Ses lèvres feintent un sourire lent, mais particulièrement visible. Il sait qu'il ne doit pas la suivre, qu'il n'a juste pas la force et le droit de l'aimer ; mais ses jambes le portent jusqu'à la porte de la sortie de la salle des fêtes ; mais ses jambes s'actionnent comme un mécanisme incontrôlable – comme un aimant l'attirant indéniablement à elle. Ses lèvres sont enivrés d'alcool. Sa gorge est sèche et ne redemande qu'une gorgée – une énième – de cette mixture délicieuse dont il a pris goût rapidement dès le premier verre. Son haleine sent l'alcool. Sa respiration est saccadé, rien qu'à l'idée de l'avoir vue – vêtue ainsi – vêtue d'une simple robe si magnifique, vêtue comme un « ange ». Ce soir-là, Hyun Woo n'est pas un ange – mais le démon qui règne en lui, tel un prédateur cherchant à sortir de sa coquille, ne résiste que trop peu à se maintien de lui même qu'il essaye encore de s'accorder. Hyun Woo est ivre. Hyun Woo sent l'alcool à plein nez. Hyun Woo la suit – et il ne peut s'en empêcher. Encore aurait-il fallu trouver un moyen de l'interpeller – un moyen pour qu'elle lui parler, et lui pardonne ? Mais comment ? Hyun Woo veut savoir, mais la réponse ne parvint pas à s'installer dans son esprit – l'illuminer. Son soupir déchire l'atmosphère, suivit d'un grognement sourd s'émanant de sa gorge – bien sur, Hyun Woo est frustré, quel homme ne sachant pas comment approcher celle qu'il aime, ne le serait pas d'ailleurs.

« Yoo. Na.Eun. »

Sa voix raisonne dans le couloir où elle s'est arrêté. Sa voix se plonge jusqu'à elle pour qu'elle se retourne et le fixe, surprise. Hyun Woo, vêtu comme un vampire du troisième âge avec un ridicule costume qui pourtant le rendait plus mystérieux, plus don juan d'ailleurs, s'approche lentement vers elle, décidé à la r-avoir. Peut-être que le masque que Hyun Woo porte cache trop bien son identité. Peut-être qu'au fond, il peut se faire passer pour quelqu'un d'autre – un dragueur sans équivoque – et voir, comment elle agirait, comment elle serait avec ce garçon qui n'est peut-être pas si différent de Hyun Woo. Un léger sourire narquois sur ses lèvres embrumés d'alcool, il s'arrête face à elle et la contemple de haut en bas – avec un air presque satisfait qu'il dissimule assez bien.

« Ai entendu dire que vous étiez une douce violoniste, es-ce vrai ? »

Tu échappes un rire tandis que son violon sonne une nouvelle fois. Elle te jète un regard noir et fait la moue. Tu glisses tes bras autour de ses épaules en souriant. Elle se retire et hurle de colère. C'est l'effet Na Eun.

L'alcool qui coule dans son sang provoque beaucoup plus d'adrénaline dans chaque mouvement de Hyun Woo. Il glisse ses doigts vers elle, mais sa main retombe le long de son corps. Il émet un mouvement de rotation vers elle, mais il ne peut pas l'approcher plus. Il se refuse de lui faire plus de mal à présent, mais la tentation de ses lèvres ne lui permet en rien de s'arrêter de la contempler ou de « jouer ». Et ce, il le sait depuis le moment où elle a franchi le seuil de sa chambre lors de cette nuit-là. Il le sait depuis qu'elle a brisé la glace – briser cette distance entre eux. Il le sait depuis qu'il a ressenti toute cette passion, cette ferveur dans leurs mouvements, gestes et baisers. L'alcool qui traverse chaque veine de Hyun Woo ne laisse que trop transparaitre ce mal en lui. L'alcool qui traverse chacune de ses veines provoque en lui des frissons équivalents à ceux qui le traversaient, il y a une semaine déjà.

Ton corps se mouve contre le sien. Tes lèvres ne quittent définitivement plus les siennes. La chaleur qui émane de vos deux corps est étouffante, mais tu ne peux pas t'arrêter – tes lèvres glissent dans son cou. Tes lèvres savourent chaque parcelle de son coeur avec passion et fougue. Quelque chose est certain – tu l'aimes.

« Votre déguisement est exquis. »

Pour qui se prend t-il à lui parler avec tant de courtoisie ? Pour qui se prend t-il à parler comme un gentleman de bourgeoisie ? Il échappe un sourire et glisse sa main gauche le long de sa joue pour y tracer un cercle imperceptible sur celle-ci. Sa main glisse le long de son cou et s'arrête doucement jusqu'à son épaule.

« Savez-vous qui je suis ? »

Sa voix monotone des quelques phrases précédentes s'est transformé – peu à peu – en une voix plus séductrice, plus charmeuse. Ses sens se révèlent fortement confronter à son taux d'alcoolémie avancé et si il osait faire un pas de plus, il s'effondrerait sur le sol tête la première, inerte, sans vie. Hyun Woo a abusé de ces nombreux verres dans la salle des fêtes – mais son manque terrible de la jeune femme se révélait avoir été un calvaire insurmontable. Et ce, pourtant, il se présentait comme étant un autre homme, plus enrichi en vocabulaire, en expérience, en goût, en drague, à ses yeux, dans ce couloir. Hyun Woo s'en veut d'agir aussi malproprement auprès d'elle, mais il la veut – pour lui – à nouveau. Et il sait qu'elle ne peut pas décemment l'abandonner – il sait, il croit du moins, qu'elle va le repousser – ou le reconnaître – lui crier dessus, ou même le frapper. Son regard se perd dans ses prunelles chocolat. L'idiot, il n'a même pas peur qu'elle reconnaisse son regard amoureux qu'elle eut à franchir en quittant l'appartement, en larmes, sous ce torrent de plus lors de cette après-nuit tant apprécié.

Tu restes planté là. Des larmes coulent. Tu ne peux pas la retenir indéfiniment. Tu te refuses de la faire souffrir. Tu la laisses partir – le coeur blessé – le visage plein de larmes.

Ta première fête, ta première ‘soirée’. Il a insisté pour que tu viennes, il t’a presque traînée jusqu’ici. Un refus t’aurait coupé une semaine de silences vexés et de regards blessés. Alors, malgré quelques protestations pour la forme, tu as acceptée l’invitation. Pour l’occasion, tu t’es même parée d’une de ces robes que t’a laissées ta mère – d’une de ces robes si fines et précieuses. Si féminines. C’est Maman Song qui t’a ouvert ; elle t’a fait entrer, n’omettant pas de te souffler combien tu lui as manqué et à quel point tu es ravissante aujourd’hui. Elle ment. Comme une arracheuse de dents. Elle en est d’ailleurs une, mais au fond, tu l’aimes bien quand même et lui adresses un léger sourire. Ce sourire, il s’étire sur tes lèvres jusqu’au salon. Là, Woonie – et sa dernière conquête, accrochée à lui, telle une sangsue. La soirée risque d’être longue. La soirée s’avère effectivement longue. Le besoin d’air te pousse à rester en retrait, à t’isoler à l’étage. Mais il te retrouve. Yah, t’es pas drôle Tu m’avais promis d’essayer de t’amuser. Allez, viens au moins danser. Là, il peut toujours rêver. Tu ne cèderas point. Il le sait. Alors il s’empare de ta taille. Votre premier slow.

Le brouhaha confus des conversations cesse peu à peu, et le silence conquiert l’atmosphère – décibel par décibel. En tendant l’oreille, on perçoit quelques échos de la fêle ; mais arrivé au troisième étage, le calme règne enfin en maître absolu. Seul le bruit du pas mécanique et régulier de Na Eun sur le sol dallé vient disputer son empire. Clac, clac. Semblable au rythme monotone que bat l’horloge, son écho se répète à l’envi – il en devient presque envahissant, obsédant. Rien ne semble pouvoir l’arrêter. La jeune fille est comme emportée dans une course folle, sans fin ni but, perpétuellement condamnée à un éternel retour du même. où va-t-elle ? Elle l’ignore. Elle fuit encore. Ces images qui l’hantent, ces sentiments qui l’assaillent… lui. Tous ses efforts se révèleront vains. Cela s’impose à elle comme une évidence – comment se débarrasser de ce qui bat en votre sein ? C’est bête à dire, mais Hyun Woo s’est emparé de son cœur. Et à moins de s’ouvrir la poitrine et d’arracher l’organe, elle peut difficilement l’en déloger. Rien qu’à cette pensée, son rythme cardiaque s’emballe, et elle presse le pas. Mais au détour d’un couloir, tout son corps se fige. On a prononcé son nom.

« Qui est… »

Bien entendu. Cela ne lui suffisait pas de la suivre jusque dans ses songes ; il a aussi fallu qu’il la rejoigne en ces lieux. Dans la pénombre, Na Eun distingue à peine les détails de son costume. Un masque couvre la moitié de son visage, et l’obscurité voile le reste de ses traits. L’ivresse a transformé sa voix, la rendant plus grave, plus rauque. L’odeur d’alcool que dégage son souffle est si forte qu’elle escamote le parfum de son eau de Cologne, pourtant si familière à la demoiselle. Woonie est presque méconnaissable ; et pourtant, pas une seconde elle ne doute de son identité. Cette hésitation qu’il marque avant de seulement l’effleurer, cette délicatesse qui nimbe le moindre de ses gestes… Pour agir ainsi avec elle, il n’y a que lui. Le jeune homme a toujours pris soin de la manier avec égard et prévenance – comme s’il fallait la ménager, comme s’il fallait la protéger. Entre ses bras, Na Eun a toujours été comme une poupée qu’un rien aurait brisée. Et pourtant, entre ses bras, Na Eun s’est toujours sentie en sécurité. Mais c’est mal, n’est-ce pas ? La vie lui a assez appris qu’en ce monde, on ne doit compter que sur soi-même, et sur personne d’autre. Accorder sa confiance, c’est risquer d’être trahie. Pour se défendre, rien ne vaut ses propres barrières, ses propres fortifications. Le dos de la jeune fille se raidit, et ses jambes esquissent inconsciemment un pas en arrière. Ses ailes heurtent le mur.

« Qui… Ki Joon sunbae ? »

Elle l’a immédiatement reconnu. Lui. Son meilleur ami. Celui qu’elle aime, quitte à en souffrir, quitte à en mourir. Et pourtant, c’est le nom d’un autre qui franchit ses lèvres. Na Eun ignore si il existe un Ki Joon sunbae ; et dire vrai, s’il y en a bel et bien un, elle s’en contrefiche. Mais c’est à lui, à cet inconnu qu’elle s’adresse. Elle joue le jeu, celui que Hyun Woo a lui-même lancé. Avec ce vouvoiement et cette façon d’agir qui ne lui correspond pas, qui ne leur correspond pas, il a lancé les dés et fixé les règles. Il s’est présenté à lui comme un autre, elle le traitera comme un autre. Mais dans ce cas, elle aussi a le droit à un masque, elle aussi a le droit de se livrer à la comédie.

« Oh. Si j’avais su que Sunbae viendrait, je me serais mieux habillée. » Le sourire mutin qui ourle ses lèvres ne lui sied guère. Taquine et espiègle, elle cligne des yeux. « Cela fait longtemps depuis la dernière fois… depuis la dernière nuit. »

Ses mains se referment sur le col de sa chemise, et elle lui adresse une moue suggestive – une facette que Hyun Woo ne lui a sans doute jamais vu arborer. C’en est presque dérisoire ; elle a dû supporter la présence de toutes ses conquêtes, de toutes ses filles qui se pressaient contre lui et réclamaient son attention. Mais lui, pour le peu de fois qu’un autre garçon se s’est trouvé à ses côtés, il a toujours quitté la pièce. Woonie n’a jamais eu un sens de l’équité très développé ; mais cela se comprend, puisque selon lui, elle lui appartient. Alors que Na Eun est occupée à frôler du bout de l’index et pouce sa pomme d’Adam, ses doigts, à ce souvenir, se crispent. Au creux de son ventre, la violence renaît ; plus audacieuse, elle relève le menton et croise son regard sombre. Il ne lui en faut pas plus pour l’embrasser. Ses lèvres percutent les siennes qui ont gardé toute l’amertume de l’absinthe et des regrets. Elle entoure son cou de ses bras et se hisse même sur la pointe des pieds ; car même ce baiser alcoolisé, elle ne peut pas y résister. Quand elle se recule, c’est le souffle court, les yeux à demi-fermés.

« Attention. C’est la robe de Jung ; elle m’a promis de me dépecer si je l’abîmais. Un peu plus, et je devrai la ôter pour ne pas la froisser. »

La pression qui s'installe sur ses lèvres le sort de sa torpeur. Na Eun. Inconsciemment, il n'a pas compris qu'elle joue aussi – à ce qu'il a installé malgré lui. Inconsciemment, ses mains glissent le long de son dos, frôlant les ailes que la dénommé Jung lui a installé. L'intensité de ce baiser provoque des frissons intenses dans l'échine de Hyun Woo, mais il n'espère pas se ressaisir, loin de là. Le seul problème qui l'empêche de continuer « Ki Joon Sunbae » - alors il y en a un autre. Ses mains qui se dérobent sous le tissu de sa robe, lâchent prise et retombent le long de son corps tandis que dans un mouvement de recul, il lâche ses lèvres, il lâche cette fièvre intense qui lui martèle le crâne avec le mélange inoffensif des verres d'alcool qu'il a englouti. N'y a t-il pas une raison, d'ailleurs, à ce revirement de situation ? L'autre jour, Na Eun se prélassait sur le bureau de Papa Yoo, la bouteille de cognac à la main. Aujourd'hui, Hyun Woo a englouti quatre ou cinq verres de punch ainsi que deux ou trois verres de vin rouge, de vodka et de whisky avec la petite-groupie-sangsue-qu'il-eut-voulu-abandonné-tant-bien-que-de-mal. Il échappe un soupir.

  « Woo...erm. Hyun Woo. Omma... » Tu acquiesces. Tu hoches la tête. Tu es au courant. Tu sais qu'il va craquer, tu sais qu'il ne va pas supporter plus grand choc que celui-ci. L'un comme l'autre vous étiez très proche de votre mère – l'un comme l'autre vous aviez besoin d'elle. Mais elle n'est plus là. Plus maintenant. Et ça te tue, autant que ton frère. « Omma est... » Pas la peine qu'il ne dise un autre mot de plus, tu poses ta main sur son épaule et tu lui dis dans un regard qu'il n'a pas besoin de le dire – que tu sais déjà, tout comme lui. Alors, malgré toi, lors de cette soirée infernale où tu n'as pas dormi quand vous vous êtes séparés du canapé sur lequel vous êtes restés immobiles une heure – deux heures – trois heures, tu as recommencé à boire – ce soir.

Il n'a pas seulement bu pour sa souffrance d'être éloigner d'elle – mais aussi d'avoir perdu cet être si cher dans son coeur. Hyun Woo se dit même que si cela avait été son frère, son jumeau – peut-être que sa réaction aurait été beaucoup plus déterminante, plus forte, plus intensifié que maintenant. Hyun Woo plonge dans l'alcool lors de la soirée dernière. Hyun Woo reprend ainsi ses verres habituels en cette soirée des horreurs où il ne peut se retenir de la voir et l'approcher – vouloir l'approcher, vouloir l'embrasse, la tenir dans ses bras – simplement.

« Ki... Joon... Sunbae... »

Fail.Ses murmures à peine audible pour elle, montrent son malaise intérieur – et la souffrance intérieur qui le ronge déjà depuis plus d'une semaine, depuis leurs entrainements muets, depuis ce showcase où il n'a pu se retenir de l'approcher et de « montrer son amour » pour elle, s'intensifie de plus belle. Elle ne se rend pas compte de cette souffrance intérieur qui ronge ainsi tout les sens que Hyun Woo au moment même où elle s'est jeté sur ses lèvres en enlaçant son cou de ses frêles bras découverts. Son regard se pose sur elle. Son regard croise ses prunelles chocolat. Et puis pendant un seul instant, il se demande si elle ne sait pas qui il est finalement.

Tes mains glissent sur ses hanches tandis que ses bras passent maladroitement autour de ton cou. Un sourire traverse tes lèvres. C'est l'anniversaire de Omma, et elle a cordialement invité ta meilleure amie à se joindre à la réunion familiale avec oncle, tante, cousin et autres membres de la famille qu'elle ne connait pas plus que toi. Omma a affirmé vouloir vous voir danser. Omma sait-elle à quel point elle ne te rend pas la tâche facile ? Omma sait-elle seulement à quel point tu ressens quelque chose d'intense pour elle ? Alors elle vous a poussé sur la piste de danse, enfin, plutôt dans le salon ré-agrandi qui se cumule à la salle des invités et tout les regards se posent sur vous. Tu baisses ton regard vers elle et tes lèvres effleurent les siennes timidement. Tes joues semblent rougir.Mais depuis quand tu rougis ?

Finalement il se résigne à tendre la main jusqu'à sa joue et y tracer des cercles du bout de son pouce. Il voudrait tellement. Mais il a tellement peur aussi – peur de la blesser. Pourtant c'est elle qui le blesse, indéniablement. Il se mord la lèvre. Il baisse son regard. Il tente de respirer. Mais l'air l'étouffe.

« Pfeuh. Qui c'est ce Ki Joon Sunbae d'abord ? »

Double Fail. Il a échoué. Il est tombé dans son propre piège sans se soucier de ce qu'elle peut en penser par la suite. Il grimace. Il lève les yeux au ciel, exaspéré par lui même et il s'adosse ainsi au mur à ses côtés, fermant les yeux pour simplement éviter de penser. Hyun Woo n'est pas faible. Hyun Woo a juste peur. Hyun Woo n'est pas faible. Hyun Woo est juste affaibli par ses réflexions et ses souffrances. Savoir qu'au fond, elle pourrait se jeter dans les bras d'un autre, comme cela, ça le torturait d'avantage que de savoir sa mère décédé il y a exactement quelques jours de cela. Et cela, Na Eun l'ignore totalement – encore.

« Vous êtes idiote, Eunnie. »

Triple fail. Hyun Woo s'enfonce un peu plus dans sa connerie. Hyun Woo s'enfonce même un peu plus dans sa révélation. Qui est-il ? Il est juste Song Hyun Woo et il n'est pas ce Ki Joon Sunbae qui ne veut même pas connaître. La rage s'empare pratiquement de lui – si ce n'est totalement. Il se tourne vers elle et la plaque contre le mur, ses mains posés sur ses poignets fragiles. La violence de son geste rend ainsi plus intense ses lèvres glissant le long de son menton, puis dans son cou. Hyun Woo est couvert de faiblesses. Hyun Woo doit être guérir de ses blessures profondes. Ses lèvres courent le long de l'arrête de sa mâchoire et vient déguster ses joues roses avec avidité avant de la lâcher brutalement. Voilà ce qu'il ressent quand elle est là. Voilà ce qu'elle osa attiser un peu plus en plaquant ses lèvres quelques minutes avant, en criant «  Ki Jooooon Sunbae ». La rage s'empare de lui. La haine aussi. Il se hait au fond. Il se hait de l'avoir blesser et il se haïra encore plus si il l'a perdait. Mais les mots lui échappent. Il ne peut que prononcer ce qu'elle ne sait pas.

« Omma est morte. »

Ultime Fail et il se laisse glisser le long du mur, perdu – sans elle et sans Omma.

Un jour, n’y tenant plus, tu lui demandes. Pourquoi ? Après tout, quand on apprend à la connaître, elle n’est pas une femme si terrible que cela. Elle a même plutôt un bon fond. Alors pourquoi ? Pourquoi Maman Song s’est-elle décidée à exercée l’effroyable profession de dentiste ? Tu as beau retourné l’interrogation dans tous les sens, aucune réponse rationnelle ne s’impose. Attendrie, elle te regarde un instant et lâche enfin : pour réparer le sourire des gens. Puis espiègle, elle a ajoute que pour toi, Na Eun, elle ne peut rien faire – mais que Woonie, lui, sera peut-être plus doué. Tu piques un fard. Elle sait – mais pendant des années, cela reste votre petit secret.

Il fait froid, terriblement froid. C’est assez courant en Novembre, la nuit. Mais les frissons qui lui parcourent l’échine n’ont rien à voir avec l’arrivée de l’automne. Cette neige qui enveloppe son cœur et l’emprisonne est toute intérieure, toute inexorable, car l’on ne peut se mettre à l’abri du gel que l’on porte en soi. La nouvelle, quelques mots de Woonie à peine, la fige. Et comme une statue de cire, elle reste un instant immobile, le dos acculé au mur, les yeux grand ouverts et ronds comme des billes. Elle a l’air maligne, notre petite génie, ainsi abasourdie. Elle qui pensait tout savoir s’est bien fourrée le doigt dans l’œil. Il ne lui reste plus qu’à tomber des nues, qu’à se laisser jusqu’au sol, assise à côté de son meilleur ami. Pendant plusieurs longues secondes, Na Eun n’ose pas prononcer le moindre mot – nombre de paroles lui viennent à l’esprit, mais toutes paraissent si dérisoires, si futiles. Puis il y a déjà assez de bêtises qui ont franchi ses lèvres pour la soirée. Les phrases qui blessent et qui fâchent, il lui semble n’avoir eu que cela à la bouche au cours des semaines qui se sont écoulées. Et elle s’en veut. Elle s’en veut autant qu’elle n’a cessé de lui en vouloir, à lui.

« C’est toi l’idiot, sombre crétin. Abruti. Imbécile. »

Tranchante et cassante, la sentence tombe enfin. Alors qu’elle l’énonce d’une voix claire, Na Eun garde les yeux rivés vers le sol. Le regarder, ce serait risquer de voir toute sa tristesse, toute sa douleur. Ce serait lui faire mal. Et se faire mal aussi. La demoiselle n’est pas certaine d’en avoir le courage ; à son insu, son système de défenses se lève et réveille en elle les instincts les plus égoïstes qui sommeillent en son sein. Ceux-ci lui intiment sempiternellement de fuir, de partir. Si elle reste à ses côtés, il lui faudra partager sa souffrance, porter le deuil avec lui – ses épaules ont déjà trop ployé sous ce poids. La jeune fille ne devrait-elle donc pas se prémunir contre de nouvelles peines ? Mais d’autres penchants, ceux qui naissent de son cœur et ignorent fièrement les avertissements de sa raison, la gouvernent aussi. Ils conduisent sa main à doucement se refermer sur celle de Hyun Woo. Quand leurs deux peaux entrent en contact, l’évidence s’impose, et il lui devient impossible de s’y soustraire. Woonie a besoin d’elle. Alors, ne laissant plus la moindre place au doute, tout son corps s’anime. Elle vient se placer à genoux devant lui, tout contre lui. Sa paume s’élève avec délicatesse jusqu’à son visage, entoure sa joue et lui relève le menton. Dans la pénombre, ses prunelles noisettes se plongent dans la noirceur de ses iris torturés.

« Il faut être bête pour croire que je laisserais un autre m’approcher, un autre me parler, un autre me toucher. Tu l’as dit l’autre jour, non ? Tu l’as même crié. Je suis ton Eunnie. Je suis à toi… Comment tu disais déjà ? Ah… Oui. Je t’appartiens. »

Ses doigts se promènent le long de ses tempes et jouent avec la ficelle qui retient encore ce masque ridicule. Quelques secondes suffisent, et le lien cède finalement. Son visage se dévoile soudain dans tout son supplice. A cette vue, Na Eun ne peut s’empêcher de se mordiller la lèvre inférieure. Elle a peur. Peur pour elle. Mais surtout peur pour lui. Ses mains se saisissent à nouveau des siennes ; elle en amène une au niveau de sa taille et dépose l’autre sur sa hanche, sous sa jupe. Puis ses bras reviennent enlacer sa nuque à lui. Une longue inspiration, il sent l’alcool à plein nez – elle n’en a cure. Elle l’aime.

« Puisque tu me possèdes, moi, alors dis-moi… Dis-moi juste ce que tu veux. N'importe quoi. Tout ce que tu veux. »

Une larme aurait du se promener le long de sa joue – larmes qu'elle aurait du cueillir par la suite. Mais il reste là, tel un pantin, son regard perdu, il n'ose croiser le sien à elle. Il veut seulement repartir en arrière, pour elle, et pour Omma Song. Le problème, c'est qu'il ne peut pas – c'est juste.... impossible. Il échappe un soupir. Ses doigts parcourent sa peau, sous ce tissu fin et léger blanc qu'elle porte merveilleusement bien. Il ne dit mot. Il préfère largement rester muet, près d'elle, que parler et de souffrir. Tout au long du début de soirée, il s'est obligé à parler – et à souffrir par la même occasion – combien de personnes savent que Omma Song est décédé ? Combien de personnes s'en soucient dans l'assemblé, l'amas de gens déambulant dans la salle des fêtes bondé ce soir-là ? Deux. Peut-être trois. Et encore il se compte dans ces quelques personnes. Dans un mouvement de « réconfort », il enfoui son visage dans le cou de la jeune femme, fermant les yeux, inspirant le mieux qu'il peut chaque bouffée d'air si compacte pour lui à ce moment-là.

« Je... croyais que tu me détestais... finalement.. »

Une larme aurait du se promener le long de sa joue quand il a appris la mort de Omma et que sa meilleure amie n'était plus là. Mais il a persévéré, un jour, deux jours – puis plus rien. Le néant. Vaste et noir. Il s'offre à lui comme lors de son accident, mais il se refuse de re-sombrer dans cette léthargie néfaste pour lui même. Peut-être que simplement, il ne supporte pas d'avoir « perdu » ses deux êtres les plus chers au monde dans son coeur. Pourtant, Na Eun est là ce soir – mais il a peur, qu'elle l'abandonne à nouveau, comme l'autre matin, comme sous cette pluie. Il relève son regard vers elle. Ses prunelles chocolat le fixent. Inquiétude ? Sans doute. Un léger sourire traverse ses lèvres et sa main posé sur sa taille vient déplacer quelques mèches de cheveux de la jeune femme avant de déposer un baiser sur sa joue, sur sa mâchoire et dans son cou. Il inspire son parfum, il s'enivre de celui-ci. Déposant son front contre le sien, il ramène son corps un peu plus contre le sien, glissant ses bras autour de sa taille, dans son dos. Il ferme les yeux et émerge lentement de sa torpeur maladive. Il ferme les yeux et tente par tout les moyens de ne pas se montrer faible à ses yeux. Car seul sa faiblesse peut lui faire perdre la raison. Car seul sa faiblesse peut le trahir au plus profond de son être. Il ne veut pas blesser Na Eun, mais la sentir près de lui – c'est un remède inévitable à toute cette tristesse qui prend tant d'ampleur dans son coeur.

« C'est ta faute.... et la sienne... Erm... J'ai bu.. j'aurais pas du, ne? Mais tu m'y a oooobligé, uh. Tu... tu m'évitais. Et... Ki Joon Sunbae... uhuh. T'es pas drôle, tu le sais ça ? Mais je t'aime quand même. *silence* wué. uh. Je t'aime. »

Ce n'est pas Hyun Woo l'alcoolique qui prononce ses mots, mais simplement lui. L'alcool a peut-être une emprise considérable sur lui à ce jour, mais il n'est que trop conscient de ce qu'il avance à présent. Oui, il l'aime – et il l'aime indéniablement plus fort encore à chaque seconde qu'il passe à la maintenir contre lui, contre son torse. Il inspire profondément et repose sa tête contre la paroi du mur derrière lui. Ils sont encore sur le sol froid. Ses genoux à elle sont dénudés et son regard s'arrête sur ceux-ci. Sa main vient glisser dans la sienne doucement et dans un geste, il l'aide à se relever tout en se levant lui. Sa main sur sa hanche n'a pas bouger. Son pouce fait de légers petits cercles sur sa peau dénudé. Ses doigts chatouillent son épiderme. Hyun Woo aime tellement ce contact – Hyun Woo l'aime tellement. Son visage s'engouffre une nouvelle fois dans son cou. Il inspire profondément l'odeur de sa douce peau. Il se contente de fermer les yeux et de déposer un baiser à l'endroit où sa jugulaire passe. Il sent le battement de son coeur sous ses lèvres. Il sourit et enfonce un peu plus ses lèvres au creux de son cou.

« Je ne veux rien... Eunnie... Je... »

Il déglutit difficilement, la ramenant un peu plus contre lui, adossé à ce mur.

« Je te veux juste toi... juste pour moi... à moi. »

Je t’aime. Avec toi, ces mots lui viennent si facilement ; cela t’a toujours décontenancée. Ce jour-là, vous vous trouvez à la gare. Tous les ans, les Song partent en vacances vers tu ne sais trop quelles montagnes. Il a insisté pour que tu l’accompagnes et lui disent au revoir. Trois refus n’y ont rien fait ; trois semaines de séparation constituaient un argument qu’il t’était impossible de combattre. Alors vous voilà sur ce quai. On dirait un mauvais film à l’eau de rose ; le contrôleur siffle le départ prochain. Alors Woonie passe un bras autour de tes épaules et te glisse ces quelques mots avec la promesse de t’écrire bientôt. Le train file au loin, et hébétée, tu te tiens là, le regard dans le vide, incapable de finir ta phrase – cette stupide phrase. Je…

Na Eun ne s’y résoudra décidément jamais. Ces papillons qui virevoltent dans son ventre au moindre effleurement… c’est juste vraiment trop gênant. Mais en ces circonstances, la honte ou l’embarras importent peu, n’est-ce pas ? Petite Yoo ne possède peut-être pas la moindre once d’altruisme, mais la vie lui a appris le deuil et ses affres. De sa propre expérience, elle devine ce gouffre qui s’ouvre tout autour de Woonie, cette béance qui ronge peu à peu le monde qui l’entourait jusqu’ici. Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé. Dans le cœur de son meilleur ami, il y a un vide à combler. Insignifiante comme elle est, la demoiselle pourra à peine le colmater, et pourtant, elle le laisse l’enlacer sans broncher. Ses bras à elle resserrent même la prise qu’ils ont sur son cou. Une fois encore, il lui faut se hisser sur la pointe des pieds pour atteindre sa joue et y déposer un baiser. Un simple baiser. Mais son corps qui tremble sous les délicates caresses du jeune homme lui indiquent que cela ne saurait suffire. Inspiration, expiration.

« Tu m’ai… ? Tu ne maîtrises pas vraiment tes mots, n’est-ce pas ? Il y tout cet alcool qui coule dans tes veines ; et si cela ne suffisait pas, toute cette douleur qui te fait perdre la tête. Mais c’est pas grave. Je reste. Une heure, deux heures… une nuit. Tant que tu en as besoin – je reste. Tant que tu veux de moi – je suis à toi. »

Dans sa voix fluette, résonne une douceur inhabituelle. Cette gentillesse trouve écho dans chacun de ses gestes. Na Eun les esquisse presque avec tendresse ; ses doigts fins se perdent même dans ses cheveux de jais, écartant de son front enfiévré quelques mèches rebelles. Le regard de la jeune fille glisse sur ces lèvres auxquelles elle a déjà trop goûté ; à mesure qu’elle en détaille le dessin parfait, elle se souvient de la violence de leurs baisers passés – bouches qui se heurtaient, qui s’entrechoquaient, qui résistaient. Toutes les fois où ils se sont embrassés, il y avait cette volonté de ne pas céder, de ne rien lâcher. Mais les barrières sont tombées ; la demoiselle ne peut plus le nier. Il ne lui reste plus qu’à s’abandonner. Son visage s’approche lentement du sien ; et bientôt, elle l’embrasse comme si plus rien ne comptait, comme si sa vie en dépendait.

« Tu sais… Jung était sérieuse. Un peu plus, et cette robe, il faudra vraiment l’ôter pour ne pas l’abîmer et éviter d’être tuée. »

Sa plaisanterie ne leur apporte pas le sourire. Ni à l’un, ni à l’autre. L’humour, cela n’a jamais été son fort. Les mots, cela n’a jamais été son fort. Aussi elle ne peut qu’agir. D’un pas hésitant, elle recule, ses petites mains autour de ses poignets. Et voilà qu’en silence, elle le mène dans une des salles de classe adjacentes. Un bureau poussé suffit à bloquer la porte et à leur promettre un minimum d’intimité. A la pénombre du couloir succèdent des flaques blafardes de lumière, projetées par la lune que l’on aperçoit à travers les fenêtres. Dans ce clair-obscur, les cernes qui bornent les yeux de Woonie lui apparaissent plus nettement. Combien de nuits sans sommeil a-t-il eu à passer ? Toujours avec précaution, la jeune fille le fait s’asseoir sur une chaise. Du bout de l’index et du majeur, elle lui masse les tempes, y traçant de petits cercles.

« Tu devrais te reposer. Tu devrais… »

Que cette phrase paraît vaine quand son corps s’effondre contre le sien, quand ses jambes se referment autour de son bassin – quand sa bouche fond sur la sien, étouffant les mots qu’elle comptait prononcer. Le baiser la surprend, mais pathétiquement dépendante, elle se laisse instinctivement aller. Une faible exclamation lui échappe. Ses lèvres s’entrouvrent, sa tête s’incline sur le côté, son dos s’arque.

« Je reste – alors demande juste. Les mots que tu as besoin d’entendre, les… Je l’ai déjà dit – n’importe quoi, tout ce que tu veux. »

Assis sur sa chaise comme un pantin à qui on a couper les fils, il glisse son visage dans son cou alors que sa bouche ne cesse de réclamer celle de Na Eun, alors qu'il ne cesse de la vouloir elle. Il glisse ses mains dans son dos lentement, la rapprochant plus près de lui qu'elle ne l'est déjà. Un soupir, un souffle – s'échappe de ses lèvres et caresse lentement l'épiderme de la jeune femme. Il sourit. Ses lèvres glissent le long de son cou jusqu'à sa joue qu'il embrasse plusieurs fois avant de replonger son regard dans le sien. Combien de fois s'est-il vu à rêver de l'embrasser à pleine bouche sans se soucier de ce qu'elle pense ou ce qu'elle veut ? Combien de fois s'est-il vu se sentir amoureux d'elle ? Ses bras glissent autour de sa taille lentement. Depuis combien de temps a t-il rêvé de faire ca ? Il sent la pression des jambes de la jeune femme qu'elle exerce sur son bassin, la pression de ses lèvres sur le sienne. Cette passion qui l'enivre et le rend fou.

« C'est cela. Je suis ivre. Ivre d'amour. »

Ivre d'amour, il l'est. Mais à quel prix le croirait-elle ? Jusque là, elle a toujours nié le fait qu'il dise qu'il l'aime ou qu'elle soit simplement importante à ses yeux. Na Eun est juste celle dont il a toujours rêvé et qu'il n'a jamais réussi à voir jusque là. Mais encore, semblerait-il que son coeur bat pour elle depuis bien des années mais qu'il n'y croyait juste pas assez pour le crier au monde. Si dans le cas contraire il s'en serait rendu compte – qu'es-ce qu'aurait été leur avenir ici et maintenant ? Peut importe le temps, peut importe l'endroit – tant qu'il est avec elle, il est heureux – tant qu'il est avec elle, il se sent heureux. Pendant ses derniers jours, il a cru ne pas survivre. Il a cru qu'il mourrait en pensant à elle – et à sa défunte mère. Pourquoi ces deux être si chers à son coeur s'en sont allés aussi rapidement ? Et pourquoi Na eun revient-elle aussi facilement ? Un soupir traverse ses lèvres et ses bras retombent le long de son corps inerte sur sa chaise. Il n'a pas la force de la toucher un peu plus – il a peur de la toucher, de la blesser surtout. Na Eun est une poupée de cire que l'on ne doit pas briser, dans son coeur. Na Eun est le coeur de cristal enfermé dans cette boite au fond de lui. Il ne peut juste pas supporter qu'on l'approche pour la démunir de cet passion et ce sourire. Il ne peut juste pas supporter qu'on la détache de lui – de son emprise. Cette emprise d'ailleurs, il l'a brisé lui même. Ses lèvres ne courent plus. Ses bras ne glissent plus. Ses mains n'effleurent plus. Son regard la contemple simplement. Elle et son visage d'ange. Elle et son costume d'ange.

« T'ai-je dis que... Erm... Cette robe te va à merveille ? »

Il échappe un sourire léger. Malgré son taux d'alcoolémie en hausse, sa voix sincère et son regard flamboyant ne prouvent que trop son intention et ses paroles douces. Il sourit encore. Il sourit bêtement. Mais elle est là. Pour lui. Et il l'aime. Oh il l'aime. C'est ca le pire dans l'histoire. Song Hyun Woo, ivre d'amour, est amoureux de sa meilleure amie depuis des années – Song Hyun Woo est un crétin qui ne se rend pas compte de ce qu'il a perdu – Song Hyun Woo l'aime et la veut pour toujours à ses côtés.

« J'ajoute que... si Jung a dit que si ta robe était abimé ou froissé, elle te tuerait... alors... ôtons là... »

un léger sourire visible sur ses lèvres – un de ses sourires taquins qu'il faisait aux autres. Mais un de ses sourires taquins qu'il ne lui a jamais fait à elle. Sa main droite glisse à nouveau dans son dos et sa fermeture glisse lentement. Son autre main glisse sur celle de Na Eun et il la pose sur son torse, là où son coeur bat et là où les boutons de sa chemise sont déjà à moitié défait par la chaleur et l'atmosphère qu'ils dégagent l'un contre l'autre.

« Dois-je aussi me répéter sur ce que je veux... Eunnie ? »

Ses lèvres glissent vers son oreille et s'arrête à quelques centimètres de celle-ci.

« Je te veux toi. »

On pourrait croire que l'alcool parle pour Hyun Woo. On pourrait croire que chacun de ses désirs antérieurs parle pour Hyun Woo. Mais peur importe, il l'a veut de toute évidence depuis longtemps. Un frisson glisse dans son dos jusqu'à son échine quand les doigts gelés de la jeune femme entrent en contact avec sa peau, sous sa chemise. Les lèvres de Hyun Woo se pose sur le lobe de l'oreille de la jeune femme et ses dents mordillent celui-ci doucement, avec envie.

Ton premier rouge à lèvres. Tu ignores quelle mouche t’a piquée, mais tu l’as acheté. Ce sont sans doute les cancaneries de ces filles ahuries qui l’ont fait dérailler. L’une d’elles se préparait pour cette soirée avec ce garçon qu’elle appréciait. Et vaguement, cela t’a amenée à penser à cette sortie au cinéma à laquelle il t’a conviée. Alors voilà. Tu as acheté, et tu en mets. Et quand vous vous retrouvez ce soir-là, il y a ce fol espoir qui te prend aux tripes. Un compliment flatteur, un regard appréciateur. Mais rien. Qu’est-ce que tu attendais ? Après tout, tu n’es que sa meilleure amie, sa petite sœur… n’est-ce pas ?

Son corps l’a toujours embarrassée. De la raideur de son port de tête à la gaucherie de sa façon de marcher… l’enveloppe charnelle dans laquelle son âme a échouée l’emprisonne et l’entrave sans relâche. Les mouvements qu’elle esquisse manquent d’aisance et de fluidité. A chaque geste, à chaque pas, Na Eun se fait l’effet d’une masse de membres désarticulés et mal assemblés. Au fil des années, la demoiselle a appris à se cacher ; ses courbes ont disparu sous des vêtements trop larges, ses formes se sont perdues dans des pulls mal taillés. C’est aussi pourquoi elle déteste le moindre toucher ; chaque contact lui rappelle cette chair qui ne saurait plaire. Ou du moins, est-ce le cas en général. Car en cet instant, petite Yoo ne ressent rien de son dégoût habituel. Les mains de Hyun Woo glisse sur sa peau, et chaque parcelle s’en trouve électrisée et attisée. Son dos perd toute sa rigidité – il s’assouplit, plie et revit. Ses bras et ses jambes se crispent – mais ces tensions ne relèvent plus du supplice, mais du délice. C’est sans doute plus que sa constitution ne peut le tolérer, et pourtant, elle ne peut s’empêcher d’encore en réclamer. Elle agrippe le col de sa chemise, le dévêtit sans même y penser.

« Moi aussi. »

Ces mots, entre le soupir et le gémissement, lui échappent et la ramènent à la réalité. A mesure que sa fermeture cède, son corset se desserre et libère peu à peu sa poitrine. Et soudain, Na Eun s’aperçoit de tout ce qu’elle s’apprête à dévoiler. Une timide pudeur la gagne finalement, et ses gestes se font plus hésitants, plus tremblants. Dans cette réaction, on peut sans doute déceler quelque vanité. Ce n’est pas la première fois, ce n’est pas leur première fois. Sous ce tissu, il n’y a sans doute rien que Hyun Woo n’a pas déjà vu. La nuit dernière, elle n’a pas fait preuve de la même retenue. Mais son ivresse d’alors s’est dissipée. L’ébriété du jeune homme n’est point partagée. C’est d’ailleurs une autre des innombrables craintes qui l’accablent ; quand il aura dégrisé, se montrera-t-il aussi enivré ?

« Je ne vaux sans doute pas les autres filles ; je ne suis certainement aussi jolies, ni aussi gentilles. Ni… je sais pas. Mais si ce soir, ça peut te consoler… Moi aussi. »

Inspiration, expiration. Sa respiration s’est à peu près calmée et lui permet d’énoncer deux, trois phrases à peu près sensées. Son corps se détache à regret de celui du jeune homme, et ses jambes se dénouent lentement de son buste. Debout, elle veut se redresser, mais ses genoux semblent se dérober sous son poids ; il lui faut reculer et s’appuyer sur le bureau derrière elle. Puis elle retire doucement ses mains des siennes, et ses doigts achèvent de défaire les dernières ficelles de sa robe. Le vêtement tombe au sol. Et à court de mots, elle ne peut que répéter vainement.

« Moi aussi. »

Elle aussi, elle le veut. Elle aussi, elle l’aime. Ses mots affleurent à ses lèvres, mais quand Na Eun veut les prononcer, sa gorge se serre, son ventre se tord. La peur est encore là, latente. Alors à défaut de lui découvrir son cœur, elle lui laisse son corps.

Chaque parcelle du corps du jeune homme enrage tant il est frustré qu'elle se soit retenir de ce contact brulant - s'en était déconcertant de le voir si faible envers une fille. N'a t-il jamais été que peu doux et trop charmeur quand il se fait draguer, quand il agit comme un prédateur voulant absolument toucher et assouvir son désir sur sa proie ? Na Eun n'est juste pas la proie qu'il désire. Elle n'est juste pas une proie – pas la sienne – mais celle de son coeur. Elle appartient à son coeur, mais malgré lui, il ne peut encore savoir de quel façon le lui montrer – ne l'a t-il pas déjà fait l'autre matin, où, il lui a dit un simple « Je t'aime » où tu t'es ouvert à elle comme un faiblard qui n'a pas d'autres choses à faire que de se ridiculiser aux yeux de sa meilleure amie ? Na Eun. Sa meilleure amie. En ce jour, elle ne l'est plus à ses yeux – elle est plus que ça, plus importante. Elle ne peut garder ce statut éternellement. Surtout après ça... alors qu'elle s'est détaché de lui. Alors qu'elle a reculé en vain à ses désirs flambants, il se lève – tremblant – titubant jusqu'à elle. Ses mains se posent de chaque coté de son corps sur le bureau. Il se penche vers elle. Son souffle alcoolisé, il n'en a rien à faire. Tout ce qu'il veut – tout ce qu'il a désiré jusque là, ca toujours été elle – et il ne s'en rend compte que maintenant.

« Je ne peux que toi.. personne d'autres... et... je ne suis pas ivre. »

Son sourire niaise prouve le contraire, mais il n'en a que faire. Ses mains glissent jusqu'à ses hanches et il l'a hisse contre lui alors que ses bras entourent déjà son cou. Sa poitrine découverte et son torse dénudé entre en contact. L'électricité provoque des frissons dans l'épiderme du garçon. Il frisonne, encore et encore alors qu'elle est là, qu'elle a toujours été là et qu'il ne l'a jamais considéré mieux qu'aujourd'hui. Bien qu'il soit ivre, bien que chacun de ses sens soit multiplier par dix ou par cent, il n'en a que faire. Il sait que ses sentiments sont réels et qu'ils ont toujours été là – enfoui au fond de lui, caché, prêt à se montrer un jour ou l'autre, cherchant le bon moment – indéniablement.

« Montre moi.... »

Ses lèvres glissent auprès de son oreille et murmure. Son souffle chaud réagit contre sa peau glacial. Leurs souffles chauds s'entremêlent. Ses doigts glissent le long de sa peau dévêtue. Il l'a contemple sans honte. Il admire son corps et chacune de ses courbes. Ses doigts se faufilent sur chaque parcelle de son corps, de sa hanche jusqu'à son bas ventre, de son ventre à son dos, de son cou à sa poitrine, de ses joues à ses lèvres. Hyun Woo ne peut s'empêcher de l'aimer un peu plus et la douceur de ses gestes – la douceur de ses caresses – montre parfaitement à quel point c'est différent avec elle, plus qu'avec une autre.

« Montre moi que tu m'aimes... Ne me montre pas le contraire. Ne me dis pas le contraire. Je le sais... Je l'ai toujours su.. au fond de moi... Omma en a fait des tas d'allusions lors des repas de famille... Penses-tu que... »

Mais sa phrase inachevé reste en suspend. Mais ses lèvres capturent les siennes et elle bascule sur le bureau. Sa respiration s'accélère. Ses lèvres dansent contre les siennes. Il ne veut pas la quitter – pour le moindre du monde il le ferait. Il n'a pas le droit. Plus maintenant. Il sait que si il l'a perdait une nouvelle fois, il s'en voudrait – il mettrait fin à ses jours. Ses lèvres glissent dans son cou, tandis qu'il descend le long de celui-ci jusqu'à la naissance de sa poitrine. Il goute à chaque parcelle de sa peau, il respire chaque parcelle de sa peau. Il s'enivre d'elle et de son parfum délicat. Il se relève finalement et se laisse retomber à côté d'elle, le corps inerte et disloqué – sans énergie pour continuer – pourtant il aimerait, mais savoir qu'elle ne ferait que ce qu'il lui demande que par intérêt qu'il se sente mieux – cela le tue.

« Penses-tu simplement que Omma n'a pas compris ? Penses-tu simplement que c'était un hasard que nous nous retrouvions à danser un slow ensemble à chaque soirée où tu étais invitée 'cordialement' à la maison ? Penses-tu simplement que je n'ai jamais pensé que toi aussi tu pouvais être comme elles – prendre leur place et m'avoir rien qu'à toi ? Mais... tu... tu as toujours été ma meilleure amie. Tu l'es – encore. Mais tout ça prend des proportions énormes... je ne peux pas... je ne peux plus. Tu... Eunnie est plus que ça. et... erm... au final.. je crois que... tu es presque comme un amour de toujours pour moi. »

Son visage se tourne vers elle. Un léger sourire grimaçant visible sur son visage. Il ferme les yeux et glisse sa main le long de sa taille jusqu'à sa hanche en se mettant sur le coté pour mieux la contempler. Allongés tout les deux sur ce bureau, ils ont l'air si niaises – si envenimés par leurs désirs – si amoureux.

« C'est cela... Woonie ne dit que des bêtises. Woonie est ivre. Mais Woonie est fou amoureux de toi. Et Woonie mourrait si tu ne lui appartiens pas et ne perce pas à jour la vérité. »

Tu ne dors pas réellement. Lorsque le bus a démarré, tu t’es effectivement assoupie. Mais alors que tu somnolais, ton front a heurté son épaule, et cela t’a tirée des bras de Morphée. Pourtant, tes yeux demeurent clos, ta tête reste lovée contre lui. Vaguement, tu te demandes s’il sait. Sand doute – il t’a toujours été impossible de lui cacher quoique ce soit. Mais, sans broncher, il se contente d’ajuster quelques unes de tes mèches et de passer un bras autour de tes épaules afin que tu sois plus confortablement installée. Et c’est plus fort que toi. Un sourire te monte irrésistiblement aux lèvres..

« Tu parles trop. »

La lune les éclaire de ses rayons. Sa lueur blême inonde et noie tout. Dans cette délicate blancheur, les contours s’estompent, les angles s’arrondissent, les formes fusionnent. Leurs corps se mêlent volontiers, tandis que leurs peaux dénudées semblent perdre leurs couleurs. Palissant, elles se dotent d’un singulier éclat – désormais diaphanes, presque translucide, il émane d’elles comme une sorte d’irréalité, comme une atmosphère de rêve et de féerie. Dégagées des pesanteurs et des contraintes matérielles du monde, leurs silhouettes s’animent et se meuvent librement, de manière presque aérienne. Rien ne semble pouvoir les entraver ou les arrêter. D’un seul et même élan, Na Eun se redresse, et elle se trouve assise sur lui, le dominant de toute sa hauteur. Ses genoux heurtent le bois froid sur lequel ils sont étendus. Un léger rire agite ses épaules, alors qu’elle note distraitement que cela tournerait presque au fétichisme. L’autre jour aussi, il y avait un bureau. L’autre jour aussi, ils ont… Trop tremblante, trop frissonnante, il lui faut couper court à toute pensée, ne plus chercher à se concentrer. Ses mains glissent sur son torse dévêtu, retracent avec soin le dessin de ses abdominaux, remontent le long de chacune de ses côtes. Leurs regards se croisent : l’obscurité assombrit encore davantage les iris déjà noirs du jeune homme, et pourtant, Na Eun ne peut s’empêcher de déceler des étincelles de désir et d’envie. La même flamme brille sans doute au fond de ses yeux à elle. Jamais auparavant, la demoiselle n’a senti une telle avidité couver en son sein. Jamais auparavant, son être n’a tant réclamé, tant convoité

« Tu sais que je ne suis pas douée pour ça, n’est-ce pas ? Les grandes déclarations et les confessions à cœur ouvert – très peu pour moi. Je ne veux pas. Je ne peux pas. Je laisse ça aux romans de gare et aux films à l’eau de rose. »

Leurs formes mouvantes se profilent sur le tableau noir derrière eux. Plus grandes, plus imposantes. Tous leurs mouvements s’y reflètent dans un jeu de clair obscur, sur un théâtre d’ombres chinoises et de pantomimes fugaces. La scène ne cesse d’osciller entre le rêve et la réalité. Un souffle pourrait tout faire s’effondrer. C’est pourquoi Na Eun se contente de murmurer rapidement ces mots. Mais ses paroles sont hachées, entrecoupées tant sa respiration s’avère haletante. N’y tenant plus, elle se penche pour l’embrasser. Leurs lèvres ne font d’abord que se frôler, s’accoutumant l’un à l’autre, s’apprivoisant l’un l’autre. Et doucement, leurs langues viennent s’entremêler. La demoiselle procède avec soin et application. Ce contact dénote une saveur toute nouvelle. Il garde le goût du fruit défendu, mais s’y ajoute peu à peu un parfum bien plus tendre, bien plus précieux ; ils ne sont plus de simples amis qui jouent de leurs limites et s’amusent à dépasser les bornes. Il est ce garçon ; elle est cette fille. Et ils s’aiment. Le sang lui monte aux joues et lui bat aux tempes. Dans sa poitrine, son cœur bat la chamade. Mais alors que son buste heurte celui de Hyun Woo, la demoiselle s’aperçoit que cette course folle trouve écho dans sa cage thoracique à lui.

« Mais… Mais s’il ne s’agit que de te montrer... alors là, je peux faire encore mieux. »

Leurs silhouettes se découpent encore dans la nuit, mais bientôt, leurs deux ombres se fondent en une.

* * *

« Woonie. »

Elle n’a pas fermé l’œil de la nuit. Celle-ci s’est avérée bien trop courte, et fermer les yeux équivaudrait à perdre quelques précieuses secondes de ce qui s’impose encore comme un songe. Les quelques heures qui viennent de s’écouler, la demoiselle les a passées à le regarder, lui, à détailler méticuleusement chacun des traits de son visage, à guetter la moindre expression qui s’y serait peinte. Crétine. Imbécile. Abrutie – les mots lui manquent pour vilipender sa propre bêtise, et elle reste là, figée dans cette muette et mièvre contemplation.

« Woonie. Yah. Song Hyun Woo. Réveille-toi. Il faut qu’on parte de là. Les femmes de ménage ne vont pas tarder à arriver. Elles ne doivent pas nous trouver ici. Erm. Surtout pas dans cet état. Yah… Lève-toi. J’ai besoin de récupérer ma robe, et t’es allongé dessus, et… Yah. »

Le grain de sa voix la surprend légèrement. Il lui paraît plus grave d’un ou deux tons, un peu rauque – encore chargé de la volupté de la nuit dernière. Fermant finalement les yeux un instant, Na Eun inspire une grande bouffée d’air qui devrait l’apaiser. D’une main incertaine, elle arrange ses boucles brunes en jusqu’alors en désordre, mais ses doigts brûlent de courir et se perdre dans sa chevelure à lui, sur sa peau à lui. Elle ne résiste que quelques temps à la tentation. Bientôt, son index souligne les contours du menton de Hyun Woo, descend le long de sa trachée, s’attarde sur sa pomme d’Adam. Un frisson la parcourt, et pourtant, elle pourrait demeurer ainsi des heures durant. Mais l’urgence de la situation rend la chose impossible.

« Woo… »

Un sourire semble passer furtivement au coin de ses lèvres ; mais ses yeux restent clos. Ce n’était sans doute qu’une fausse impression, une illusion. Na Eun l’ignore. Elle ne peut s’empêcher de l’embrasser.

Un sourire furtif se dessine aux coins de ses douces lèvres, sur lesquels vit encore le goût fruité et la passion indélébile de ses lèvres à elle. Alors qu'elle vient lui déposer un nouveau baiser sur ses lèvres, sa main gauche glisse le long de son dos et glisse dans sa chevelure longue et noir, déplaçant quelques mèches de cheveux l'empêchant de contempler son visage de porcelaine. Il glisse ses doigts le long de son menton pour remonter à sa joue, et toute la tendresse dont il fait preuve se dévoile dans chacun de ses gestes purement symboliques, dans chacun de ses regards doux quand il croise son regard à elle – ses prunelles chocolat dont le regard s'intensifie quand ses prunelles d'encre s'enfonce ainsi dans les siennes. Il l'attire à lui doucement et engouffre son visage dans son cou doucement. Il s'enivre de cette chaleur qui émane de leurs deux corps allongés sur le bureau. Il se délecte de la douceur de sa peau et du parfum de celui-ci – de son parfum, qui plus est, parfum qu'il n'a censé de humer pendant toute la soirée, parfum auquel il n'a cessé de penser jusque là. Relevant son visage vers elle, il sourit doucement et dépose à son tour un baiser furtif sur ses lèvres, échappant un léger rire. Son nez frotte le sien délicatement. Son front se pose contre le sien. Jamais encore, Hyun Woo ne s'est senti aussi « heureux », si « épanoui », si « vivant ». Il ne veut même pas sortir de cette étreinte qu'il ne lâche depuis des heures, étreinte qu'il resserre doucement de la force de ses bras musclés. La perdre une nouvelle fois – la voir se dérober entre ses mains comme l'autre fois – il ne le supporterait pas – pas une une deuxième fois. Il inspire une dernière fois l'air, son nez posé contre sa joue, et se détache d'elle lentement, cherchant par la même occasion ses propres vêtements jonchant le sol du bureau dans lequel ils s'étaient ainsi réfugiés tout le deux pour leurs ébats amoureux et intimes.

« Erm. Je... On a qu'à... Si tu veux, tu peux rentrer avec moi et... erm... prendre une douche, en premier lieu … ? »

Hyun Woo n'est pas habitué à ce genre de situation. La médiocrité de ses paroles révèlent parfaitement ce malaise qui anticipe ses actes autant que ses paroles. Il se saisit de sa chemise et la boutonne nonchalamment avant de se rapprocher d'elle doucement. Sa main glisse dans sa longue chevelure et il en hume une nouvelle fois l'odeur fruité. Hyun Woo est enivré par tout son être – par Na Eun tout simplement. Un sourire nait à nouveau sur ses lèvres et il ne peut sans doute pas se retenir de glisser ses doigts entre les siens, de se sentir proche d'elle – pas forcément comme au départ, pas forcément comme leur relation générale.

« Eun...nie. »

Il la quitte une nouvelle fois. L'un et l'autre se rhabille du bien qu'ils peuvent, cherchant dans chaque recoin de cette pièce sombre leurs affaires respectives. Il l'a quitte une nouvelle fois et son coeur, son corps, ne redemande que trop d'être à ses côtés, de la sentir près de lui. Hyun Woo aimerait comprendre ce qu'est ce sentiment – cette obsession qui le rend vulnérable auprès de Na Eun et pas avec les autres.

Elle t'a prise au dépourvue. Elle a pris le contrôle sur toi. Tu es faible. Tu lui appartiens. Tu es un esclave – son esclave. Et ce soir, tu es à elle.

Revêtue de leurs propres vêtements, presque gênés de cette nuit passé après les quelques minutes de révélation suite à leur réveil mutuel, il hésite légèrement et fait un pas vers elle, lentement. Sa main se glisse dans la sienne et il regarde sa montre d'un geste rapide. Dans dix minutes précises, les femmes de ménage débarqueraient dans le bureau dans lequel ils se trouvent l'un l'autre. Un soupir déchire l'atmosphère et ses doigts se resserrent entre ceux de Na Eun. Sont-ils ensemble, maintenant ?

« Et maintenant... nous... erm... Nous faisons quoi ? »

Il n'attend pas de réponse enfin de compte. Il ouvre la porte doucement, le cliquetis retentissant dans tout le couloir vide et il l'a tire hors de ce bureau emplis de souvenirs diverses dont il rêvera surement la nuit prochaine et les nuits suivantes. Il ne rêve que d'elle depuis déjà des semaines, des mois. Elle le hante considérablement – mais ce n'est qu'aujourd'hui qu'il ne se rend compte de sa réelle importance dans son coeur – de sa place dans son coeur. Ses doigts brûlent contre les siens, et ses lèvres aimeraient encore une fois capturer les siennes – il y aurait eu une foule d'élèves, qu'il ne serait pas soucier de l'embrasser en publique, mais debout dans le couloir du troisième étages, près des dortoirs utilisés par les élèves internes – dortoirs occupés par des élèves endormis et fatigués de leur soirée inachevé – il incline son visage vers elle et dépose un léger baiser sur ses lèvres. Sans doute ne prévoit-il jamais quand la tentation et la passion qui s'exercent comment des aimants en lui, provoque des pulsions inattendus – faisant glisser ses mains sur ses hanches, le long de sa taille, dans son dos, se plaquant un peu plus contre elle, ses lèvres ne quittant une nouvelle fois, plus les siennes. A bout de souffle, il ose souffler ses mots qui s'est toujours interdis de dire.

« Je... Je... t'aime... Eunnie... »

Les vacances s’achèvent, et sans conviction, tu te rends à l’école. Les quelques semaines qui viennent de s’écouler n’ont pas été de tout repos ; Omma a constaté tes faiblesses en statistiques et en probabilités. En conséquence, des cours intensifs lui ont été dispensés tout au long de l’été. C’est à peine si tu es sortie de chez toi, c’est à peine si tu l’as vu, lui.[i] Un soupir passe tes lèvres, tandis que tu secoues la tête, navrée de te montrer si faible, si dépendante. Mais déjà, une voix retentit et prononce ton nom, et la solitude qui t’étouffait se dissipe soudain. Ton monde se remplit. Il est là.

Le silence qui enveloppe encore les couloirs a quelque chose de rassurant. Seuls leurs pas y résonnent, et ils se trouvent comme à l’écart du monde et de ses ennuis. Quand le jeune homme l’attire contre lui, Na Eun ne résiste pas. Elle le laisse la guider et l’embrasser. Passant ses bras autour de son cou, pressant son front contre le sien, elle prolonge même l’étreinte te ne la relâche qu’au bout de longues minutes. L’atmosphère est encore toute chargée d’intimité ; parler à voix haute passerait presque pour sacrilège. C’est pourquoi seul un faible murmure naît au fond de sa gorge :

« Tu l’as déjà dit. Mais ne le répète pas trop. Sinon, je vais m’y habituer. Comme une imbécile, je ne pourrai même pas m’en passer. Et alors, si jamais un jour tu pars ou, tout simplement, si tu t’éloignes, alors qu’est-ce que pourrais encore faire ? Tsst. T’es bête. »

Tout cela manque encore de réalité ; certes, cette nuit, les preuves concrètes ont abondé. Si elle ferme les yeux, la jeune fille est sûre de retrouver sur sa peau la sensation des baisers qu’il y a égrainé. Rien qu’à cette pensée, il lui faut même inspirer très profondément de peur que son cœur manque un nouveau battement. S’astreignant au calme et à la tranquillité, Na Eun ne se meut qu’avec lenteur, ses gestes marquent presque de l’hésitation. Doucement, ses mains rajuste le col de sa chemise, puis glisse le long de son coup, jusqu’à sa mâchoire. En silence, ils échangent un regard ; les larges cernes qui soulignent encore ses iris sombres n’échappent pas à son attention et lui rappellent que, là, dehors, d’autres soucis, d’autres douleurs attendent Hyun Woo. Les interrogations concernant leur relation qui, d’heure en heure, couvent en son sein sont donc à réprimer. Inclinant la tête sur le côté, elle reprend la parole dans un chuchotement :

« On parlera de ça plus tard, d’accord ? Pour l’instant, tu ne peux que rentrer chez toi, te doucher et t’habiller. Puis avec Hyun Ki l’affreux, le terrible, l’insupportable, tu iras rendre visite à Song Ajuhsshi. Il a besoin de vous, et vous avez besoin de lui. Il doit encore y avoir.. ; y avoir des choses à régler. »

Na Eun s’interrompt un instant, se demandant si elle devrait l’accompagner. Les maisons endeuillées ne l’ont jamais particulièrement attirées, mais si c’est pour lui, si c’est pour son bien, la jeune fille se sent prête à consentir à quelques sacrifices. Cependant, elle ne veut pas faire intrusion dans ce foyer qui a déjà beaucoup à gérer. Ses mots maladroits risqueraient de blesser ou de raviver des plaies. Mieux vaut donc s’abstenir, même si cela signifie le laisser partir seul.

« Quant à moi, il est hors de question que je sorte d’ici avec des ailes accrochées dans le dos. J’ai un uniforme de rechange dans mon casier, je vais aller le chercher… Je viendrai chez toi plus tard, d’accord ? Ce soir ou demain… Je… »

Elle se tait une fois encore, à court de mots. Fermant les yeux un instant, elle hésite, mais se décide rapidement. Consciente que seuls des actes peuvent suppléer là où la parole fait défaut, la jeune fille se hisse sur la pointe des pieds et vient l’embrasser sur la joue. Mais ce n’est pas assez, cela ne peut plus être assez. Alors il ne lui reste plus qu’à céder, plus qu’à oser prononcer ce qu’elle n’a jamais pu dire auparavant.

« Je t’aime aussi. A un point que tu ne peux même pas imaginer. Quand tu n’es pas là, c’est comme un puzzle incomplet, et je regarde mon téléphone. Toujours à guetter, toujours à attendre. Même quand tu es là, parfois, cela ne semble pas être assez. Si tu savais à quel point je me sens ridicule… mais… Je t’aime. »

Ses doigts glissent sur son poignet, comme pour la retenir dans son élan de fuite – car oui, elle fuit – elle fuit cette douce réalité qui s'annonce brutalement à leurs yeux. Ils sont fait l'un pour l'autre. Soupirant, il enlace ses épaules de ses bras et dépose son menton sur le haut de son crâne, en fermant les yeux. Il profite du moment, car, rare ont été les fois où il eut pu pleinement profiter de sa présence – surtout depuis son accident. Il s'en est allé comme un voleur sans dire un mot, il y a des mois de cela pour devenir une « star » comme-ci cela lui a été bénéfique par la suite, même pas, c'était ça le pire dans l'histoire. Chaque geste qu'il émet à ses côtés semblent doux, et fragile – faible et léger – réagissant à chacune de ses réactions. Hyun Woo est surpris – de cette facilité à l'embrasser, à l'enlacer, à l'avoir à ses côtés. Mais la fuite, la chute, ne sera t-elle pas plus rude si elle disparaît de son champ de vision dans quelques minutes ? Hyun Woo ne peut pas la laisser partir comme cela – pas ainsi – et même avec des ailes dans le dos, il est capable de la faire sortir, de force. Un soupir glisse d'entre ses lèvres et il se résigne à la laisser partir, lâcher son emprise sur elle.

« Duh... Mwé... C'est pas... un rêve ne? »

Si s'en était un, peut-être se serait-il déjà réveiller à l'heure qu'il est ? Si s'en était un, elle le frapperait déjà, elle lui crierait dessus, elle ferait tout ce qu'elle a toujours fait ? Ce n'est pas un rêve. Il le sait. Il veut juste se persuader de cette réalité – douce réalité qu'il admire, qu'il apprécie au plus profond de son être. Hyun Woo est amoureux – mais encore ? Que devient le reste ? Que devient cette tristesse qui l'a emparé quand elle l'a ignoré, quand elle n'a pas cru en cet amour qu'il lui porte ? Joue t-elle la comédie, en criant ainsi ses doux mots qu'il n'a encore pas entendu de ses lèvres depuis des années ? Joue t-elle ? Ment-elle ? Si c'est le cas, alors qu'il parte, si c'est le cas, alors qu'il meurt – Hyun Woo ne supporterait pas d'une plaisanterie venant d'elle – il l'aime et cela, elle le sait.

« Tu reviens ne? Yah. Je... Je veux que tu m'appelles dès que... dès que tu es chez toi. Non. Tu viens. Noooon. Je t'attends. On va à ton casier, tu te changes, et... et on... y va... »

Malgré la réalité si parfaite qui s'offre à ses yeux, il en oublie le reste. Il oublie les funérailles – il oublie le deuil qu'il devrait déjà être en train de préparer en compagnie de Hyun Ki et Oppa Song. Il est incapable de rentrer, il est incapable de croiser le regard de Na Eun quand le trouble se lit sur son visage perdu par ses pensées se remémorant le reste de l'histoire qu'il eut voulu oublier. « Omma est morte. » ça... il ne pouvait pas l'oublier. Indépendamment de lui, il se doit de rentrer et de faire face, mais si elle était là, ca serait si simple, si facile – un jeu d'enfants, leur jeu d'enfants.

« Viens... Ne me laisse pas... je sais que tu en as horreur, mais... je ne peux pas... »

Il se mord la lèvre et ne peut achever sa phrase. « je ne peux pas supporter, je ne peux pas affronter. Je n'ai pas la force. » son regard dit tout ce qu'il pense. Son léger sourire frustre particulièrement Na Eun, sans doute – son sourire enjoué, et heureux, s'en est allé, s'est éteint, révélant la tristesse de la nuit dernière, tristesse qu'il n'eut pu qu'oublier en sa présence, dans leurs mouvements, lovés l'un contre l'autre, leurs lèvres ne voulant plus se quitter. Sa main glisse vers la joue de Na Eun, il frôle celle-ci du bout de ses doigts. Sa lèvre inférieur tremble. Ses yeux piquent. Il n'a pas le droit de pleurer en sa présence, alors peut-être devrait-il seulement la laisser partir et fuir, pleurer et se morfondre de la mort de sa mère. Hyun Woo est pourtant fort – Hyun Woo est pourtant un être doté d'un courage visible sur son visage – mais la faiblesse qui s'éprend de lui, elle, elle est plus forte, plus intense, plus puissante que tout le reste – mais pas aussi puissante que son amour pour elle. C'est une certitude.
« Tu... veux bien venir ? Je... je ne t'oblige pas. Tu peux rentrer... Mieux, rentre. Ne te préoccupe dont pas. Je dis des bêtises. Ce... ce n'est rien. Hyun Ki sera là et … Appah.. et...  »

Sa lèvre tremble encore une fois. Et ses yeux piquent. Mais il l'aime.