui déteste dormir toute seule et la lumière éteinte, celle qui n'a jamais eu de relations amicales ou amoureuses, celle qui ne tient pas plus d'une heure assise sur une chaise, celle qui chante sous la douche en riant, celle qui a eu une enfance bien trop cruelle ; oui, juste laisser la signification de son prénom prendre tout son sens, être la fille rayonnante qu'elle est et puis danser. Bouger son corps au rythme du son, au rythme de ses pulsions et non de son esprit. Se mouvoir et transmettre une quelconque émotion aux yeux de ceux qui pourraient poser leurs yeux sur elle.

Elle a pris un risque, le risque d'être percée à jour, celui d'être cernée en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. Il est si simple de savoir qui elle est, il vous suffirait de la regarder danser. Elle vous présenterait alors son âme, son corps, sa personne tout entière.
Elle peut être qui vous voulez, elle peut mentir comme vous le souhaitez, mais pas lorsqu'elle danse. Il n'existe pas un seul autre instant durant lequel elle puisse être le plus elle-même qu'à ce moment-là. Et aujourd'hui plus que jamais, elle prend le risque de dévoiler la dernière chose qu'on pourrait lui arracher pour la briser définitivement.