Hyun Ki tourna un regard hagard vers Misun. Elle était belle. Il ne l'avait jamais ignoré. Mais la blancheur immaculée de son costume et de sa perruque, associée au maquillage lunaire qui habillait ses yeux, la rapprochaient de la vision divine. Pleine d'innocence, qui aurait ainsi pu deviner ce qui vivait dans son ventre, à cause de lui ? A la pensée de cet être à peine formé qui grandissait en elle, son cœur se pinça un peu plus encore. Une partie de lui, une partie d'elle. Il serait tout à fait eux tout en étant différent à la fois. L'objet de leur amour, de leur histoire. Hyunki avait toujours adoré les enfants, et c'était toujours imaginé comme un père... un bon père. Mais les circonstances n'étaient pas les bonnes. Et Hyunki n'avait jamais aussi peu souhaité être parent que maintenant. Se rendant soudain compte qu'il fixait Mi Sun, il détourna le regard vers le comptoir, impassible. Les paroles de la jeune femme lui tirèrent un rire froid et sans humour.

« Je suis désolé pour ta maman... »
« A quoi bon ? Elle n'est plus là pour t'entendre. »

Il leva un doigt, commandant un verre au barman. Finalement, peut-être que Hyunwoo tenait la bonne solution. Peut-être que l'alcool lui permettrait d'oublier ses soucis, pour quelques heures... c'était tout ce qu'il demandait après tout. Pourtant, lorsqu'on lui servit le verre, il le repoussa avec dégoût. Non, même la douleur la plus intense ne l'amènerait pas à user de moyens si bas et si pitoyables. Non, il allait se battre. L'adversaire était impalpable, invisible; il se terrait et surgissait à l'improviste, se glissait, tel une brume glaciale, entre ses pores et dans les tréfonds de son âme. Mais Hyunki n'était pas du genre à abandonner, même face à lui même. Il ne pouvait affirmer qu'il retrouverait sa joie de vivre – il avait trop de colère pour revenir en arrière – mais il pouvait au moins ne pas sombrer totalement. Oui, ça, au moins, c'était dans ses cordes.

Cela faisait des jours qu'il n'avait plus pris ses pilules. Étrangement, il ne craignait pas la crise pulmonaire. Son corps ne l'inquiétait plus, depuis que son esprit était souffrant. Il s'était demandé ce qui le retenait encore. Un frère qui se renfermait sur lui même et ne vivait plus que pour Yoo Na Eun, cette fille qui elle même ne pouvait pas supporter Hyunki pour d'obscures raisons; une mère qui avait succombé à la maladie; une copine qui s'éloignait et avait affirmé le 'détester'. Mais lorsqu'il la voyait ainsi.. il ne pouvait se résoudre à imaginer qu'elle le haïssait vraiment. Sinon, pourquoi serait-elle venu le voir, alors qu'il était dans un état pitoyable ?

« Avorte. » Le mot était sorti de lui même. Seul. Unique. Il était tombé comme une sentence, qui n'acceptait aucune protestation. Il tourna son visage vers le sien. « Avorte. Ni toi, ni moi ne sommes près à être parent. Nos carrières sont en train de prendre leurs envols. Je ne veux pas que ton avenir en soit affecté. Et quand bien même... je pourrais le garder. Mais garder un enfant dans mon état psychologique relèverait du suicide, tu le sais bien. »

Il se leva, sans plus accorder un regard au verre qu'il avait souhaité entamer quelques minutes plus tôt. Face à Misun, encore assise, il porta un doigts jusqu'aux cernes de la jeune femme, qui transparaissaient même à travers son maquillage. Un mine tendue se peignit sur son visage, dans une faible tentative de paraître détaché.

« Si tu veux encore de moi après tout ça... nous aurons un enfant. Notre enfant. Notre famille. Mais pas pour l'instant. »

Il caressa avec douceur la joue de Misun. Malgré tout, elle faisait battre son cœur. Ce dernier s'emballait, alors qu'il n'était qu'un organe flétri depuis plusieurs jours.

« Je suis désolé pour ta maman... » « A quoi bon ? Elle n'est plus là pour t'entendre. » Je tressaillais. Il ne pouvait pas être aussi froid, aussi imperturbable alors qu'il venait de perdre sa propre mère. Si je n'étais plus vraiment moi-même ces derniers jours, je me rendais compte à quel point ce décès le perturbait, le touchait. Les sourcils froncés, je me tournais finalement vers lui, alors que j'étais décidé, jusque-là, à ne pas l'affronter. « Ne dis pas ça... » Il leva la main et le barman lui servit un verre remplit d'alcool. Il n'y toucha même pas. Mon regard s'attarda sur les contours de son visage. J'avais mes propres problèmes et j'avais tenté de l'éloigner de moi, histoire de ne pas le faire souffrir plus que nécessaire. Mais j'étais faible. Faible face à lui, face à cet avenir effrayant qui se dessinait devant moi, face à ces questions sans réponse. Je n'arrivais pas à l'exclure totalement de ma vie. J'avais besoin de lui. Mais je ne pouvais pas le lui montrer. Personne n'était au courant, à part lui. Je m'éloignais de tout le monde, de peur d'être rejetée. Ni mes parents, ni Min Ah, ni Jun Hae n'était au courant. Personne. J'avais souvent hésité à les mettre au secret. Mais c'était au dessus de mes forces. Ils étaient trop importants pour moi pour que je puisse me permettre de les perdre complétement. Il n'y avait plus qu'une seule personne en qui je faisais confiance. Hyun Woo. Parce qu'il avait changé, parce que nous nous étions rapproché après son accident, parce qu'il ressemblait à Hyun Ki, tout en étant son total opposé. Parce qu'il avait ses propres problèmes et qu'il ne me jugerait pas.


« Avorte. » Ma respiration se bloqua d'elle-même, comme s'il m'avait frappé. Avorte. Ce mot résonnait douloureusement dans ma tête. Je tournais lentement la tête vers lui, les yeux écarquillés dans un mélange de surprise et de peur. Avorte. « Hyun Ki... » Il se tourna vers moi, impassible. « Avorte. Ni toi, ni moi ne sommes près à être parent. Nos carrières sont en train de prendre leurs envols. Je ne veux pas que ton avenir en soit affecté. Et quand bien même... je pourrais le garder. Mais garder un enfant dans mon état psychologique relèverait du suicide, tu le sais bien.  » J'étais incapable de bouger. Il bouleversait tout. J'avais espérait qu'il soit heureux de cette nouvelle. Oui, au fond de moi, j'avais voulu qu'il me soutienne, qu'il me pousse à garder cet enfant. Pendant ces jours où j'étais resté enfermée dans ma chambre, j'avais eu le temps de réfléchir. Voulais-je réellement me débarrasser de cet être qui grandissais en moi? Alors qu'il était une partie de Hyun Ki? Ces heures entières passées dans le noir m'avaient permis de me façonner l'image de ce bébé. S'il s'agissait d'une fille, elle aurait ma fine carrure mais le sourire de son père. S'il s'agissait d'un garçon, il tiendrait son caractère de son père et aurait mon regard. Étrangement, le cauchemars s'était transformé en rêve. Ma première réaction avait été de rejeter l'idée de mettre cet enfant au monde. Puis, j'avais eu l'espoir de pouvoir gérer une vie de famille normale tout en devenant une Idole. Je pensais en être capable si Hyun Ki était à mes côtés. Mais voilà qu'il réduisait mes espérances à néant. Avorter... Cela avait été ma première solution. Mais désormais, cela devenait un crime terrible à mes yeux. Je ne voulais pas. Je ne voulais plus. Plus maintenant.

Je baissais les yeux et remarquais les tremblements qui secouaient mes mains. Je serrais les poings et relevais la tête, une nouvelle lueur déterminée dans le regard. Hyun Ki s'était levé et se tenait devant moi. Je détournais la tête, les lèvres serrées. Il pensait sûrement à nous. A ne pas ruiner ma vie et la sienne. Il pensait faire la meilleure chose qui soit. Mais je n'étais plus d'accord. Et il n'était pas en position de choisir. Ses doigts caressèrent mon visage, déclenchant un torrent de frissons. Je fermais les yeux tandis que sa main glissait sur ma joue. Chaque contact me faisait perdre le contrôle. J'en avais toujours été consciente. Mais je ne pouvais jamais y échapper. Même pour lui, je n'étais pas capable de résister, d'être forte. Ma main vola jusqu'à la sienne et j'entremêlai nos doigts. Avec un soupire, j'écartais sa main de ma joue, toujours liée à la mienne. « Hyun Ki... » Je levais les yeux vers lui. « Si tu veux encore de moi après tout ça... nous aurons un enfant. Notre enfant. Notre famille. Mais pas pour l'instant. » Shimjangi maleul deudjil ana.* « Je croyais qu... » Ma voix se brisa et je dû attendre quelques secondes afin de pouvoir parler à nouveau. « J'étais effrayée. Par ta réaction, par celle de mes parents, de mes amis. Parce que je ne savais pas quoi faire. Mais je pensais que tu serais heureux. Que, même si je décidais de ne pas le garder, tu serais heureux d'apprendre que... Parce qu'il est... Il est à moitié nous Hyun Ki. Il est à nous... Je...  » Je me relevais brusquement, les jambes tremblantes. Je retenais au bar, pour éviter de tomber. Mon cœur est partagé entre l'écouter, le garder près de moi ou lui tenir tête, laisser grandir cet être en moi et perdre l'amour de ma vie. Que dois-je faire à présent? Partir? Rester? Le repousser? Encore.. Je suis misérable, pitoyable. Faible créature incapable de prendre une décision importante seule. Et il y a toutes ces images qui tourbillonnent dans ma tête, qui m'empêche de réfléchir. Hyunki, mes parents, le directeur de la S-A, mon manager, ma première nuit au dortoir, les séances d'enregistrement, les visages joyeux de mes meilleurs amis, mon reflet dans le miroir, ces nuits interminables... Seule... « Qu'est-ce que je dois faire Hyun Ki? Je ne sais plus... Je... Ne me laisse pas... » Et ces larmes acides qui coulent sur mes joues, incapables d'attirer mon attention. Je m'éloigne, je dérive, je me perds.

Spoiler:

« Ne dis pas ça... »
« Si, je le dis. C'est la pure réalité. Inutile de se voiler la face. Omma est morte. Omma est... à cause de ces enfoirés. »

Le verre qu'il tenait dans ses mains, et qu'il n'avait même pas entamé, tinta lorsque d'un mouvement brusque du poignet, il le reposa avec violence sur le comptoir. Plusieurs regards se tournèrent vers eux, mais Hyunki ne les vit pas. Il ne voyait plus rien, mis à part sa colère; mis à part Misun, qui était toute proche, et qu'il ne pourrait jamais, au grand jamais, effacer. C'était plus fort que lui: elle était toujours là, quelle que soit la situation, et il n'avait même pas la force de l'ignorer. Elle lui était nécessaire – surtout maintenant, même maintenant. Il ne voulait que son bien, même si elle considérait peut-être que ce 'bien' n'était qu'un 'mal'. Elle entrelaça leurs doigts, et il soupira; elle soupira elle aussi, tandis qu'elle obligeait ses doigts à lui à quitter sa joue. Son visage montrait un profond trouble.

« J'étais effrayée. Par ta réaction, par celle de mes parents, de mes amis. Parce que je ne savais pas quoi faire. Mais je pensais que tu serais heureux. Que, même si je décidais de ne pas le garder, tu serais heureux d'apprendre que... Parce qu'il est... Il est à moitié nous Hyun Ki. Il est à nous... Je... »
« Je sais Misun. Mais... nom d'un chien, tu n'as que dix huit ans. Tu es encore une gosse, Misun. Tu es encore si fragile. »

Elle se levait, et brusquement, il l'attira à lui, passant ses bras dans son dos, une de ses mains venant caresser ses cheveux, avec une tendresse infinie. Un long moment se déroula, dans le silence; la musique autour d'eux était assourdissante mais Hyunki ne l'entendait pas. Les corps autour d'eux se déhanchaient furieusement, mais Hyunki ne les voyaient pas. Il n'y avait qu'elle et lui; il sentait ses larmes qui venaient s'écraser contre le tissu de sa chemise, et il la serrait plus fort encore.

« J'ai rêvé de cet enfant, Misun. C'est avec toi que je veux construire ma vie, ma famille, ma réussite. C'est avec toi, et uniquement toi, que je veux vivre. Je ne veux que le meilleur. C'est pour ça que... » Il fit une pause, cherchant à démêler ses sentiments, qui s'écrasaient contre les rochers de son esprit. « Je ne veux pas gâcher la vie d'un enfant. Je veux qu'il soit là dans les meilleures conditions. Je ne veux pas que tu construises ta vie sur des regrets, et que, plus tard, tu soupires que tu aurais pu être mondialement connue. Que tu aurais pu avoir la vie de tes rêve. Cette vie est à ta portée. Saisi là. Cette occasion est unique; alors que des enfants, nous pourrons en avoir bien plus tard. Pleins, si tu le souhaite. Je m'occuperai d'eux, nous nous occuperons d'eux. »

Il la détacha quelque peu de lui, horrifié par les larmes qui avaient fait couler le maquillage immaculé. De larges sillons blancs striaient la peau ivoire de la jeune femme, et les doigts froids de Hyunki ne purent en effacer la totalité, malgré toute sa bonne volonté. N'y tenant plus, il embrassa les lèvres tremblantes de Misun; et son visage resta à quelques millimètres du sien, ses yeux plongés dans les iris rendues brillantes par les larmes. Cette vision l'insupportait: elle aurait dû être heureuse, et les évènements se succédaient de telle manière à ce que le moindre bonheur soit impossible.

« Qu'est-ce que je dois faire Hyun Ki? Je ne sais plus... Je... Ne me laisse pas... »
« Je n'en ai pas l'intention. Je ne veux pas te faire souffrir Misun. J'essaye simplement de faire ce qui est le mieux pour toi. Fais-le... avant que cet enfant ne prenne trop de place, avant qu'il ne devienne un être à part entière. Je t'en supplie... »

« Tu n'as pas à endurer ça. » c'est ce que ses pupilles hurlaient silencieusement. Mais il ne pouvait décemment pas lui murmurer à l'oreille, car elle n'en aurait été que davantage troublée et peut-être énervée. Hyunki n'avait plus d'armes en main; et il en pouvait plus qu'espérer.

« Mais... la décision te revient. Je m'alignerai. Et... quelle qu'elle soit, je ferais ce qui est nécessaire. J'oublierais les malheurs, j'oublierais tout... pour que cet enfant soit heureux. Je... Je te le promet. »

« J'étais effrayée. Par ta réaction, par celle de mes parents, de mes amis. Parce que je ne savais pas quoi faire. Mais je pensais que tu serais heureux. Que, même si je décidais de ne pas le garder, tu serais heureux d'apprendre que... Parce qu'il est... Il est à moitié nous Hyun Ki. Il est à nous... Je... » « Je sais Misun. Mais... nom d'un chien, tu n'as que dix-huit ans. Tu es encore une gosse, Misun. Tu es encore si fragile. » Je me levais brusquement, titubant quelques secondes avant de m'agripper au bar comme s'il s'agissait d'une bouée de secours. Et soudain, je me retrouvais dans ses bras, une de ses mains caressant mes cheveux - du moins, la perruque que je portais mais le geste était le même et gardait sa signification de base. Il avait besoin de moi et j'avais besoin de lui. C'était une équation si simple d'apparence mais difficile à vivre. L'éloignement, aussi bref fut-il, me mettait dans un état d'anxiété si terrible que lorsqu'il était parti tourner son drama, j'avais plongé dans une sombre dépression. J'aurais voulu me rebeller, affirmer haut et fort que je garderais cet enfant, que rien ne pourrais m'empêcher de le mettre au monde. J'aurais voulu être courageuse et non pas la faible créature qu'il décrivait. Je n'étais plus une gosse. Je n'étais pas fragile. J'étais seulement à bout. « J'ai rêvé de cet enfant, Misun. C'est avec toi que je veux construire ma vie, ma famille, ma réussite. C'est avec toi, et uniquement toi, que je veux vivre. Je ne veux que le meilleur. C'est pour ça que... Je ne veux pas gâcher la vie d'un enfant. Je veux qu'il soit là dans les meilleures conditions. Je ne veux pas que tu construises ta vie sur des regrets, et que, plus tard, tu soupires que tu aurais pu être mondialement connue. Que tu aurais pu avoir la vie de tes rêves. Cette vie est à ta portée. Saisi là. Cette occasion est unique; alors que des enfants, nous pourrons en avoir bien plus tard. Pleins, si tu le souhaites. Je m'occuperai d'eux, nous nous occuperons d'eux. » Il m'éloigna légèrement de lui, m'arrachant à la chaleur rassurante de son corps. Je relevais la tête tandis qu'il tentait vainement de nettoyer le maquillage qui avait coulé sur mes joues. Ses paumes emprisonnèrent mon visage, ses lèvres rejoignirent les miennes dans un soupire, telle une promesse silencieuse. Il ne m'abandonnerait pas. Pourtant, j'étais dans un tel état d'anxiété que je réussissais encore à douter de sa présence auprès de moi. « Qu'est-ce que je dois faire Hyun Ki? Je ne sais plus... Je... Ne me laisse pas...» « Je n'en ai pas l'intention. Je ne veux pas te faire souffrir Misun. J'essaye simplement de faire ce qui est le mieux pour toi. Fais-le... avant que cet enfant ne prenne trop de place, avant qu'il ne devienne un être à part entière. Je t'en supplie...» Je baissais la tête, fuyant son regard, m'accrochant à sa veste pour ne pas m'écrouler. Je sentais mes mains trembler violemment, mais je n'y prêtais pas attention.

J'étais incapable de choisir. Si je gardais ce bébé, je perdais Hyun Ki. Or, sans lui, ma vie n'avait plus aucun sens. Mais aurais-je suffisamment de courage pour me débarrasser de cet enfant? S'il me l'avait demandé deux jours plus tôt, je l'aurais fait sans hésiter. Mais maintenant, il était trop tard. J'avais eu le temps de réfléchir, de m'imaginer mon avenir avec un mini-Hyunki, de créer une vision particulièrement précise de ce bambin. De m'inventer une vie totalement différente de maintenant mais qui restait pourtant, une terrible tentation. J'avais l'impression que devenir mère donnerait un sens à mon existence. Mon rêve d'être exposée aux yeux du monde, de devenir une Idole nationale - voir internationale - me paraissait désormais égoïste, presque inutile. Je voulais offrir du bonheur aux gens, en croyant que mes chansons pourraient illuminer leur quotidien. Mais au fond, ce n'était pas totalement vrai. Je voulais être reconnue, être célèbre dans le simple but d'être arrêté dans la rue pour signifier un autographe ou prendre une photo, être en première page des magazines, être l'égérie d'une célèbre marque de maquillage/parfums/vêtements. Aujourd'hui, je me rendais compte que ce rêve reflétait mon côté narcissique dont je n'avais pas encore conscience. J'avais travaillé tellement dur pour en arriver jusque-là. J'étais à deux doigts de réaliser ce fameux rêve, malgré les obstacles que j'avais rencontrés - mon accident ayant été terriblement difficile à accepter. J'avais été choisi pour intégrer un groupe d'Idoles, nous avions commencé l'enregistrement de notre premier single et l'entrainement pour notre chorégraphie. Bref, je devenais ce que j'avais toujours espéré devenir.

J'avais pourtant ce terrible choix à faire. Ou plutôt, non, ces choix. Hyunki ou le bébé? Ma carrière ou le bébé? Moi ou le bébé? Quelle que soit la direction que je prendrais, je savais qu'il resterait, au fond, un puissant regret. Hyun Ki avait raison. J'étais trop jeune, trop immature, trop fragile. Je n'étais pas capable de m'occuper d'un enfant. Pourtant, je le désirais avec une telle force que cela en devenait presque douloureux. J'avais toujours porté une affection insensée aux tout-petits. La tendresse immense que je portais envers mon petit-frère en était la preuve. J'étais incapable de gronder un enfant. Alors, mettre fin à une vie en formation - une partie de moi qui plus est - relevais d'un effort inhumain. Je devrais prendre sur moi, comme je le faisais depuis plusieurs mois. Pour Hyun Ki, pour ma famille et - égoïstement - pour moi-même. Si je choisissais l'enfant, je passerais le reste de ma vie a regretter ma très courte carrière. Mais si je choisissais de passer ma jeunesse sur scène, arriverais-je à oublier mon bébé? Quelle que soit ma décision, je savais que j'allais le regretter. « Mais... la décision te revient. Je m'alignerai. Et... quelle qu'elle soit, je ferais ce qui est nécessaire. J'oublierais les malheurs, j'oublierais tout... pour que cet enfant soit heureux. Je... Je te le promet. » Serais-je suffisamment égoïste pour ajouter ce poids sur ses épaules, pour gâcher sa vie? Serais-je suffisamment égoïste pour faire passer mon rêve en premier et... avorter? Je haïssais ce mot. J'avais toujours été pour l'avortement, je voyais ce moyen comme une issue de secours. Mais aujourd'hui, tandis que j'y étais réellement confronté, il devenait le pire instrument de torture mentale. Serais-je suffisamment courageuse pour détruire à une partie de moi, une partie de lui? En quelques paroles, il avait tout briser. J'avais pris ma décision mais il venait de réduire à néant, tout ce dont pourquoi j'avais décidé de me battre. Je voulais le garder. L'élever, seule s'il le fallait. Mais je voyais dans le regard de Hyun Ki, une sincérité qui me bouleversait. Il était prêt à tous les sacrifices, si cela pouvait me rendre heureuse. Je ne pouvais pas lui infliger cela. Je respirais profondément, essayant mes larmes d'un geste rageur et levant la tête dans un élan de vigueur. « Je vais le faire. Je vais... m'occuper de ça. Pour toi. » Mon regard noir se transforma et plongea tendrement dans le sien. « Pour nous... » J'essayais de sourire mais je ne réussis à produire qu'une pitoyable grimace.

« Je vais le faire. Je vais... m'occuper de ça. Pour toi. Pour nous... »

Le faible sourire qu'elle lui adressa ne suffit pas à ôter l'éclat soucieux qui tremblait dans les yeux de Hyun Ki. Il ne pouvait pas décemment se réjouir. Il savait que c'était la bonne décision, pour lui, mais pour elle surtout, ou du moins, l'espérait. Comment être sur à cent pour cent qu'il ne venait pas de faire une bêtise ? Après tout, il venait de condamner une vie, innocente, inoffensive. Mais se dire qu'arriver maintenant aurait bien vite blessé cette vie inoffensive le rassurait quelque peu, et le confortait dans son choix. Il serra Mi Sun dans ses bras. C'était son seul moyen de la rassurer, de la réconforter.

Autour d'eux, la musique se calma, jusqu'à descendre dans des tons plus doux, plus légers. Hyun Ki eut un demi sourire – le premier depuis de longs jours. Maintenant que la décision était prise, que le plus restait à venir, il lui fallait lui faire oublier. La rendre heureuse, un bonheur qui surpasserait le malheur de perdre leur enfant. Leur enfant... C'était deux mots qui sonnaient étrangement dans son esprit. Hyun Ki prit la main de Mi Sun, et l'entraina doucement vers la piste de danse. Elle, qui se fondait si bien dans la masse des déguisements, mais tranchait au milieu des tons noirs et sombres, et se détachait par sa beauté, et lui, si sobrement habillé, sans la moindre tentative de déguisements, semblaient bien étrange dans cette foule d'adolescents joyeux. Eux, avaient sur leurs visages des mines contrites, quelques peu atteintes par leur conversation, par les circonstances. C'était cela que Hyun Ki voulait effacer. Alors il fit tourner Mi Sun sur elle même, avant de la ramener contre lui et de poser ses deux mains sur les hanches fines de la jeune femme. Ces quelques mouvements lui rappelaient combien ils avaient été heureux, il n'y avait pas si longtemps que ça, lorsqu'il était entré dans cette salle de danse, et qu'ils avaient esquissés quelques pas, elle et lui. A cette époque ou il était encore incapable d'assumer ses sentiments et qu'il n'était qu'un jeune homme timide et incertain devant elle. Maintenant... il avait l'impression que leur relation n'avait plus rien de ce goût d'innocence. Ils se soutenaient l'un l'autre, et finalement, même si les apparences pouvaient prouver l'inverse, ils étaient là l'un pour l'autre. Ils avaient gagné en maturité, il avaient subis les aléas de la vie, malgré leur si jeune âge. Et ils étaient là. Alors que bien des couples se brisaient pour si peu de choses. Et au fond de lui, Hyun Ki savait qu'il ne pouvait se permettre de perdre Mi Sun. Parce qu'après son conflit avec son frère, la mort de sa mère, il n'avait plus qu'elle comme branche à laquelle se raccrocher. La perdre serait le coup de couteau fatal. Celui que l'on plante dans le dos, sournoisement, et que l'on ne s'attend pas à recevoir. La douleur est fulgurante, mais avant tout, le sentiment de trahison laisse un goût amer. Il se demanda si elle ressentait la même chose. Si il était l'élément indissociable de sa vie, comme elle était cet élément pour lui. Peut-être par arrogance, plus surement par réalisme, il savait que c'était le cas. Il n'avait pas pu ignorer la douleur qu'il avait pu lire dans ses yeux lorsqu'ils s'étaient quittés lors de son départ, il n'avait pu ignorer qu'elle avait semblé revivre lorsqu'il était revenu. Il tenait dans ses doigts l'étincelle de vie de Mi Sun. Elle tenait dans sa main sa vie à lui. Cela semblait bien théâtral, comme métaphore, mais ça se résumait à ça. Indissociables et inséparables.

« Pardonne moi, Mi Sun. De t'avoir fait souffrir. De te faire souffrir. Je... ça ne se reproduira plus. »

Ils s'arrêtèrent au milieu de la chanson, tandis que les autres continuaient de tourner. Hyun Ki caressa à nouveau les cheveux de la jeune femme. Mais ce n'était pas ses cheveux qu'il caressait, seulement cette perruque blanche. Il l'ôta avec délicatesse, remit en place de ses doigts légers les cheveux auburn de Mi Sun, et replaça une de ses mèches derrière son oreille, un sourire presque invisible sur ses lèvres. Il la serra contre lui avec plus de force, de peur qu'elle ne s'en aille, et pourtant, à cette peur succédait celle qu'elle ne s'effrite, dans son étreinte, telle une poupée de papier sous la pluie.

« Je suis sûr que tu vas devenir une grande chanteuse, Mi Sun. J'en suis persuadé.»

Pauvres paroles bien inutiles, qui n'était qu'une manière d'essayer de la faire sourire. Quelques mots bien illusoires et éphémères, mais qui représentaient sa seule arme. le seul argument qu'il possédait pour lui faire oublier, en dehors de sa seule présence. Le seul argument, car c'était son rêve depuis des années. Un rêve qu'elle pouvait déjà toucher du bout des doigts, et qui semblait si proche. Qui venait de se rapprocher d'elle maintenant qu'elle avait pris sa décision. Hyun Ki lui adressa un sourire. Mi-désolé, mi-rassurant.

La musique se transforma, en accord avec la décision que je venais de prendre. Les bras de Hyun Ki se refermèrent autour de moi. Je me laissais aller contre lui avec reconnaissance. J'avais l'impression d'être glacée malgré la chaleur étouffante qui régnait dans la salle. Il s'écarta soudainement, glissant ses doigts entre les miens et m'entraîna doucement au milieu des autres corps enlacés. Il me fit tournoyer un instant avant de me ramener vers lui, ses mains sur mes hanches. J'entourais sa taille de mes bras et enfouissant mon visage dans sa veste. Son parfum me ramena à une époque que je jugeait désormais particulièrement ancienne alors qu'elle ne datait que de quelques mois. Une époque où j'étais encore la petite et innocente Mi Sun, où Hyun Ki n'était encore que mon Oppa dont j'étais secrètement amoureuse, où j'étais encore capable de rougir alors qu'il ne faisait que m'adresser un sourire amical. Une époque qui me semblait être à des années lumières de cette soirée. Étrangement, je me sentis nostalgique de cette époque. Mon ancienne vie me semblait si facile comparée à celle d'aujourd'hui. Et pourtant, j'avais obtenu tout ce dont je désirais alors : je formais un couple solide avec Hyun Ki, j'avais réussi à capturer son cœur au prix de nombreux efforts sur moi-même, je venais de signer un contrat avec une des plus grande maisons de disques du pays, je touchais mon rêve – celui de devenir une Idole - du doigt. Dit comme ça, tout semblait si facile, si simple. J'aurais dû être heureuse. Mais ce n'était pas le cas. Si je n'avais jamais rencontré la mère de mon amoureux, son décès me touchais de près. Je le voyais, lui et cette lueur de douleur dans le regard. Lui et ces cernes sombres, si semblables aux miennes, qui fleurissaient sur son visage qui trahissaient de ses nuits d'insomnies. « Pardonne moi, Mi Sun. De t'avoir fait souffrir. De te faire souffrir. Je... ça ne se reproduira plus. » Je resserrais mon étreinte. Pourquoi pensait-il être le seul coupable dans cette affaire? J'étais moi-même à blâmer pour avoir agit avec autant d'insouciance. Une idiote. Voilà ce que j'avais été. Une simple idiote amoureuse qui préfère penser au présent sans réfléchir à l'avenir. Ma perruque glissa, guidée par ses gestes. Ses doigts glissèrent dans mes cheveux, maintenant libres de toutes entraves. Pardon Minah, de ruiner ainsi ton travail sur mon humble personne... « Je suis sûr que tu vas devenir une grande chanteuse, Mi Sun. J'en suis persuadé. » Était-ce là, le plus important? Devenir célèbre? Mon cœur balançait toujours entre mes fantasmes de paillettes et de gloire et entre celui de me terrer dans une grotte avec pour seule compagnie, mon petit bonheur et cet homme qui avait su capturer mon âme en un seul regard. Je n'étais pas suffisamment égoïste pour lui enlever son rêve et ruiner ses talents d'acteur. « Tu sais... Des fois, j'aimerais que tout redevienne comme avant. Tu te souviens, comme c'était facile? Nous n'étions pas ensemble mais c'était tellement moins douloureux... » Je me rendis compte que mes paroles pourraient porter à confusion. Je ne regrettais pas ma vie d'aujourd'hui. Je ne pouvais d'ailleurs pas revenir en arrière et tout changer. C'était plutôt ce sentiment que l'on ressent lorsqu'on est jeune et qu'on a l'impression que le monde n'attend que nous. Que rien ne pourrait nous arrêter. Si ce n'est la mort. Et encore, à cet âge, cette peur de la fatalité nous paraît encore bien trop lointaine pour y prêter attention. « Ce que je veux dire, c'est que... Je ne regrette pas tout ce qui est arrivé. Mais que, certaines fois, j'aimerais redevenir l'innocente Mi Sun qui n'a peur de rien sauf d'avouer ses sentiments à son Oppa préféré... » Je relevais la tête et lui adressais un léger sourire amusé. Mon sourire disparu, remplacé par un profond sentiment de lassitude. J'étais fatiguée. Tout le temps. Certaines fois, j'aurais aimé rester toute la journée sous ma couette, à dormir. Une petite hibernation de quelques mois, ça ne devrait pas être réservé qu'aux animaux. Je m'écartais de Hyun Ki, à contre-cœur. « Je... Je vais rentrer. Je suis venue ici à cause de Min Ah. Je n'ai pas envie de rester. » Je frôlais sa joue du bout des doigts, caresse aérienne ayant pour but de le rassurer sur mes intentions. Mon départ n'était que le résultat de ma fatigue. J'hésitais. Nous avions déjà joué ce type de scène. Mais ce soir, la situation était différente et c'était justement ces scènes qui nous avaient mit dans le pétrin. Toutefois, je n'étais pas en état de rester seule. Un rapide coup d'œil me confirma qu'il ne l'était pas plus que moi. Mon déménagement pour le dortoir des SS compliquait un peu les choses. Un instant, je baissais la tête, faible tentative pour lui cacher la rougeur qui s'épanouissait sur mes joues, provoquée par le souvenir des nuits passées avec lui. « Est-ce que... Est-ce que je pourrais rester chez toi? Cette nuit? »