Elle était en colère, très en colère. Elle en avait le droit, n'est-ce pas ? Elle en avait le droit, de haïr cet homme assis à ses côtés dans cette limousine hors de prix, n'est-ce pas ?
Un mariage arrangé... Comment pouvait-on réellement faire cela à sa propre enfant ? Décider de son travail futur, soit. Décider de ce qu'elle pouvait dire à ses côtés ou ne pas dire, soit. Contrôler toutes ses dépenses, très bien. Mais ça, il n'en avait pas le droit.

« -C'est un bon parti, tu verras. Riche et beau, tu devrais sourire plutôt, toutes les filles en rêvent.»

La tête toujours tournée vers la vitre, observant l'extérieur, elle ne prit même pas la peine de répondre. Les filles en rêvent ? Qu'elles viennent, elle leurs donnerait sa vie sans plus de cérémonie. Elle ne voulait pas de lui, de ce type, malgré tout ce que son père avait pu en dire. Il était riche ? Elle n'en avait que faire de l'argent. Il était beau ? Et alors, la population entière est belle. Ils étaient dans la même école ? Elle était dans la même école de beaucoup de gens. Il dansait ? Tant mieux pour lui, au moins il savait comment respirer dans ce monde de brutes.

Continuant de songer à ce qui l'attendait, elle réalisa qu'elle avait oublié une chose. Elle n'y avait pas pensé, mais peut-être ne voulait-il pas de ce mariage lui aussi. Probablement. Il devait détester cette idée autant qu'elle. Elle aurait au moins un allié, une personne qui ne soit pas contre elle dans cette situation. Peut-être même, ses parents à lui se trouvaient-ils moins stricte. Peut-être accepteraient-ils de tout annulé s'il le leur demandait.
Elle ne put empêcher le soulagement de s'emparer d'elle, l'espoir que tout n'était en réalité qu'un mauvais passage, que tout serait bientôt fini. Criait-elle victoire trop vite? Peut-être, elle ne voulait pas l'envisager.

Les rues de Séoul continuait de défiler sous ses yeux, elle reconnaissait aisément le quartier dongbong et ses lumières. Collant sa tête contre la vitre, elle ferma les yeux. Elle le sentait, ils arriveraient bientôt à ce restaurant qui, le temps d'une soirée, allait être un réel cauchemar.

Le marbre était présent partout, des murs au sol. Les lustres étaient gigantesques et les peintures ornant les murs, incroyablement impressionnantes. Depuis toujours, elle fréquentait ce genre d'endroit, de restaurant et pourtant, elle était toujours aussi étonnée de la beauté de ces lieux.
Marchant jusqu'à une salle privée, suivant son père ainsi que l'un des employés les y conduisant, le stress s'empara d'elle de toutes parts, elle ne voulait pas y aller. La boule au creux de son ventre s'accentuait et elle se sentait suffoquer, elle aurait voulu prendre ses jambes à son coup. Pourtant, c'est avec une carrure froide et distinguée ainsi qu'affublée de son visage neutre, qu'elle pénétra dans cette pièce.

Les trois personnes assises à table se levèrent et elle ne put que remarquer la docilité avec laquelle ce jeune homme s'inclinait face à elle. En une demi seconde, tout espoir d'échappatoire face à cette situation la quitta, comprenant qu'il était en accord avec cette situation.
Elle se l'était jurée, de ne plus se faire de films aussi facilement. Elle savait qu'à chaque fois, elle finissait par tomber de haut et ce soir, plus que n'importe quand, elle se sentait dévastée. Ce n'était pas quelque chose d'insignifiant qui allait se dérouler, mais son avenir qui se traçait et non par ses mains.

La solution qui lui apparue soudain lui donna envie de se frapper, comment avait-elle pu ne pas y penser plus tôt ? Il ne voulait pas annuler ce mariage de lui-même ? Il était consentant ? Elle le ferait la détester, elle serait la personne la plus abjecte qui puisse être. Lui, il partirait ainsi demander à ses parents de tout annuler et de lui trouver une fiancée bien plus agréable.
Elle se haïssait déjà pour son comportement à venir, mais elle n'avait pas le choix. Il fallait qu'elle agisse, peu importe combien cela pourrait lui coûter.

Jetant un regard noir et dur à ce jeune homme, elle se cambra face à ses parents et l'ignora totalement, ne se présentant pas et ne portant même pas attention à son prénom, suivant juste le mouvement en allant s'asseoir.
La discussion se faisait enjouée du côté de ces parents tous autant indignes les uns que les autres. Elle, ne décrochait pas un mot, jusqu'à ce que la mère du jeune homme n'ouvre la bouche.

« -Vous ne parlez pas beaucoup mademoiselle.»

Son père, fidèle à lui même, pris parole à sa place. À croire qu'elle ne pouvait répondre seule.

« -Excusez-là, elle n'est pas réellement en accord avec ces fian...
-Bien sûr que si. Je m'attendais juste à mieux. La couverture est bien mensongère face au contenu.»

Elle n'adressa pas un regard à celui face à elle, elle ne pouvait pas. Elle avait regretté ses paroles instantanément, avant même qu'elles ne franchissent ses lèvres. Il s'agissait de paroles destinées à faire mal et elle détestait cela, elle ne savait que trop bien ce que cela faisait que d'en entendre.
Le silence se fit bien trop présent et elle ressentait déjà l'aura meurtrière de son père. Il rattrapa pourtant son ''erreur'', changeant de sujet.

De ses mains parfaitement manucurées, elle déplia sa serviette de table fixant enfin le jeune homme face à elle avec son regard le plus hautain possible. Il n'allait dorénavant même plus pouvoir penser à elle sans avoir d'envies de meurtres. Elle le dégoûterait, il ne la supporterait plus.
Elle allait faire comme à son habitude, peu importe combien cela pouvait la briser intérieurement d'être détestée, la douleur intérieure n'est pas importante. De toute façon, elle pourra toujours faire semblant de rien et d'aller bien. Non, elle n'aura même pas à le faire, ce n'est pas comme si cela inquiétait quelqu'un, de toute manière.

Leurs yeux étaient ancrés les uns dans les autres depuis une vingtaine de seconde. Ce type, elle ne l'aimerait définitivement pas. Il était incroyablement hypocrite et cela se voyait, il savait qu'elle avait remarqué qu'il l'était. Il avait forcément dû le remarquer, voir qu'elle avait cerné la fausseté de ses paroles.

« Je... Je suis désolé de ne pas faire justice aux éloges que l'on me fait. Il faut avouer que c'est si compliqué d'être parfait. Vous savez peut-être ce que c'est. Ou... pas. Mais ce n'est pas grave, n'est-ce pas ? Il ne serait pas très généreux de ma part de m'arrêter aux défauts que vous pouvez avoir. Non, non. Je dois passer outre et même m'excuser de vous avoir déçue. Dites moi donc ce à quoi vous vous attentiez, et je m'efforcerai de répondre aux infinis espoirs que vous aviez mis en ma ô si modeste personne. »


Désolé ? Il n'en était rien et le léger sourire narquois qui ornait son visage le prouvait amplement. Toutes ses paroles démontraient de la provocation. Il voulait jouer et tentait visiblement de l'énerver plus qu'elle ne l'était déjà. Soit, elle allait agir de la même façon. Ainsi, son regard se fit moins lourd et elle offrit l'un de ses plus beaux sourire -l'un des plus faux, soit dit en passant, mais qui faisait toujours son effet. Elle fixa avec provocation celui en face d'elle et se mit enfin à parler.

«C'est juste que... Vous avez raison, amplement raison. Tout homme a ses défauts et je les tolère, je peux les ignorer aussi. Vous représentez juste l'un des principaux que je ne supporte pas, alors je n'ai pu m'empêcher d'être déçue. Excusez-moi, encore une fois, vous avez raison. Je ne devrais pas m'arrêter à ce que vous représentez, je tenterais de passez outre. Pardonnez ma désinvolture, s'il vous plaît ?»

Quoi de mieux que d'avoir les parents de ce Tae Joon dans la poche ? Elle avait succombé à l'impatience et son impulsivité en attaquant de suite. Mais désormais, son plan était tout fait. Elle ferait tout pour qu'il la haïsse, oui, et il ne serait que plus frustré d'avoir ses propres parents en admiration devant la jeune fille alors que lui, saurait pertinemment qu'elle est une menteuse de premier ordre.

«Madame, Monsieur, acceptez mes excuses vous aussi, s'il vous plaît. Il est vrai qu'apprendre aussi subitement de possible fiançailles m'a quelque peu chamboulé. Pardonnez-moi d'avoir l'espace d'un instant passé mes nerfs sur votre fils. De toute évidence et au vu de sa réaction, il est un homme bien éduqué qui fera un parfait mari.»

Elle avait dit le tout en se levant et s'inclinant. La colère qu'elle avait pu ressentir au départ avait été atténuée et avait laissé place à la manipulation. Désormais, les choses lui apparaissaient différemment, le jeu avait débuté. Elle ne se marierait pas, quoi qu'il arrive. Elle n'était pas comme celui en face d'elle. Celui qui représentait effectivement ce qu'elle détestait le plus chez quelqu'un : la lâcheté. Certes, elle n'était pas le meilleur exemple qui contre-dirait cette caractéristique, elle qui passe son temps à cacher sa réelle personne par simple peur, mais il y avait des limites et obtempérer pour quelque chose de pareil sans agir était inacceptable. Il ne voulait pas de ce mariage, c'était évident et logique, pourtant il ne faisait pas en sorte de changer quoi que ce soit. Il suivait ce que ses parents lui ordonnaient de faire, et cela l'énervait plus qu'autre chose.


« -Père, accordez-moi le pouvoir de m'absenter quelques instants de table.
-Oui, fais-donc.»

Elle n'avait même pas laissé le jeune homme répondre, sortant de la pièce. Elle avait besoin de décompresser, juste quelques instants. Juste faire le vide dans sa tête pour repartir et continuer cette guerre qui s'annonçait tout sauf de tout repos.

Derrière le restaurant, elle se contenta juste de s'asseoir sur une des marches. Ce n'était pas classe pour quelqu'un de son rang ? Peut-être bien. Elle s'en fichait pas mal en cet instant.
En définitif, il y avait beaucoup de choses dont elle se fichait. Ce mariage-même, elle ne comprenait même plus sa colère. Son père voulait la marier ? Et alors. Ce n'était pas comme si elle pouvait un jour espérer une demande spontanée venant de quelqu'un d'autre. Elle aurait peut-être eu meilleur temps d'accepter sans rien dire, mais par fierté, ou peut-être même par caprice, elle faisait une scène. Plus le temps passait et plus elle réalisait une chose, elle devenait comme la fille qu'elle jouait en permanence. Elle se perdait elle-même au fil du temps, ignorant pourquoi elle agissait comme ci ou comme cela.


Que dirait sa mère, si elle était là ? Elle ne pourrait même pas le dire. Elle ne se souvenait qu'à peine d'elle, juste deux ou trois souvenirs marquant de sa vie. Peut-être aurait-elle été en accord avec son mari ? Non. Sûrement pas. Son père avait parfois dit lorsqu'elle était enfant qu'elle ressemblait beaucoup à sa mère, alors non. Si elle lui ressemblait, jamais sa mère n'aurait accepté.

Au jour d'aujourd'hui, sa vie était un véritable cauchemar. Comme dans ceux-ci, elle ignorait le pourquoi de ses actes. Elle ne comprenait même pas comment il était possible de passer d'une scène à l'autre aussi rapidement, comment tout pouvait dégringoler aussi vite. Comme dans ces rêves abominablement long et insupportable, elle avait l'impression de ne pas pouvoir agir et, tout simplement, comme dans ces rêves abominablement désagréables, elle ressentait un puissant mal-être. Elle n'était pas bien, chacun de ses sourires étaient faussés et chacun de ses actes se faisaient contre sa volonté. Avait-elle un court-circuit dans le corps ou quelque chose dans le genre, pour penser une chose et agir en opposition à celle-ci ? Sûrement.

Se levant, elle ferma juste les yeux et repensa comme bien souvent à sa mère qui, à l'époque, lui disait de compter jusqu'à dix pour sortir d'un cauchemar. Marchant en rond, elle se mit donc à compter à voix haute.


Un.

Deux.

Trois.

Quatre.

Cinq.

Six.

Sept.

Huit.

Neuf.

Dix.

Ouvrant à nouveaux ses yeux, elle observa ce qui l'entourait avant de baisser la tête et rire d'elle-même. Comment pouvait-elle encore être aussi stupide au point de croire que dix misérables petites secondes changeraient le monde s'écroulant sous ses pieds ? Elle était vraiment idiote. Rien n'avait changé, absolument rien, et rien ne changerait. Mais elle se battrait quand même et empêcherait ce mariage. Pourquoi ? Elle n'en savait rien, comme d'habitude. Tout n'était que néant dans son esprit et elle agissait sans même en savoir la raison, mais au moins, dans ce néant qu'était sa vie, elle agissait.

C'est sur cette pensée qu'elle entra dans le restaurant, affichant un sourire malsain sur son visage et dégageant une aura déterminée, se dirigeant vers leur salle où le plat principale devait être arrivé. Le réel jeu commençait enfin et, plus que jamais, elle était prête à attaquer.